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Et comme entre ces rapports il y en a d'opposés, cela cause quelquefois des équivoques. Car dans ces paroles, vulnus Achillis, le génitif Achillis peut signifier ou le rapport du sujet, et alors cela se prend passivement pour la plaie qu'Achille a reçue; ou le rapport de la cause, et alors cela se prend activement pour la plaie qu'Achille a faite. Ainsi dans ce passage de S. Paul: Certus sum quià neque mors, neque vita, etc. poterit nos separare à charitate Dei in Christo Jesu Domino nostro; le génitif Dei a été pris en deux sens différens par les interprêtes : les uns y ont donné le rapport de l'objet, ayant expliqué ce passage de l'amour que les élus portent à Dieu en Jésus-Christ; et les autres y ont donné le rapport du sujet, l'ayant expliqué de l'amour que Dieu porte aux élus en Jésus-Christ.

Quoique les noms hébreux ne se déclinent point par cas, néanmoins ce rapport exprimé par ce génitif, cause un changement dans les noms, mais tout différent de celui de la langue grecque et de la latine : car au lieu que dans ces langues on change le nom qui est régi, dans l'hébreu on change celui qui régit; comme P

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verbum falsitatis, où le changement ne se fait pas falsitas, mais dans pour ver

dans

bum.

On se sert d'une particule dans toutes les langues vulgaires, pour exprimer le génitif, comme est de dans la nôtre; Deus, Dieu; Dei, de Dieu.

/ Ce

que nous avons dit, que le génitif servoit à marquer le rapport du nom propre au nom commun, ou, ce qui est la même chose, de l'individu à l'espèce, est bien plus ordinaire en françois qu'en latin; car en latin on met souvent le nom commun et le nom propre au même cas: ce qu'on appelle apposition: Urbs Roma, Fluvius Sequana, Mons Parnassus : au lieu qu'en françois l'ordinaire dans ces rencontres est de mettre le nom propre au génitif: la Ville de Rome, la Rivière de Seine, le Mont de Parnasse.

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Du Datif.

Il y a encore un autre rapport, qui est de la chose au profit ou au dommage de laquelle d'autres choses se rapportent. Les langues qui ont des cas, ont encore un mot pour cela, qu'ils ont appelé le datif, et qui s'étend encore à d'autres usages qu'il est presque impossible de marquer en particulier. Commodare Socrati, prêter à Socrate. Utilis Reipublicæ, utile à la République. Perniciosus Ecclesiæ, pernicieux à l'Eglise. Promittere amico, promettre à un ami. Visum est Platoni, il a semblé à Platon. Affinis Regi, allié au Roi, etc. Les langues vulgaires marquent encore ce cas par une particule, comme est à en la nôtre, ainsi qu'on peut voir dans les exemples ci-dessus.

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De l'Accusatif.

Les verbes qui signifient des actions qui passent hors de ce qui agit, comme battre, rompre, guérir, aimer, haïr, ont des sujets où ces choses sont reçues, ou des objets qu'elles regardent. Car si on bat, on bat quelqu'un; si on aime, on aime quelque chose, etc. Et ainsi ces verbes demandent après eux un nom qui soit le sujet ou l'objet de l'action qu'ils signifient. C'est ce qui a fait donner aux noms, dans les langues qui ont des cas, une nouvelle terminaison qu'on appelle l'accusatif. Amo Deum. Cæsar vicit Pompeïum.

on

Nous n'avons rien dans notre langue qui distingue ce cas du nominatif. Mais comme nous mettons presque toujours les mots dans leur ordre naturel, reconnoît le nominatif de l'accusatif, en ce que, pour l'ordinaire, le nominatif est avant le verbe, et l'accusatif après. Le roi aime la reine. La reine aime le roi. Le roi est nominatif dans le premier exemple, et accusatif dans le second, et la reine au contraire.

De l'Ablatif.

Outre ces cinq cas, les Latins en ont un sixième, qui n'a pas été inventé pour marquer seul aucun rapport particulier, mais pour être joint à quelqu'une des particules qu'on appelle prépositions. Car comme

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les cinq premiers cas n'ont pas pu suffire pour marquer tous les rapports que les choses ont les unes aux autres, on a eu recours, dans toutes les langues, à un autre expédient, qui a été d'inventer de petits mots pour être mis avant les noms, ce qui les a fait appeler prépositions; comme le rapport d'une chose en laquelle une autre est, s'exprime en latin par in, et en françois par dans : Vinum est in dolio, le vin est dans le muid. Or dans les langues qui ont des cas, on ne joint pas ces prépositions à la première forme du nom, qui est le nominatif, mais à quelqu'un des autres cas. Et en latin, quoiqu'il y en ait qu'on joigne à l'accusatif, amor erga Deum, amour envers Dieu, on a néanmoins inventé un cas particulier, qui est l'ablatif, pour y en joindre plusieurs autres dont il est inséparable dans le sens au lieu que l'accusatif en est souvent séparé, comme quand il est après un verbe actif ou avant un infinitif.

Ce cas, à proprement parler, ne se trouve point au plurier, où il n'y a jamais pour ce cas une terminaison différente de celle du datif. Mais parce que cela auroit brouillé l'analogie, de dire, par exemple, qu'une préposition gouverne l'ablatif au singulier, et le datif au plurier, on a mieux aimé dire que ce nombre avoit aussi un ablatif, mais toujours semblable au datif.

C'est par cette même raison qu'il est utile de donner aussi un ablatif aux noms grecs, qui soit toujours

semblable

semblable au datif, parce que cela conserve une plus grande analogie entre ces deux langues, qui s'apprennent ordinairement ensemble.

Et enfin, toutes les fois qu'en notre langue un nom est gouverné par une préposition quelle qu'elle soit : Il a été puni pour ses crimes; il a été amené par violence; il a passé par Rome; il est sans crime; il est allé chez son rapporteur; il est mort ayant son père : nous pouvons dire qu'il est à l'ablatif, ce qui sert beaucoup pour bien s'exprimer en plusieurs difficultés touchant les pronoms.

CHAPITRE VI I.

Des Articles.

LA signification vague des noms communs et appellatifs, dont nous avons parlé ci-dessus, chap. IV, n’a pas seulement engagé à les mettre en deux sortes de nombres, au singulier et au plurier, pour la déterminer; elle a fait aussi que presque en toutes les langues on a inventé de certaines particules, appelées articles, qui en déterminent la signification d'une autre manière, tant dans le singulier que dans le plurier.

Les Latins n'ont point d'article; ce qui a fait dire sans raison à Jule-César Scaliger, dans son livre des Causes de la Langue latine, que cette particule étoit

T

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