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2. Que tout son fût marqué par une figure; c'est-àdire, qu'on ne prononçât rien qui ne fût écrit.

3. Que chaque figure ne marquât qu'un son, ou simple ou double. Car ce n'est pas contre la perfection de l'écriture qu'il y ait des lettres doubles, puisqu'elles la facilitent en l'abrégeant.

4. Qu'un même son ne fût point marqué par différentes figures.

Mais considérant les caractères en la seconde manière, c'est-à-dire, comme nous aidant à concevoir ce que le son signifie, il arrive quelquefois qu'il nous est avantageux que ces règles ne soient pas toujours observées, au moins la première et la dernière.

Car 1. il arrive souvent, sur-tout dans les langues dérivées d'autres langues, qu'il y a de certaines lettres qui ne se prononcent point, et qui ainsi sont inutiles quant au son, lesquelles ne laissent pas de nous servir pour l'intelligence de ce que les mots signifient. Par exemple, dans les mots de champs et chants, lep et le i ne se prononcent point, qui néanmoins sont utiles pour la signification, parce que nous apprenons de là, que le premier vient du latin campi, et le second du latin

cantus.

Dans l'hébreu même, il y a des mots qui ne sont différens que parce que l'un finit par un aleph, et l'autre par un he, qui ne se prononcent point: comme ?? qui signifie craindre et qui signifie jeter.

Et de là on voit que ceux qui se plaignent tant de ce qu'on écrit autrement qu'on ne prononce, n'ont pas toujours grande raison, et que ce qu'ils appellent abus, n'est pas quelquefois sans utilité.

La différence des grandes et des petites lettres semble aussi contraire à la quatrième règle, qui est qu'un même son fût toujours marqué par la même figure. Et en effet cela seroit tout-à-fait inutile, si l'on ne considéroit les caractères que pour marquer les sons, puisqu'une grande et une petite lettre n'ont que le même son. D'où vient que les anciens n'avoient pas cette différence, comme les Hébreux ne l'ont point encore, et que plusieurs croient que les Grecs et les Romains ont été long-temps à n'écrire qu'en lettres capitales. Néanmoins cette distinction est fort utile pour commencer les périodes, et pour distinguer les noms propres d'avec les autres.

Il y a aussi dans une même langue différentes sortes d'écritures, comme le romain et l'italique dans l'impression du latin et de plusieurs langues vulgaires, qui peuvent être utilement employés pour le sens, en distinguant ou de certains mots, ou de certains discours, quoique cela ne change rien dans la prononciation.

Voilà ce qu'on peut apporter pour excuser la diversité qui se trouve entre la prononciation et l'écriture; mais cela n'empêche pas qu'il n'y en ait plusieurs qui se sont faites sans raison, et par la seule corruption qui s'est glissée dans les langues. Car c'est un abus d'avoir donné, par exemple, au c la prononciation de l's, avant

l'e et l'i; d'avoir prononcé autrement le g devant ces deux mêmes voyelles, que devant les autres; d'avoir adouci l's entre deux voyelles; d'avoir donné aussi au t le son de l's avant l'i suivi d'une autre voyelle, comme gratia, actio, action. On peut voir ce qui a été dit dans le traité des lettres, qui est dans la nouvelle Méthode latine.

Quelques-uns se sont imaginé qu'ils pourroient corriger ce défaut dans les langues vulgaires, en inventant de nouveaux caractères, comme a fait Ramus dans sa Grammaire pour la langue françoise, retranchant tous ceux qui ne se prononcent point, en écrivant chaque son par la lettre à qui cette prononciation est propre, comme en mettant une s, au lieu du c, devant l'e et l'i. Mais ils devoient considérer qu'outre que cela seroit souvent désavantageux aux langues vulgaires, pour les raisons que nous avons dites, ils tentoient une chose impossible; car il ne faut pas s'imaginer qu'il soit facile de faire changer à toute une nation tant de caractères auxquels elle est accoutumée depuis long-temps, puisque l'empereur Claude ne put pas même venir à bout d'en introduire un qu'il vouloit mettre en usage.

Tout ce que l'on pourroit faire de plus raisonnable, seroit de retrancher les lettres qui ne servent de rien ni à la prononciation, ni au sens, ni à l'analogie des langues, comme on a déja commencé de faire; et, conservant celles qui sont utiles, y mettre de petites marques qui fissent voir qu'elles ne se prononcent point, ou qui

fissent connoître les diverses prononciations d'une même lettre. Un point au-dedans ou au-dessous de la lettre, pourroit servir pour le premier usage, comme temps. Le c a déja sa cédille, dont on pourroit se servir devant l'e et devant l'i, aussi bien que devant les autres voyelles. Le g dont la queue ne seroit pas toute fermée, pourroit marquer le son qu'il a devant l'e et devant l'i. Ce qui ne soit dit que pour exemple.

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CHAPITRE V I.

D'une nouvelle manière pour apprendre à lire facilement en toutes sortes de langues.

CETTE méthode regarde principalement ceux qui ne savent pas encore lire.

Il est certain que ce n'est pas une grande peine à ceux qui commencent, que de connoître simplement les lettres; mais que la plus grande est de les assembler.

Or, ce qui rend maintenant cela plus difficile, est que chaque lettre ayant son nom, on la prononce seule autrement qu'en l'assemblant avec d'autres. Par exemple, si l'on fait assembler fry, à un enfant on lui fait prononcer ef, er, y grec; ce qui le brouille infailliblement, lorsqu'il veut ensuite joindre ces trois sons ensemble, pour en faire le son de la syllabe fry.

Il semble donc que la voie la plus naturelle, comme quelques gens d'esprit l'ont déja remarqué, seroit que ceux qui montrent à lire, n'apprissent d'abord aux enfans à connoître leurs lettres, que par le nom de leur prononciation; et qu'ainsi, pour apprendre à lire

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