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veux boire, volo bibere; car c'est-à-dire, volo potum, ou potionem.

Cela étant supposé, on demande ce que c'est proprement que l'infinitif, lorsqu'il n'est point nom et qu'il retient son affirmation, comme dans cet exemple, scio malum esse fugiendum. Je ne sais si personne a remarqué ce que je vais dire: c'est qu'il me semble que l'infinitif est entre les autres manières du verbe ce qu'est le relatif entre les autres pronoms. Car, comme nous avons dit que le relatif a de plus que les autres pronoms, qu'il joint la proposition dans laquelle il entre à une autre proposition, je crois de même que l'infinitif a a, par-dessus l'affirmation du verbe, ce pouvoir de joindre la proposition où il est à une autre car scio vaut seul une proposition, et si vous ajoutiez malum est fugiendum, ce seroit deux propositions séparées; mais en mettant esse au lieu d'est, vous faites que la dernière proposition n'est plus que partie de la première, comme nous avons expliqué plus au long dans le ch. 9 du relatif.

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Et de là est venu qu'en françois nous rendons presque toujours l'infinitif par l'indicatif du verbe et la particule que. Je sais que le mal est à fuir. Et alors (comme nous avons dit au même lieu) ce que ne signifie que cette union d'une proposition avec une autre, laquelle union est en latin enfermée dans l'infinitif, et en françois aussi, quoique plus rarement, comme quand on dit : Il croit savoir toutes choses.

Cette manière de joindre les propositions par un infinitif, ou par le quòd et le que, est principalement en usage quand on rapporte les discours des autres : comme, si je veux rapporter que le roi m'a dit : je vous donnerai une charge, je ne ferai pas ordinairement ce rapport en ces termes : Le roi m'a dit, je vous donnerai une charge, en laissant les deux propositions séparées, l'une de moi, et l'autre du roi; mais je les joindrai ensemble par un que: Le roi m'a dit qu'il me donnera une charge. Et alors, comme ce n'est plus qu'une proposition qui est de moi, je change la première personne, je donnerai, en la troisième, il donnera, et le pronom vous, qui me signifioit le roi parlant, au pronom me, qui me signifie moi parlant.

Cette union des propositions se fait encore par le si en françois, et par an en latin, quand le discours qu'on rapporte est interrogatif; comme si on m'a demandé : Pouvez-vous faire cela ? je dirai en le rapportant : On m'a demandé si je pouvois faire cela. Et quelquefois sans aucune particule, en changeant seulement de personne; comme, Il m'a demandé: Qui étes-vous? Il m'a demandé qui j'étois.

Mais il faut remarquer que les Hébreux, lors même qu'ils parlent en une autre langue, comme les Évangélistes, se servent peu de cette union des propositions, et qu'ils rapportent presque toujours les discours direc tement, et comme ils ont été faits; de sorte que l'or,

quòd, qu'ils ne laissent pås de mettre quelquefois, ne sert souvent de rien, et ne lie point les propositions, comme il fait dans les autres auteurs. En voici un exemple dans le premier chapitre de Saint Jean: Miserunt Judæi ab Hierosolymis Sacerdotes et Levitas ad Joannem ut interrogarent eum : Tu quis es? Et confessus est et non negavit, et confessus est: quia (or) non sum ego Christus. Et interrogaverunt eum : Quid ergo? Elias es tu? Et dixit: Non sum. Propheta es tu? Et respondit, non. Selon l'usage ordinaire de notre langue, on auroit rapporté indirectement ces demandes et ces réponses en cette manière. Ils envoyèrent demander à Jean qui il étoit. Et il confessa qu'il n'étoit point le Christ. Et ils lui demandèrent qui il étoit donc s'il étoit Elie. Et il dit que non. S'il étoit Prophète, et il répondit que non.

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Cette coutume a même passé dans les auteurs profanes, qui semblent l'avoir aussi empruntée des Hébreux. Et de là vient que l'or, comme nous l'avons déja remarqué ci-dessus, chap. 9, n'a souvent parmi eux que la force d'un pronom dépouillé de son usage de liaison, lors même que les discours ne sont pas rapportés direc

tement.

CHAPITRE X VIII.

Des Verbes qu'on peut appeler Adjectifs; et de leurs différentes espèces, Actifs, Passifs, Neutres.

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NOUS avons déja dit que les hommes ayant joint en une infinité de rencontres quelque attribut particulier avec l'affirmation, en avoient fait ce grand nombre de verbes différens du substantif, qui se trouvent dans toutes les langues, et que l'on pourroit appeler adjectifs, pour montrer que la signification qui est propre à chacun, est ajoutée à la signification commune à tous les verbes, qui est celle de l'affirmation. Mais c'est une erreur commune, de croire que tous ces verbes signifient des actions ou des passions; car il n'y a rien qu'un verbe ne puisse avoir pour son attribut, s'il plaît aux hommes de joindre l'affirmation avec cet attribut. Nous voyons même que le verbe substantif sum, je suis, est souvent adjectif, parce qu'au lieu de le prendre comme signifiant simplement l'affirmation, on y joint le plus général de tous les attributs, qui est l'être; comme lorsque je dis, je pense, donc je suis, je suis signifie là sum ens, je suis un être, une chose: Existo signifie aussi sum existens, je suis, j'existe.

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Cela n'empêche pas néanmoins qu'on ne puisse retenir la division commune de ces verbes en actifs, passifs et neutres.

On appelle proprement actifs, ceux qui signifient une action à laquelle est opposée une passion, comme battre, étre battu ; aimer, étre aimé; soit que ces actions se terminent à un sujet, ce qu'on appelle action réelle, comme battre, rompre, tuer, noircir, etc. soit qu'elles se terminent seulement à un objet, ce qu'on appelle action intentionnelle, comme aimer, connoître, voir.

De là il est arrivé qu'en plusieurs langues les hommes se sont servis du même mot, en lui donnant diverses inflexions, pour signifier l'un et l'autre, appelant verbe actif celui qui a l'inflexion par laquelle ils ont marqué l'action, et verbe passif celui qui a l'inflexion par laquelle ils ont marqué la passion; amo, amor; verbero, verberor. C'est ce qui a été en usage dans toutes les langues anciennes, latine, grecque et orientales; et qui plus est, ces dernières donnent à un même verbe trois actifs, avec chacun leur passif, et un réciproque qui tient de l'un ou de l'autre, comme seroit s'aimer; qui signifie l'action du verbe sur le même sujet du verbe: Mais les langues vulgaires de l'Europe n'ont point de passif, et elles se servent, au lieu de cela, d'un participe fait du verbe actif, qui se prend en sens passif, avec le verbe substantif je suis; comme, je suis aimé, je suis battu, etc.

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