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lienne. Elle fut alternativement douce, sonore, héroïque; elle rendit avec la même facilité les passions fortes, les sensations gaies, les tableaux majestueux, et les portraits rians. Elle devint descriptive, lorsque le poëte vouloit peindre; passionnée, lorsqu'il vouloit émouvoir; vive et légère dans la comédie, piquante et ingénieuse dans la satire.

François 1er, dont le règne fut si brillant et si malheureux, protégea la littérature françoise, et la langue fit de plus grands pas vers sa perfection. C'est sous ce règne que se formèrent les semences des troubles qui ensanglantèrent les règnes suivans, et qui rendirent moins puissans les efforts du monarque pour faire renaître les belles-lettres. Ce prince, doué de toute la franchise d'un chevalier, n'opposa à un rival redoutable, et peu scrupuleux sur les moyens d'arriver à son but, que le courage et la loyauté; et cette lutte inégale affoiblit pour long-temps la France, qui ne se releva avec éclat que sous le règne de Louis XIV. Dans les intervalles trop courts de repos dont jouit François 1o, les fêtes somptueuses qu'il donna, les réunions brillantes qu'il forma à sa cour, la galanterie noble qui s'y introduisit, l'influence des femmes dont l'éducation commen

çoit à être moins négligée, et que l'on ne confinoit plus dans des châteaux, firent contracter l'habitude de s'exprimer avec grâce; et la délicatesse se joignit à la naïveté simple des règnes précédens. L'esprit de société prit naissance. La culture des lettres n'appartint plus exclusivement aux savans qui ne pouvoient s'empêcher d'y mêler du pédantisme. On s'en occupa dans les cercles; on se permit d'en juger; le goût et la langue dûrent beaucoup à cette heureuse innovation.

François rer ne borna pas ses soins à l'impulsion qu'il avoit donnée aux personnes de sa cour. Il fonda le Collége de France qui s'est conservé jusqu'à nos jours. Cet établissement fut consacré, dès son origine, à perfectionner l'enseignement littéraire qu'on recevoit dans les colléges de l'université. L'étude du grec qui avoit été négligée, fut cultivée dans ce collége, et l'on y embrassa toutes les parties des sciences et de la belle littérature.

Nos relations avec l'Italie continuèrent sous ce règne, et la langue françoise s'enrichit encore des trésors littéraires dûs à la protection éclairée des Médicis et de la maison d'Est. On commença à reconnoître, principalement dans les poésies légères, une différence marquée

dans la manière de s'exprimer des deux peuples. Les poëtes érotiques de l'Italie cherchoient toujours à mettre de l'esprit dans leurs productions; leurs pensées avoient quelque chose de subtil qui en affoiblissoit l'effet; ils se plaisoient aux cliquetis de mots; ils se bornoient trop souvent à flatter l'oreille; leur délicatesse étoit recherchée; ils tomboient enfin dans le défaut reproché à Ovide, d'épuiser une idée, en la retournant dans tous les sens. Clément Marot, que nous pouvons regarder comme notre premier bon poëte, prit une autre route. Il sut badiner avec grâce, et en évitant toute espèce d'affectation; une délicatesse fine et aimable domina dans ses vers, mais elle ne fut jamais poussée jusqu'à cette quintessence de sentiment qui en détruit le charme. Une sensibilité vive et naturelle échauffa seule son imagination, et l'on n'eut jamais à lui reprocher le défaut de ces poëtes qui s'exaltent à froid, et remplacent par de grands mots les expressions simples qui, plus que toutes les autres, conviennent aux passions.

Quelques vers de Marot suffiront pour donner une idée de ce style qu'on a imité quelquefois depuis que la langue s'est formée, et que nous aimons sur-tout dans les poésies de La

Fontaine. Marot se plaint de l'indifférence de sa maîtresse, et rappelle le temps où il étoit aimé.

Où sont ces yeux, lesquels me regardoyent
Souvent en ris, souvent avecque larmes ?

Où sont les mots qui m'ont fait tant d'alarmes ?
Où est la bouche aussi qui m'appaisoit?
Où est le cœur qu'irrévocablement
M'avez donné ? Où est semblablement
La blanche main qui bien fort m'arrêtoyt
Quand de partir de vous besoin m'étoyt?
Hélas! amans, hélas! se peut-il faire
Qu'amour si grand se puisse ainsi défaire ?
Je penseroy plutôt que les ruisseaux
Feroyent aller en contremont leurs eaux,
Considérant que de faict, ne pensée
Ne l'ay encor, que je sache, offensée.

Ces vers, qui respirent la plus douce naïveté et la sensibilité la plus touchante, peuvent indiquer l'état dans lequel étoit notre poésie. On voit que les poëtes n'avoient point adopté le mélange réglé des rimes féminines et masculines, et que les hiatus étoient permis. Nous avions besoin de ces nouvelles règles pour donner à la poésie l'harmonie que la langue semble lui refuser, et de ces difficultés qui, forçant le poëte à un travail plus long, le met

tent

tent dans la nécessité de mûrir ses idées et de polir son style.

On se tromperoit si l'on croyoit que toutes les poésies de Marot sont aussi agréables que l'élégie dont je viens de citer un fragment. Il s'égare presque toutes les fois qu'il veut quitter le ton tendre ou badin, pour prendre celui d'un genre plus élevé.Sa traduction des pseaumes ne dut quelque succès qu'à la circonstance dans laquelle ils furent composés. L'enthousiasme. pour la réforme étoit alors dans toute sa force; plusieurs seigneurs, et sur-tout plusieurs dames de la cour avoient embrassé la nouvelle secte. Un des principaux reproches que les novateurs intentoient à la religion catholique, portoit sur ce que l'Office divin se faisoit dans une langue inconnue au peuple. Marot, qui penchoit un peu vers les opinions des protestans, essaya de traduire quelques chants de l'Eglise en vers françois. La nouveauté, le nom trèsconnu de l'auteur, firent réussir cette tentative. Elle fit même naître parmi les femmes une sorte d'engouement. Il étoit piquant de voir le chantre des amours, l'homme le plus éloigné du rigorisme de la morale chrétienne, s'emparer toutà-coup de la harpe des prophètes, et s'exercer dans un genre qui avoit si peu de rapport avec

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