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clu qu'au lieu de chercher à faire un choix d'expressions relevées, il falloit opérer une révolution dans la langue, en y introduisant les richesses de la langue grecque et de la langue latine (1). Les succès qu'il obtint, et qu'il dut plutôt à quelques beaux vers épars dans ses ouvrages, qu'aux innovations dangereuses qu'il avoit osé tenter, l'enivrèrent au point qu'il ne garda plus aucune mesure. Il hérissa ses écrits de mots nouveaux, et l'on vit la langue d'Homère et celle de Virgile, tronquées et défigurées dans un jargon barbare. Cet abus fut heureusement porté si loin, qu'on n'entendit bientôt plus le poëte. Sa chute fut aussi

que son succès.

prompte

Ronsard jouit d'une grande faveur auprès de Charles Ix, qui lui adressa souvent des vers. Il paroît que ce malheureux prince, entraîné à l'excès le plus affreux, par son inexpérience et

(1) On trouve la preuve des grands succès de Ronsard dans cette phrase de la Boëtie, auteur contemporain. «< Notre » poésie françoise est maintenant, non-seulement accous» trée, mais, comme il semble, faicte tout à neuf par notre » Ronsard, qui, en cela, avance bien tant notre lan» gue, que j'ose espérer que bientôt les Grecs ni les Latins » n'auront guères, pour ce regard, devant nous, sinon » possible que le droit d'aînesse ». Disc. sur la Serv. volont.

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par de perfides conseils, avoit un penchant décidé pour les belles-lettres, et que, sans les troubles qui désólèrent son règne, il auroit, par une protection constante, secondé les efforts de François 1°. « Quand il faisoit mau» vais temps ou pluie, ou d'un extrême chaud, » dit Brantôme, il envoyoit quérir messieurs » les poëtes, et là, passoit son temps avec eux ». Que n'auroit-on pas dû attendre d'un jeune prince qui préféroit ainsi à des amusemens frivoles la conversation des hommes instruits? Ce goût pour la société des gens de lettres lui avoit été inspiré par Amiot, son précepteur, à qui nous devons une traduction de Plutarque. « Si n'est pas l'étude d'un roi, dit Amiot à >> Charles IX, de s'enfermer seul en un' étude, » avecque force livres, comme feroit un homme » privé, mais bien de tenir toujours auprès de » lui gens de savoir et de vertu, prendre

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plaisir à en deviser et conférer souvent avec » eux, mettre en avant des propos à sa table, » et en ses privés passe-temps, en ouïr volon» tiers lire et discourir; l'accoustumance lui >> en rend l'exercice peu à peu si agréable et si plaisant, qu'il trouve, puis après, tous les >> autres propos fades, bas, et indignes de son » exaucement, et si fait qu'en peu d'années,

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» il devient sans peine bien savant et instruict »ès choses dont il a plus à faire en son gou

» vernement ».

La traduction des Hommes Illustres et des OEuvres morales de Plutarque, est le premier monument durable de notre prose, car les Essais de Montaigne ne parurent que quelque temps après. C'étoient peut-être les seuls ouvrages de l'antiquité qui pussent passer dans la langue françoise telle qu'elle étoit alors. Plutarque est toujours simple et naïf; ses récits portent le caractère d'une bonhomie agréable, unie avec la plus profonde raison; et ses traités de morale, pleins d'excellens principes sur la politique, sur la société, sur l'éducation, ressemblent à une conversation d'amis, où l'auteur cherche à instruire en amusant. Notre prose, qui ne pouvoit encore se prêter à un style élevé, et qui étoit propre à peindre naïvement les détails de la vie privée, convenoit très-bien pour rendre les écrits de Plutarque. C'est ce qui explique les causes de la préférence que nous donnons toujours à la traduction d'Amiot sur celle de Dacier. Ce grand travail fut achevé pour l'éducation de Charles IX, et avoit été entrepris par les ordres de François 1°, qui distingua les talens d'Amiot, et qui fut son protecteur.

Écoutons Amiot lui-même parler des motifs qui l'ont déterminé, nous pourrons nous former en même temps une idée de sa manière d'écrire. Il s'adresse toujours à Charles ix:

« Or, ayant eu ce grand heur que d'être » admis auprès de vous dès votre première en>> fance, que vous n'aviez guères que quatre » ans, pour vous acheminer à la connoissance de >> Dieu et des lettres, je me mis à penser quels » auteurs/anciens seroient plus idoines et plus » propres à votre estat, pour vous proposer à » lire quand vous seriez venu en âge d'y pou» voir prendre quelque goust; et pour ce qu'il » me semble qu'après les sainctes lettres, la plus » belle et la plus digne lecture qu'on sauroit présenter à un jeune prince, étoit les Vies » de Plutarque, je me mis à revoir ce que j'en » avois commencé à traduire en notre langue, » par le commandement de feu grand roi

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François, mon premier bienfaiteur, que Dieu » absolve, et parachevai l'œuvre entier étant à » votre service, il y a environ douze ou treize

>> ans».

Catherine de Médicis, dont la fausse politique influa beaucoup sur les malheurs de ses enfans, protégea les lettres, et prouva son goût éclairé pour ceux qui les cultivoient, en élevant aux

premières dignités de l'état le fameux chancelier de l'Hôpital. Elle avoit puisé ce goût dans sa famille, dont les bienfaits firent renaître la littérature italienne, et elle avoit apporté de Florence cette politesse noble, cette élégance de mœurs qui rendirent la cour de France si brillante à cette époque. De toutes les parties du royaume, elle appeloit près d'elle les femmes les plus distinguées par leur naissance et par leur beauté. Elle les formoit au ton de la bonne compagnie, qui n'étoit encore connu qu'à la cour des Médicis; elle leur faisoit contracter l'habitude de s'exprimer avec ce choix de termes, et cette délicatesse dans la manière de les arranger qui caractérisent le beau langage. Ce cortége. aimable et séduisant ne la quittoit pas; elle s'en faisoit suivre dans les fréquens voyages que les troubles de l'état la forçoient d'entreprendre dans toutes les provinces. Par-tout elle répandoit le goût d'une politesse et d'une galanterie décentes. « Elle » avoit ordinairement, dit Brantôme, de fort » belles et honorables filles, avec lesquelles, >> tous les jours, en son antichambre, on con» versoit, on discouroit, on devisoit tant sa»gement et tant modestement, que l'on n'eût » osé faire autrement. Car le gentilhomme qui

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