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haut de leurs trônes dans l'abyme de l'éternité; la politique des peuples, leurs victoires, leurs résolutions, tout enfin se conforme aux volontés d'un Dieu qui préside constamment à ces grandes catastrophes de l'espèce humaine: L'auteur peint d'un seul trait les caractères des princes, la législation des États, les opinions des peuples, et il en tire une conclusion sublime sur la fragilité des grandeurs de l'homme. « Ainsi, » dit-il au Dauphin, quand vous voyez passer, » comme en un instant devant yos yeux, je ne » dis pas les rois et les empereurs, mais ces grands empires qui ont fait trembler tout l'uni>> vers; quand vous voyez les Assyriens anciens >>>et.nouveaux, les Mèdes, les Perses

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» Grecs, les Romains, se présenter devant vous >> successivement, et tomber, pour ainsi dire, » les uns sur les autres; ce fracas effroyable >> vous fait sentir qu'il n'y a rien de solide parmi® » les hommes, et que l'inconstance et l'agita» tion sont le propre partage des choses hu»maines ». Bossuet peint en profond politique les causes de la chute de l'empire des Perses. Les soldats de Darius étoient plongés dans la mollesse ; mais suivant les expressions de l'évêque de Meaux, l'armée des Grecs, médiocre à la vérité, pouvoit être comparée à ces corps

vigoureux où il semble que tout soit nerf, et où tout est plein d'esprits. La décadence de l'empire romain offre à Bossuet de nouveaux moyens de développer ses grandes vues sur la prospérité et la ruine des États. Montesquieu, dans un de ses meilleurs ouvrages, a imité Bossuet; il a puisé dans le Discours sur l'Histoire universelle, l'ensemble général de son livre et une foule d'idées lumineuses; mais, avec le talent le plus distingué, il n'a pu égaler son modèle, soit par la disposition des faits, soit par la manière de les peindre, soit par la profondeur et la justesse des réflexions.

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Bossuet, après avoir cherché, d'après la politique humaine, les causes des grandes révolutions, rapporte tout aux décrets de l'Être éternel qui dispose des empires. Cette conclusion a un caractère de sublimité auquel ne pourront jamais atteindre les narrations qui n'ont pour objet que de retracer les fureurs et les folies des hommes. « Ce long enchaînement des causes

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particulières, dit Bossuet, qui font et défont » les empires, dépend des ordres secrets de la >> divine Providence. Dieu tient, du plus haut » des cieux, les rênes de tous les royaumes. » Il a tous les cœurs en sa main; tantôt il retient » les passions, tantôt il leur lâche la bride; et

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» par là il remue tout le genre humain. Veut-il faire des conquérans? il fait marcher l'épou » vante devant eux, et il inspire à eux et à leurs >> soldats une hardiesse invincible. Veut-il faire » des législateurs? il leur envoie son esprit de » sagesse et de prévoyance ; il leur fait préve» nir les maux qui menacent les États, et poser » les fondémens de la tranquillité publique. Il » connoît la sagesse humaine, toujours courte » par quelqué endroit; il l'éclaire, il étend ses » vues, et puis il l'abandonne à ses ignorances. » Il l'aveugle, il la précipite, il la confond par » elle-même ; elle s'enveloppe, elle s'embarrasse » dans ses propres subtilités, et ses prétentions » lui sont un piége. Dieu exerce par ce moyen » ses redoutables jugemens, selon les règles de » sa justice., toujours infaillible ». Ces mouvemens variés, cette rapidité entraînante, cette éloquente simplicité dans les expressions, sont le caractère du style de Bossuet.

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Mais c'est par ses Oraisons funèbres, qu'il est plus généralement connu. Sa diction, pleine de force et de nerf, devient touchante quand la situation l'exige. On n'y voit jamais le travail, comme dans les Oraisons de Fléchier. On lui a reproché, avec raison, quelques tournures négligées, telles que celle-ci,

lorsqu'il parle d'une jeune princesse : Elle fut douce avec la mort, comme elle l'étoit avec tout le monde. Mais on n'a pas assez admiré une multitude de pensées simples et sublimes, dont l'expression naïve augmente encore la beauté. En pleurant la princesse dont je viens de parler, il montre son cercueil, et il s'écrie: La voici telle que la mort nous l'a faite.

Jamais orateur chrétien ne profita plus que Bossuet du caractère et de la situation des personnages dont il déploroit la mort. Lisez l'oraison funèbre de la reine d'Angleterre, et vous y verrez peints à grands traits, les malheurs d'une réforme religieuse; vous verrez une reine passant et repassant les mers pour porter des sécours à son époux; les tempêtes et les vagues la respectent. Vous admirerez le contraste du moment où elle s'embarqua pour aller partager la couronne d'Angleterre, avec celui où elle quitta cette île funeste dans laquelle la tête de son époux devoit tomber sur un échafaud. Quelles sublimes leçons !

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Dans l'oraison funèbre de Madame, vous remarquerez, s'il est possible, de plus grandes, beautés. Une princesse, âgée de vingt-six ans, les délices de la Cour, célèbre par son esprit et par sa beauté, meurt subitement. L'église est

tendue de noir, le cercueil est dans le chœur, la Cour est assemblée, et Bossuet monte en chaire. Placé entre l'autel et le cercueil, il commence par peindre la mort dans toute son horreur; les grandeurs du monde, la beauté, les plaisirs finissent dans le tombeau. L'auditoire est pénétré de terreur; la pensée de la destruction pèse sur tous les cœurs, les épouvante, et les jette dans une morne consternation. L'orateur se tourne alors vers l'autel; les grandes idées de l'éternité et de l'immortalité de l'âme se réveillent et se développent; l'espérance renaît, et l'âme éprouve une sorte de soulagement. Aucun genre d'éloquence peut-il égaler, dans cette circonstance, l'éloquence chrétienne ?

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L'éloge du grand Condé termina la carrière oratoire de Bossuet. On vit ce pasteur vénérable annoncer qu'il déposoit le sceptre de l'éloquence, et qu'il vouloit se borner désormais à la pratique des plus humbles vertus chrétiennes. C'étoit afin de se rapprocher des pauvres, les soulager, de les instruire ; c'étoit pour aller faire aux enfans le catéchisme dans l'église de Meaux, que Bossuet quittoit une Cour dont il étoit regardé comme le directeur spirituel. Quel tableau que la mort d'un héros, et la retraite du plus grand des orateurs chrétiens! «< Heureux,

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