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sont de vrais noms, comme nous l'avons fait voir au chap. précédent.

Mais parce que ces particules se joignent d'ordinaire au verbe pour en modifier et déterminer l'action, comme generosè pugnavit, il a combattu vaillamment, c'est ce qui a fait qu'on les a appelées AD

VERBES.

CHAPITRE X II I.

Des Verbes, et de ce qui leur est propre et essentiel.

JUSQUES ici, nous avons expliqué les mots qui signifient les objets des pensées : il reste à parler de ceux qui signifient la manière des pensées, qui sont les verbes, les conjonctions, et les interjections.

La connoissance de la nature du verbe dépend de ce que nous avons dit au commencement de ce discours, que le jugement que nous faisons des choses (comme quand je dis, la terre est ronde), enferme nécessairement deux termes, l'un appelé sujet, qui est ce dont on affirme, comme terre ; et l'autre appelé attribut, qui est ce qu'on affirme, comme ronde; et de plus, la liaison entre ces deux termes, qui est proprement l'action de notre esprit qui affirme l'at-tribut du sujet.

Ainsi les hommes n'ont pas eu moins de besoin d'inventer des mots qui marquassent l'affirmation, qui est la principale manière de notre pensée, que d'en inventer qui marquassent les objets de notre pensée.

Et c'est proprement ce que c'est que le verbe, un mot dont le principal usage est de signifier l'affirmation, c'est-à-dire, de marquer que le discours où ce mot est employé, est le discours d'un homme qui ne conçoit pas seulement les choses, mais qui en juge et qui les affirme. En quoi le verbe est distingué de quelques noms qui signifient aussi l'affirmation, comme affirmans, affirmatio, parce qu'ils ne la signifient qu'en tant que par une réflexion d'esprit elle est devenue l'objet de notre pensée, et ainsi ne marquent pas que celui qui se sert de ces mots affirme, mais seulement qu'il conçoit une affirma

tion.

J'ai dit que le principal usage du verbe étoit de signifier l'affirmation, parce que nous ferons voir plus bas que l'on s'en sert encore pour signifier d'autres mouvemens de notre ame, comme desirer, prier, commander, etc. mais ce n'est qu'en changeant d'inflexion et de mode; et ainsi nous ne considérons le verbe dans tout ce chapitre, que selon sa principale signification, qui est celle qu'il a à l'indicatif, nous réservant de parler des autres en un autre endroit,

Selon cela, l'on peut dire que le verbe de lui-même ne devoit point avoir d'autre usage que de marquer la liaison que nous faisons dans notre esprit des deux termes d'une proposition; mais il n'y a que le verbe étre, qu'on appelle substantif, qui soit demeuré dans cette simplicité, et encore l'on peut dire qu'il n'y est proprement demeuré que dans la troisième du présent, est, et en de certaines rencontres. Car comme les hommes se portent naturellement à abréger leurs expressions, ils ont joint presque toujours à l'affirmation d'autres significations dans un même mot.

1. Ils y ont joint celle de quelque attribut, de sorte qu'alors deux mots font une proposition: comme quand je dis, Petrus vivit, Pierre vit; parce que le mot de vivit enferme seul l'affirmation, et de plus l'attribut d'être vivant; et ainsi c'est la même chose de dire, Pierre vit, que de dire Pierre est vivant. De là est venue la grande diversité des verbes dans chaque langue; au lieu que, si on s'étoit contenté de donner au verbe la signification générale de l'affirmation, sans y joindre aucun attribut particulier, on n'auroit eu besoin, dans chaque langue, que d'un seul verbe, qui est celui qu'on appelle substantif.

2. Ils y ont encore joint en de certaines rencontres le sujet de la proposition, de sorte qu'alors deux mots peuvent encore, et même un seul mot, faire une proposition entière. Deux mots, comme quand je dis? sum homo; parce que sum ne signifie pas seulement

l'affirmation, mais enferme la signification du pronom ego, qui est le sujet de cette proposition, et que l'on exprime toujours en françois : Je suis homme. Un seul mot, comme quand je dis vivo, sedeo: car ces verbes enferment dans eux-mêmes l'affirmation et l'attribut, comme nous avons déja dit; et étant à la première personne, ils enferment encore le sujet : Je suis vivant, je suis assis. De là est venue la différence des personnes, qui est ordinairement dans tous les verbes.

3. Ils y ont encore joint un rapport au temps, au regard duquel on affirme; de sorte qu'un seul mot, comme cœnasti, signifie que j'affirme de celui à qui je parle, l'action du souper, non pour le temps présent, mais pour le passé. Et de là est venue la diversité des temps, qui est encore, pour l'ordinaire, commune à tous les verbes.

La diversité de ces significations jointes en un même mot, est ce qui a empêché beaucoup de personnes, d'ailleurs fort habiles, de bien connoître la nature du verbe, parce qu'ils ne l'ont pas considéré selon ce qui lui est essentiel, qui est l'affirmation, mais selon ces rapports qui lui sont accidentels en tant que verbe.

Ainsi Aristote s'étant arrêté à la troisième des significations ajoutées à celle qui est essentielle au verbe, l'a défini, vox significans cum tempore, un mot qui signifie avec temps,

D'autres, comme Buxtorf, y ayant ajouté la seconde, l'ont défini, vox flexilis cum tempore et personá, un mot qui a diverses inflexions avec temps et personnes.

D'autres s'étant arrêtés à la première de ces significations ajoutées, qui est celle de l'attribut, et ayant considéré que les attributs que les hommes ont joints à l'affirmation dans un même mot, sont d'ordinaire des actions et des passions, ont cru que l'essence du verbe consistoit à signifier des actions ou des pas

sions.

Et enfin Jules César Scaliger a cru trouver un grand mystère, dans son livre des Principes de la langue latine, en disant que la distinction des choses, in permanentes et fluentes, en ce qui demeure et ce qui passe, étoit la vraie origine de la distinction entre les noms et les verbes; les noms étant pour signifier ce qui demeure, et les verbes ce qui passe.

Mais il est aisé de voir que toutes ces définitions sont fausses, et n'expliquent point la vraie nature du verbe.

La manière dont sont conçues les deux premières, le fait assez voir, puisqu'il n'y est point dit ce que le verbe signifie, mais seulement ce avec quoi il signifie, cum tempore, cum personá.

Les deux dernières sont encore plus mauvaises; car elles ont les deux plus grands vices d'une définition, qui est de ne convenir ni à tout le défini, ni au seul défini; neque omni, neque soli.

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