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pour l'armement du castillo ou forteresse de la Guyane, faillit sombrer en traversant le canal qui sépare l'île du delta de l'Orénoque. Dans le fleuve, la violence du courant les retint si longtemps, que les provisions vinrent à leur manquer. Ce ne fut que onze jours après leur départ, le 22 novembre, qu'ils parvinrent au lieu de leur destination. Ils trouvèrent la ville de Santo-Tomé dans un état déplorable; élevée au pied de la forteresse, elle ne comptait qu'un petit nombre de maisons, ou plutôt de cabanes couvertes de chaume. La forteresse elle-même n'avait pour garnison que quelques soldats misérablement vêtus qui, depuis tout une année entière, n'avaient pas reçu leur solde de Santa-Fé de Bogota. Un seul prêtre avait à sa charge les soins spirituels de toute la province, alors gouvernée par l'alcade Don Francisco Benavides, lieutenant du gouverneur de la Trinidad (1).

Quatre jours après leur arrivée à Santo-Tomé de Guayana, les religieux, accompagnés de l'alcade et de quelques Espagnols, se rendirent au village de Mariguaca, à trois lieues de la ville. Ce village était une encomienda depuis longtemps abandonnée; il n'y avait que dix-huit cases dont les habitants vivaient de la vie sauvage, la plupart sans baptême et sans mariage. C'est que le révérend père jésuite Julian de Vergara s'était, y avait plus d'un siècle, livré à la conversion des Indiens, et c'est là aussi qu'était mort, en 1682, le révérend père Angel de Matarol, en se livrant au même ministère. Ce fut dans ce village que les révérends pères

il

(1) P. Balme, Definicion de la provincia de Cataluña, notes ms.

capucins catalans établirent leur première mission; ils y élevèrent une église sous le vocable de MonteCalvario ou Mont-du-Calvaire, qui leur fut suggéré par une vieille peinture représentant le crucifiement, qu'ils trouvèrent dans l'une des cases. Cette mission fut laissée à la charge du révérend père Arcangel de Barcelona et du frère Ramon de Figuerola. Les deux autres religieux, toujours accompagnés de l'alcade et des Espagnols, la quittèrent le 2 décembre pour aller fonder une seconde mission sur la montagne de Las Totumas, lieu où nous avons vu qu'avait péri la dernière expédition de Don Antonio de Berrío y Oruña, à la conquête du Dorado. Ils y érigèrent une église sous l'invocation de Nuestra Señora de Belén, ou Notre-Dame de Bethléem (1).

A la Trinidad, indépendamment des quatre missions déjà fondées par les religieux l'année même de leur arrivée, une cinquième fut encore établie par eux au commencement de l'année suivante, 1688, sur les instances du gouverneur. Celle-ci était située sur les bords. de la petite rivière Arena (2), laquelle se jette dans la rivière de Tumpuna, un des affluents méridionaux du Caroni, dans un terrain sablonneux, et à mi-chemin de cette rivière à la montagne des Tamanaques. Ce fut au révérend père Basilio de Barcelona qu'échut la charge de l'édification de son église, qui fut dédiée au fondateur de l'ordre, sous le vocable de San-Francisco-delos-Arenales ou Saint-François-des-Sables; la première

(1) P. Balme, Definicion de la provincia de Cataluña, notes ms. (2) Il ne faut pas confondre cette petite rivière avec un des aftluents méridionaux du Caroni portant le même nom.

messe y fut célébrée le jour de Pâques de la même année 1688 (1). Cette mission, comme les deux dernières de Savaneta et de Montserrat, ne donna naissance à aucun centre de population. Nous verrons, par la suite, quel fut son malheureux sort.

Les religieux, se trouvant alors en nombre insuffisant pour desservir autant de missions, demandèrent de nouveaux ouvriers évangéliques au provincial de Catalogne. Ils en reçurent quatre qui, partis de Cadix vers la fin de 1689, arrivèrent à la Trinidad au commencement de 1690; c'étaient:

1o Le révérend père frère José Francisco de Barcelona;

2o Le révérend père frère Estevan de San-Felice; 3o Le révérend père frère Lucian de Vique; 4o Le révérend père frère Bautista de Nigo (2).

Le 27 septembre de cette année 1690, on tint chapitre dans la mission-mère de Naparima, et le révérend père José de Ezeba fut élu préfet à la place du révérend pére Tomás de Barcelona. Il y fut décidé que, sur la demande du gouverneur, on fonderait trois nouvelles missions, dont une à Mayaro, une à Guayaguayare, et la dernière à Moruga, et que, pour les desservir, on demanderait de nouveaux secours à la province de Catalogne. Deux des religieux récemment arrivés, les révérends pères Estevan de San-Felice et José Francisco de Barcelona, furent chargés de ces dernières fonda

(1) P. Balme, Definicion de la provincia de Cataluña, notes ms. (2) Id., ibid.

tions. Le premier de ces pères, accompagné du frère Gil de Villamayor, partit de la mission de Savana-Grande au commencement de 1691, pour aller à la recherche de sites convenables à Mayaro et à Moruga. Les sentiers à parcourir à travers la forêt vierge étaient longs et difficiles; à leur retour, ils manquèrent de vivres en route, et ils eussent peut-être péri d'inanition, s'ils n'eussent rencontré des Indiens, dont ils purent obtenir des bananes mûres. Peu de jours après leur retour, le révérend père José Francisco de Barcelona s'en alla fonder à son tour la mission de Guayaguayare, dont l'église fut mise sous l'invocation de San-José ou SaintJoseph, de Carriero (1). Ces trois fondations ne donnèrent naissance à aucun village considérable.

L'année suivante, 1692, on tint encore chapitre à Naparima, et le révérend père Gabriel de Barcelona fut élu préfet à la place du révérend père José de Ezeba. En cette même année arrivèrent quatre autres religieux d'Espagne, savoir:

1o Le révérend père frère Ambrosio de Matarol;
2o Le révérend père frère Antonio de Prades;
3o Le révérend père frère Ignacio de Valfogina;
4o Le révérend père frère Marco de Vique (2).

Les trois premiers de ces nouveaux venus furent désignés pour aller établir de nouvelles missions dans la Guyane. Les révérends pères Ambrosio de Matarol et Ignacio de Valfogina fondèrent celle du Plantanal, sous

(1) P. Balme, Definicion de la provincia de Cataluña, notes ms. (2) Id., ibid.

le vocable de Santa-Maria-Magdalena ou Sainte-MarieMadeleine; et le révérend père Antonio de Prades, celle de Parapara, située à une journée de chemin de la première. Cette dernière mission, où les Indiens se montrèrent hostiles avec persistance, fut bientôt abandonnée par son fondateur. A la Trinidad, trois missions furent aussi abandonnées pendant la période qu'embrasse ce chapitre : ce furent celles de Mayaro et de Moruga, par suite des hostilités fréquentes des Indiens Guaraunos du delta de l'Orénoque, et celle de SanFrancisco de los Arenales, par suite d'une révolte de ses Indiens, dont il sera question plus tard. Dans les trois missions qui réussirent à la Guyane, celles de Mariguaca, de Las Totumas et du Plantanal, les religieux réduisirent à la vie civile environ 5,000 Indiens; et dans les cinq qui réussirent à la Trinidad, celles de Guairía ou Naparima, de Savana-Grande, de Savaneta, de Montserrat et de Guayaguayare, un nombre à peu près égal (1).

Telles furent les fondations des pères Capucins catalans, à la Trinidad et à la Guyane, pendant la période qu'embrasse ce chapitre. Les sites de ces missions étaient admirablement choisis, sous le rapport de la salubrité; autant que possible, ils occupaient des sites élevés, au sol sablonneux, favorables également à la prompte infiltration et au rapide écoulement des eaux pluviales, si pernicieuses à la santé dans les pays

(1) Ces diverses missions sont indiquées sur la carte publiée par Faden en 1798, « d'après les documents, etc., des vaisseaux espagnols employés à relever les côtes du golfe du Mexique en 1787. »

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