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l'Europe, et fait encore les délices de tous ceux quiconnoissentou peuvent cultiversa littérature.

Sans trop m'étendre sur cette recherche, plus curieuse que véritablement utile pour la majorité des lecteurs, je vais essayer de tracer rapidement l'origine et la formation de la langue françoise, ses progrès depuis le règne de François rer, époque où elle commença à se dépouiller de ses formes barbares, jusqu'à Pascal et à Racine qui l'ont fixée ; j'indiquerai enfin les causes de sa décadence dans un temps où l'on confondit tous les genres, où plusieurs auteurs adoptèrent un néologisme inintelligible, où se répandirent sur la littérature, les mêmes erreurs et les mêmes sophismes que sur la politique.

Je serai obligé de parler en même temps des progrès de la langue italienne, parce qu'elle a la même origine que lanôtre, parce que, comme on va le voir, les deux langues se sont souvent rapprochées, parce qu'enfin les premiers auteurs françois ont pris pour modèles les auteurs italiens. La langue espagnole, quoique née aussi de la langue latine, n'a pas dû sa perfection aux mêmes causes. La littérature des Arabes, si célèbre dans le moyen âge, a inspiré les premiers auteurs espagnols, et nous n'avons com

mencé à les connoitre et à les étudier qu'au temps d'Anne d'Autriche. Je m'abstiendrai donc de faire mention de leur langue, jusqu'au moment où elle a pu influer sur la langue françoise.

Lorsque les Romains eurent asserviles Gaules, la langue latine s'y introduisit. Autun, et quelques villes du midi devinrent le siége des bonnes études; et cette contrée, jusqu'alors barbare, produisit quelques écrivains estimés dans la langue' romaine. Mais le latin ne tarda pas à s'y corrompre par son mélange avec l'ancien idiome gaulois. Les calamités que l'Europe éprouva lors de la chute de l'Empire d'occident, accélérèrent cette décadence. A la même époque, l'Italie conquise par les Goths, perdit, en peu de temps, la pureté de son langage. En vain les discours de Simmaque et les ouvrages de Boëce donnèrent quelque foible éclat au règne de Théodoric, la langue vulgaire s'altéra en adoptant plusieurs expressions et plusieurs tours étrangers. L'expédition de Bélisaire, qui rétablit pour quelque temps un vain fantôme d'empire romain, ne fut d'aucune utilité pour les lettres latines, puisque, dans ce siècle malheureux, l'Italie fut plus que jamais en proie aux invasions des Barbares.

Les Gaules conquises par les Francs ne con

servèrent pas plus long-temps la langue qu'elles avoient reçue des Romains. Sous la première race de nos rois, sous Charlemagne et sous Louis le Débonnaire, le langage du peuple fut le roman rustique, c'est-à-dire un latin extrêmement altéré. Le tudesque, idiome des vainqueurs, fut parlé à la cour et par les grands. Sous Charles le Chauve, il commença à se former un langage composé de tudesque et de latin, qui fut appelé langue romane. C'est dans ce temps que les Bénédictins placent l'origine des romans, c'est-à-dire des ouvrages écrits dans la langue nouvellement formée. Ce nom de roman a depuis été donné aux narrations d'événemens imaginés. Le plus ancien monument de la langue romane est un traité entre Charles le Chauve et Louis le Germanique, cité par le président Hénault.

Les peuples de la France et de l'Italie étoient alors plongés dans l'ignorance la plus profonde; aucune relation n'existoit entre les différentes provinces ; les liens du commerce n'unissoient point les hommes ; et les seuls ecclésiastiques, chargés de rédiger en latin les actes publics, avoient conservé quelques connoissances littéraires. Les croisades tirèrent l'Europe de cette apathie, et étendirent les connoissances de ses

habitans. Ces expéditions lointaines, où les peuples purent remarquer des usages nouveaux pour eux, des inventions qui leur étoient inconnues; les sites délicieux de l'Asie mineure, un climat doux, l'aspect des monumens de l'antiquité, dûrent développer les facultés intellectuelles de ces conquérans, et leur inspirer du goût pour les arts agréables. On peut justement attribuer à cette impulsion les talens oratoires de saint Bernard qui, dans les plaines de Vézelay, harangua en françois des milliers d'auditeurs. Un siècle qui produisit des hommes tels que Pierre le Vénérable et Abailard, une femme telle qu'Héloïse, n'étoit pas un siècle entièrement barbare.

Constantinople étoit l'unique séjour où les belles-lettres se fussent conservées. Au milieu des horreurs qui souillent si souvent les fastes de l'Empire, l'esprit de société n'avoit point été détruit. Les institutions des premiers empereurs chrétiens y subsistoient encore; et, malgré la corruption des mœurs, malgré les fréquentes révolutions du palais, le peuple de Bisance avoit conservé ce vernis d'élégance et d'urbanité qui distingue les nations policées. Ces mœurs étoient absolument étrangères aux peuples de l'occident. On cultivoit à Constantinople les

arts d'agrément; la poésie et l'éloquence y étoient honorées ; et la langue grecque, quoique dégénérée, prêtoit toujours aux ouvrages d'esprit ses grâces et son harmonie.

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Lorsque Baudouin, comte de Flandre, aidé par les Génois et par les Vénitiens, monta sur le trône des Comnènes, les trois nations se familiarisèrent avec le peuple de Constantinople. Pendant l'empire latin qui dura un peu plus d'un demi-siècle, il est à croire qu'elles puisèrent au centre des arts et des belles-lettres, les germes du goût qu'elles développèrent dans la suite. Les liens que les François contractèrent avec les familles grecques, la préférence que les femmes accordoient à ces chevaliers dont elles aimoient à polir les manières un peu sauvages, la nécessité où ils étoient d'apprendre la langue des réunions brillantes où ils étaient admis, dûrent leur faire sentir la dureté et la barbarie de leur idiome; et de ce mélange trop court d'un peuple guerrier, avec une nation livrée aux arts paisibles, dut naître, pour la France qui étoit alors la métropole de ces foibles débris de l'empire grec, un progrès rapide vers le perfectionnement de la société. Le commerce maritime que les Vénitiens établirent entr'eux et Constantinople qui se trouvoit l'entrepôt de tout

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