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Or personne ne peut révoquer en doute que l'homme ne reçoive en naissant l'organe de la parole. Cet organe lui a été donné pour penser et pour parler. L'inutilité de cet organe porteroit à croire que l'homme seroit sorti imparfait des mains du Créateur, et qu'il se seroit perfectionné de lui-même : cela contredit toute opinion raisonnable; cela est démenti par tous les êtres vivans que nous voyons profiter de la totalité de leurs organes.

Ce qui a été accordé au plus vil insecte, eût été refusé à l'homme! La proposition est par trop absurde.

L'homme, naissant avec le don de la parole, a donc toujours parlé. S'il a toujours parlé, il a toujours été en société. L'état naturel n'a donc jamais existé.

Les savans ont remarqué que dans les plus anciennes langues du nord, et principalement dans le celte, les substantifs usuels ne s'exprimoient que par un seul son. La langue arabe qui, malgré son antiquité reculée, n'a aucune affinité avec le celte, en diffère essentiellement sous ce rapport. Presque tous les mots radicaux sont composés de trois consonnes qui suppose trois sons. Mais une espèce de mots qu'on peut regarder comme inhérente à

l'état social, puisqu'elle exprime la possession et la propriété, les pronoms possessifs ne sont figurés que par une seule lettre qu'on met à la fin du nom substantif. Ainsi, pour rendre ces idées : Ma chambre, ta chambre sa chambre, on ajoute au mot

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qui signifie chambre, les lettres, et, et l'on

بيتك بيتي écrit

ك,

et 4. Il est à croire que les mots d'absolue nécessité ont été, dans leur origine, très-courts.

C'est aux savans à examiner comment les langues modernes se sont formées, à l'époque de la décadence de l'empire romain, lorsque les mêmes provinces voyoient se succéder une multitude de nations barbares, lorsque les peuples du nord et du midi se sont mêlés, au milieu des plus grands désastres que l'humanité ait éprouvés ; lorsqu'enfin tous ces hommes, étrangers l'un à l'autre par leur éducation, par leurs mœurs et par leurs goûts, ont coufondu des idiomes barbares, avec les langues harmonieuses de la Grèce et de l'Italie.

Ils doivent sur-tout rechercher comment, du sein de ce désordre, put naître une langue moderne, qui, par sa clarté, sa noble élégance, et par des chefs-d'œuvres, s'est répandue dans

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l'Europe, et fait encore les délices de tous ceux quiconnoissentou peuvent cultiversalittérature. Sans trop m'étendre sur cette recherche, plus curieuse que véritablement utile pour la majorité des lecteurs, je vais essayer de tracer rapidement l'origine et la formation de la langue françoise, ses progrès depuis le règne de François 1er, époque où elle commença à se dépouiller de ses formes barbares, jusqu'à Pascal et à Racine qui l'ont fixée ; j'indiquerai enfin les causes de sa décadence dans un temps où l'on confondit tous les genres, où plusieurs auteurs adoptèrent un néologisme inintelligible, où se répandirent sur la littérature, les mêmes erreurs et les mêmes sophismes que sur la politique.

Je serai obligé de parler en même temps des progrès de la langue italienne, parce qu'elle a la même origine que la nôtre, parce que, comme on ya le voir, les deux langues se sont souvent rapprochées, parce qu'enfin les premiers auteurs françois ont pris pour modèles les auteurs italiens. La langue espagnole, quoique née aussi de la langue latine, n'a pas dû sa perfection aux mêmes causes. La littérature des Arabes, si célèbre dans le moyen âge, a inspiré les miers auteurs espagnols, et nous n'avons com

pre

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mencé à les connoître et à les étudier qu'au temps d'Anne d'Autriche. Je m'abstiendrai donc de faire mention de leur langue, jusqu'au moment où elle a pu influer sur la langue françoise. Lorsque les Romains eurent asserviles Gaules, la langue latine s'y introduisit. Autun, et quelques villes du midi devinrent le siége des bonnes études; et cette contrée, jusqu'alors barbare produisit quelques écrivains estimés dans la langue romaine. Mais le latin ne tarda pas à s'y corrompre par son mélange avec l'ancien idiome gaulois. Les calamités que l'Europe éprouva lors de la chute de l'Empire d'occident, accélérèrent cette décadence. A la même époque, l'Italie conquise par les Goths, perdit, en peu de temps, la pureté de son langage. En vain les discours de Simmaque et les ouvrages de Boëce donnèrent quelque foible éclat au règne de Théodoric, la langue vulgaire s'altéra en adoptant plusieurs expressions et plusieurs tours étrangers. L'expédition de Bélisaire, qui rétablit pour quelque temps un vain fantôme d'empire romain, ne fut d'aucune utilité pour les lettres latines, puisque, dans ce siècle malheureux, l'Italie fut plus que jamais en proie aux invasions des Barbares.

Les Gaules conquises par les Francs ne con

servèrent pas plus long-temps la langue qu'elles avoient reçue des Romains. Sous la première race de nos rois, sous Charlemagne et sous Louis le Débonnaire, le langage du peuple fut le roman rustique, c'est-à-dire un latin extrêmement altéré. Le tudesque, idiome des vainqueurs, fut parlé à la cour et par les grands. Sous Charles le Chauve, il commença à se former un langage composé de tudesque et de latin, qui fut appelé langue romane. C'est dans ce temps que les Bénédictins placent l'origine des romans, c'est-à-dire des ouvrages écrits dans la langue nouvellement formée. Ce nom de roman a depuis été donné aux narrations d'événemens imaginés. Le plus ancien monument de la langue romane est un traité entre Charles le Chauve et Louis le Germanique, cité par le président Hénault.

Les peuples de la France et de l'Italie étoient alors plongés dans l'ignorance la plus profonde; aucune relation n'existoit entre les différentes provinces ; les liens du commerce n'unissoient point les hommes ; et les seuls ecclésiastiques, chargés de rédiger en latin les actes publics, avoient conservé quelques connoissances littéraires. Les croisades tirèrent l'Europe de cette apathie, et étendirent les connoissances de ses

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