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2°. L'accusatif que régit ce prétérit, ne cause point aussi le changement dans le participe lorsqu'il le suit, comme c'est le plus ordinaire: c'est pourquoi il faut dire, il a aimé Dieu, il a aimé l'Eglise, il a aimé les livres, il a aimé les sciences ; et non point, il a aimée l'Eglise, ou aimés les livres, ou aimées les sciences.

3°. Mais quand cet accusatif précède le verbe auxiliaire (ce qui n'arrive guère en prose que dans l'accusatif du relatif ou du pronom) ou même quand il est après le verbe auxiliaire, mais avant le participe (ce qui n'arrive guère qu'en vers), alors le participe se doit accorder en genre et en nombre avec cet accusatif. Ainsi il faut dire, la lettre que j'ai écrite, les livres que j'ai lus, les sciences que j'ai apprises, car que est pour laquelle dans le premier exemple, pour lesquels dans le second, et pour lesquelles dans le troisième. Et de même : j'ai écrit la lettre, et je l'ai envoyée, etc. j'ai acheté des livres, et je les ai lus. On dit de même en vers: Dieu dont nul de nos maux n'a les grâces bornées, et non pas borné, parce que l'accusatif graces précède le participe, quoiqu'il suive le verbe auxiliaire.

Il y a néanmoins une exception de cette règle, selon M. de Vaugelas, qui est que le participe demeure indéclinable, encore qu'il soit après le verbe auxiliaire et son accusatif, lorsqu'il précède son nominatif; comme, la peine que m'a donné cette affaire; les soins que m'a donné ce procès, et semblables.

Il n'est pas aisé de rendre raison de ces façons de parler: voilà ce qui m'en est venu dans l'esprit pour le françois, que je considère ici principalement.

Tous les verbes de notre langue ont deux parti→ cipes; l'un en ant, et l'autre en é, i, u, selon les diverses conjugaisons, sans parler des irréguliers, aimant, aimé ; écrivant, écrit ; rendant, rendu.

Or on peut considérer deux choses dans les participes; l'une, d'être vrais noms adjectifs, susceptibles de genres, de nombres et de cas; l'autre, d'avoir, quand ils sont actifs, le même régime que le verbe : amans virtutem. Quand la première condition manque, on appelle les participes gérondifs; comme, amandum est virtutem: quand la seconde manque, on dit alors que les participes actifs sont plutôt des noms verbaux que des participes.

Cela étant supposé, je dis que nos deux participes aimant et aimé, en tant qu'ils ont le même régime que le verbe, sont plutôt des gérondifs que des participes: car M. de Vaugelas a déja remarqué que le participe en ant, lorsqu'il a le régime du verbe n'a point de féminin, et qu'on ne dit point, par exemple, j'ai vu une femme lisante l'Ecriture, mais lisant l'Ecriture. Que si on le met quelquefois au plurier, j'ai vu des hommes lisans l'Ecriture, je crois que cela est venu d'une faute dont on ne s'est pas aperçu, à cause que le son de lisant et de lisans est presque toujours le même, le t ni l's ne se prononçant point d'ordinaire.

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Et je pense aussi que lisant l'Ecriture, est pour en lisant l'Ecriture, in rw legere scripturam; de sorte que ce gérondif en ant signifie l'action du verbe, de même que l'infinitif.

Or je crois qu'on doit dire la même chose de l'autre participe aimé; savoir, que quand il régit le cas du verbe, il est gérondif, et incapable de divers genres et de divers nombres, et qu'alors il est actif, et ne diffère du participe, ou plutôt du gérondif en ant, qu'en deux choses; l'une, en ce que le gérondif en ant est du présent, et le gérondif en é, i, u, du passé; l'autre, en ce que le gérondif en ant subsiste tout seul, ou plutôt en sous-entendant la particule en, au lieu que l'autre est toujours accompagné du verbe auxiliaire avoir, ou de celui d'être, qui tient sa place en quelques rencontres, comme nous le dirons plus bas : J'ai aimé Dieu, etc.

Mais ce dernier participe, outre son usage d'être gérondif actif, en a un autre, qui est d'être participe passif, et alors il a les deux genres et les deux nombres, selon lesquels il s'accorde avec le substantif, et n'a point de régime et c'est selon cet usage qu'il fait tous les temps passifs avec le verbe étre; il est aimé, elle est aimée; ils sont aimés, elles sont aimées.

Ainsi, pour résoudre la difficulté proposée, je dis que dans ces façons de parler, j'ai aimé la chasse, j'ai aimé les livres, j'ai aimé les sciences, la raison pourquoi on ne dit point j'ai aimée la chasse, j'ai

aimés les livres, c'est qu'alors le mot aimé, ayant le régime du verbe, est gérondif, et n'a point de genre ni de nombre.

Mais dans ces autres façons de parler, la chasse qu'il a AIMÉE, les ennemis qu'il a VAINCUS, ou, il a défait les ennemis, il les a VAINCUs, les mots aimée, vaincus, ne sont pas considérés alors comme gouvernant quelque chose, mais comme étant régis euxmêmes le verbe avoir, comme qui diroit, quam par habeo amatam, quos habeo victos: et c'est pourquoi étant pris alors pour des participes passifs qui ont des genres et des nombres, il les faut accorder en genre et en nombre avec les noms substantifs, ou les pronoms auxquels ils se rapportent.

Et ce qui confirme cette raison, est que, lors même que le relatif ou le pronom que régit le prétérit du verbe, le précède, si ce prétérit gouverne encore une autre chose après soi, il redevient gérondif et indéclinable. Car au lieu qu'il faut dire : Cette ville que le commerce a enrichie, il faut dire : Cette ville que le commerce a rendu puissante; et non pas rendue puissante; parce qu'alors rendu régit puissante, et ainsi est gérondif. Et quant à l'exception dont nous avons parlé ci-dessus, page 365, la peine que m'a donné cette affaire, etc. il semble qu'elle n'est venue que de ce qu'étant accoutumés à faire le participe gérondif et indéclinable, lorsqu'il régit quelque chose, et qu'il régit ordinairement les noms qui le

suivent,

suivent, on a considéré ici affaire comme si c'étoit l'accusatif de donné, quoiqu'il en soit le nominatif, parce qu'il est à la place que cet accusatif tient ordinairement en notre langue, qui n'aime rien tant que la netteté dans le discours et la disposition naturelle des mots dans ses expressions. Ceci se confirmera encore par ce que nous allons dire de quelques rencontres où le verbe auxiliaire étre prend la place 'de celui d'avoir.

Deux rencontres où le Verbe auxiliaire être prend la place de celui d'avoir.

La première est dans tous les verbes actifs, avec le réciproque se, qui marque que l'action a pour sujet ou pour objet, celui même qui agit, se tuer, se voir, se connoître : car alors le prétérit et les autres temps qui en dépendent, se forment non avec le verbe avoir, mais avec le verbe étre; il s'est tué, et non pas il s'a tué : il s'est vu, il s'est connu. Il est difficile de deviner d'où est venu cet usage; car les Allemands ne l'ont point, se servant en cette rencontre du verbe avoir, comme à l'ordinaire, quoique ce soit d'eux, apparemment, que soit venu l'usage des verbes auxiliaires pour le prétérit actif. On peut dire néanmoins que, l'action et la passion se trouvant alors dans le même sujet, on a voulu se servir du verbe étre, qui marque plus la passion, que du verbe avoir, qui

A a

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