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GÉNÉRALE ET RAISONNÉE.

LA Grammaire est l'art de parler.

Parler, est expliquer ses pensées par des signes que les hommes ont inventés à ce dessein.

On a trouvé que les plus commodes de ces signes étoient les sons et les voix.

Mais parce que ces sons passent, on a inventé d'autres signes pour les rendre durables et visibles, qui sont les caractères de l'écriture, que les Grecs appellent rgáμμara, d'où est venu le mot de Grammaire.

Ainsi l'on peut considérer deux choses dans ces signes. La première; ce qu'ils

sont par

leur

nature, c'est-à-dire, en tant

que sons et caractères.

La seconde; leur signification, c'est-àdire, la manière dont les hommes s'en servent pour signifier leurs pensées.

Nous traiterons de l'une dans la première Partie de cette Grammaire, et de l'autre dans la seconde.

PREMIÈRE PARTIE,

Où il est parlé des lettres et des caractères

de l'écriture.

CHAPITRE PREMIER.

Des lettres comme sons, et premièrement des voyelles.

Es

LES divers sons dont on se sert pour parler, et qu'on appelle lettres, ont été trouvés d'une manière toute naturelle, et qu'il est utile de remarquer.

Car comme la bouche est l'organe qui les forme, on a vu qu'il y en avoit de si simples, qu'ils n'avoient besoin que de sa seule ouverture pour se faire entendre et pour former une voix distincte, d'où vient qu'on les a appelés voyelles.

Et on a aussi vu qu'il y en avoit d'autres qui, dépendant de l'application particulière de quelqu'une de ses parties, comme des dents, des lèvres, de la langue, du palais, ne pouvoient néanmoins faire un son parfait que par l'ouverture même de la bouche, c'est-à-dire,

par

leur union avec ces premiers sons,

on les appelle consonnes.

et à cause de cela

L'on compte d'ordinaire cinq de ces voyelles, a, e, i, o, u; mais outre que chacune de celles-là peut être brève ou longue, ce qui cause une variété assez considérable dans le son, il semble qu'à consulter la différence des sons simples, selon les diverses ouvertures de la bouche, on auroit encore pu ajouter quatre ou cinq voyelles aux cinq précédentes. Car l'e ouvert et l'e fermé sont deux sons assez différens pour faire deux différentes voyelles, comme mèr, abymèr, comme le premier et le dernier e dans nètteté, dans sèrré, etc.

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Et de même l'o ouvert et l'o fermé, côte et cotte hóte et hotte. Car quoique l'e ouvert et l'o ouvert tiennent quelque chose du long, et l'e et l'o fermés quelque chose du bref, néanmoins ces deux voyelles se varient davantage par être ouvertes et fermées, qu'un a ou un i ne varient par être longs ou brefs; et c'est une des raisons pourquoi les Grecs ont plutôt inventé deux figures à chacune de ces deux voyelles, qu'aux

trois autres.

De plus l'u, prononcé ou, comme faisoient les Latins, et comme font encore les Italiens et les Espagnols, a un son très-différent de l'u, comme le prononçoient les Grecs, et comme le prononcent les François.

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Eu, comme il est dans feu, peu, fait encore un

son simple, quoique nous l'écrivions avec deux voyelles.

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Il reste l'e muet ou féminin, qui n'est dans son origine qu'un, son sourd, conjoint aux consonnes lorsqu'on les veut prononcer sans voyelle, comme lorsqu'elles sont suivies immédiatement d'autres consonnes, ainsi que dans ce mot, scamnum : c'est ce que les Hébreux appellent scheva, sur-tout lorsqu'il commence la syllabe. Et ce scheva se trouve nécessairement en toutes les langues, quoiqu'on n'y prenne pas garde, parce qu'il n'y a point de caractère pour le marquer. Mais quelques langues vulgaires, comme l'allemand et le françois, l'ont marqué par la voyelle e, ajoutant ce son aux autres qu'elle avoit déja : et de plus, ils ont fait que cet e féminin fait une syllabe avec sa consonne, comme est la seconde dans netteté, j'aimerai, donnerai, etc. ce que ne faisoit pas le scheva dans les autres langues, quoique plusieurs fassent cette faute en prononçant le scheva des Hébreux. Et ce qui est encore plus remarquable, c'est que cet e muet fait souvent tout seul, en françois, une syllabe, ou plutôt une demi-syllabe, comme vie, vue, aimée.

Ainsi, sans considérer la différence qui se fait entre les voyelles d'un même son, par la longueur ou briéveté, on en pourroit distinguer jusques à dix, en ne s'arrêtant qu'aux sons simples, et non aux caractères : a, é, é, i, o, ô, eu, ou, u, e muet, où l'on peut remarquer que ces sons se prononcent de la plus grande ouverture de la bouche et de la plus petite.

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