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s'étant pas joints à eux pour les combattre. « Je ne souffrirai pas, s'écria-t-il en terminant, qu'un domaine de mon souverain, confié à ma garde, devienne le champ clos de deux nations en guerre, et, puisque je vous suis trop inférieur en nombre, je vous déclare que vous n'attaquerez les Français qu'après m'avoir passé sur le corps (1). »

Ce petit discours sensé, prononcé d'une voix émue, produisit une visible hésitation parmi les Anglais jusqu'alors si résolus; les officiers de l'Alarm entourérent le commandant et se mirent à lui parler à voix basse. Évidemment, la détermination prise par Chacon de rester au milieu des combattants était embarrassante pour les agresseurs. Après une courte conférence, on convint de se retirer, et le capitaine Vaughan, saluant aussitôt le gouverneur de son épée, sans proférer un seul mot, fit faire volte-face à sa troupe et s'en retourna à ses chaloupes. A la vue des Anglais battant en retraite, une immense clameur s'éleva des rangs français ce furent des quolibets, des cris, des huées qui les poursuivirent jusqu'à leur rembarquement sous la protection des troupes espagnoles. De retour à son bord, le capitaine Vaughan, couvert de confusion, mit immédiatement à la voile et abandonna le champ de ses tristes exploits. Peu de temps après, on apprit qu'il

(1) E.-L. Joseph, History of Trinidad, part. II, chap. x, p. 183. Nous avons suivi forcément la seule version que nous possédions de cet événement, quoique l'évidente partialité de l'écrivain nous donne le droit de douter de son exactitude; il nous a fallu, toutefois, la dégager de toutes les fanfaronnades et les invraisemblances qui la déparent.

s'était brûlé la cervelle (1), comme Sir Lawrence Keymis, en 1617. A ces deux capitaines, la même conduite inconsidérée valut le même sort violent. Si Vaughan, comme Keymis, ne fit pas la guerre aux Espagnols en temps de paix, il entreprit du moins de la faire aux Français, sur territoire espagnol, en temps de paix avec l'Espagne. Tous deux, par de folles entreprises, eurent le malheur de compromettre la politique de leur gouvernement, et tous deux eurent à se donner la mort pour échapper à une juste punition.

Ainsi se termina pacifiquement cette imprudente échauffourée, qui eût pu avoir les conséquences les plus sérieuses. On a dit, il est vrai, qu'une grande émeute (wild riot) avait éclaté au départ de l'Alarm; que les Irlandais et Anglais avaient eu à subir des violences, et qu'ils avaient été contraints d'aller se cacher à la campagne pour attendre l'apaisement des esprits; qu'il y avait eu des blessés, et qu'un nègre anglais était mort de ses blessures (2). Mais tout cela est, pour le moins, d'une excessive exagération, puisque les archives du cabildo n'en font nulle mention. Il est à croire, sans doute, que l'effervescence causée par l'inqualifiable conduite du capitaine Vaughan ne s'est pas subitement calmée au rembarquement des Anglais, et que, pendant le reste de la journée, il y eut des chants de victoire et des démonstrations patriotiques. Il ne serait même pas surprenant que, dans cette population mixte,

(1) E.-L. Joseph, History of Trinidad, part. II, chap. x, p. 183 et seq.

(2) Id., ibid.

il y eût eu quelques rixes particulières; tout cela n'est que trop naturel pour ne pas l'admettre, mais tout cela ne saurait constituer une grave émeute » pendant laquelle des violences auraient été exercées ou contre les personnes ou contre les propriétés.

pour

A la première séance du cabildo après le départ des Anglais (20 mai), « la position critique de l'île par suite de sa faiblesse défensive » fut prise en considération, et il fut décidé d'adresser une pétition au roi lui demander des forces qui missent la colonie « à l'abri des insultes des nations belligérantes; » des insultes pareilles à celle à laquelle elle a été exposée dans la nuit du 8 mai par les équipages des navires de guerre anglais et français démontrant la nécessité d'y maintenir une forte garnison pour la conserver en paix et en tranquillité (1). A la séance du 17 octobre suivant fut produite une dépêche du principal secrétaire d'État de S. M. relative aux évènements des 8 et 9 mai (2). Cette pièce curieuse ne nous a malheureusement pas été conservée dans les archives du cabildo; mais comme sa date ne peut êre que de peu de jours antérieure à celle de la déclaration de guerre de l'Espagne à l'Angleterre (5 octobre), il est à supposer qu'elle dut prémunir le gouverneur Chacon contre une prochaine attaque de l'île par les Anglais, précaution bien inutile, puisque tous les secours offerts avaient été déjà refusés et que les archives du cabildo, pendant les trois

(1) Meany, Abstract of the minutes of Cabildo, 1733-1813, ms., p. 162.

(2) Id., ibid., p. 166.

s'était brûlé la cervelle (1), comme Sir Lawrence Keymis, en 1617. A ces deux capitaines, la même conduite inconsidérée valut le même sort violent. Si Vaughan, comme Keymis, ne fit pas la guerre aux Espagnols en temps de paix, il entreprit du moins de la faire aux Français, sur territoire espagnol, en temps de paix avec l'Espagne. Tous deux, par de folles entreprises, eurent le malheur de compromettre la politique de leur gouvernement, et tous deux eurent à se donner la mort pour échapper à une juste punition.

Ainsi se termina pacifiquement cette imprudente échauffourée, qui eût pu avoir les conséquences les plus sérieuses. On a dit, il est vrai, qu'une grande émeute (wild riot) avait éclaté au départ de l'Alarm; que les Irlandais et Anglais avaient eu à subir des violences, et qu'ils avaient été contraints d'aller se cacher à la campagne pour attendre l'apaisement des esprits; qu'il y avait eu des blessés, et qu'un nègre anglais était mort de ses blessures (2). Mais tout cela est, pour le moins, d'une excessive exagération, puisque les archives du cabildo n'en font nulle mention. Il est à croire, sans doute, que l'effervescence causée par l'inqualifiable conduite du capitaine Vaughan ne s'est pas subitement calmée au rembarquement des Anglais, et que, pendant le reste de la journée, il y eut des chants de victoire et des démonstrations patriotiques. Il ne serait même pas surprenant que, dans cette population mixte,

(1) E.-L. Joseph, History of Trinidad, part. II, chap. x, p. 183 et seq.

(2) Id., ibid.

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eût eu quelques rixes particulières; tout cela n'est que trop naturel pour ne pas l'admettre, mais tout cela ne saurait constituer une grave émeute »> pendant laquelle des violences auraient été exercées ou contre les personnes ou contre les propriétés.

A la première séance du cabildo après le départ des Anglais (20 mai), « la position critique de l'île par suite de sa faiblesse défensive » fut prise en considération, et il fut décidé d'adresser une pétition au roi pour lui demander des forces qui missent la colonie « à l'abri des insultes des nations belligérantes; » des insultes pareilles à celle à laquelle elle a été exposée dans la nuit du 8 mai par les équipages des navires de guerre anglais et français démontrant la nécessité d'y maintenir une forte garnison pour la conserver en paix et en tranquillité (1). A la séance du 17 octobre suivant fut produite une dépêche du principal secrétaire d'État de S. M. relative aux évènements des 8 et 9 mai (2). Cette pièce curieuse ne nous a malheureusement pas été conservée dans les archives du cabildo; mais comme sa date ne peut êre que de peu de jours antérieure à celle de la déclaration de guerre de l'Espagne å l'Angleterre (5 octobre), il est à supposer qu'elle dut prémunir le gouverneur Chacon contre une prochaine attaque de l'île par les Anglais, précaution bien inutile, puisque tous les secours offerts avaient été déjà refusés et que les archives du cabildo, pendant les trois

(1) Meany, Abstract of the minutes of Cabildo, 1733-1813, ms., p. 162.

(2) Id., ibid., p. 166.

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