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n'eût marqué que l'action; et que c'est comme si on disoit Il est tué par soi-meme.

Mais il faut remarquer que, quand le participe, comme tué, vu, connu, ne se rapporte qu'au réciproque se, encore même qu'étant redoublé, il le précède et le suive, comme quand on dit Caton s'est tué soi mémes alors ce participe s'accorde en genre et en nombre avec les personnes ou les choses dont on parle : Caton s'est tué soi-même, Lucrèce s'est tuée soi-même, les Saguntins se sont tués eux-mêmes.

Mais si ce participe régit quelque chose de différent du réciproque, comme quand je dis, Edipe s'est crevé les yeux; alors le participe ayant ce régime, devient gérondif actif, et n'a plus de genre, ni de nombre; de sorte qu'il faut dire:

Cette femme s'est crevé les yeux.
Elle s'est fait peindre.

Elle s'est rendu la maitresse.

Elle s'est rendu catholique.

Je sais bien que ces deux derniers exemples sont contestés par M. de Vaugelas, ou plutôt par Malherbe, dont il avoue néanmoins que le sentiment en cela n'est pas reçu de tout le monde. Mais la raison qu'ils en rendent, me fait juger qu'ils se trompent, et donne lieu de résoudre d'autres facons de parler où il y a plus de difficulté.

Ils prétendent donc qu'il faut distinguer quand les participes sont actifs, et quand ils sont passifs; ce qui

, ils

est vrai et ils disent que, quand ils sont passifs, ils sont déclinables, et que, quand ils sont actifs, sont indéclinables; ce qui est encore vrai. Mais je ne vois pas que dans ces exemples, elle s'est rendu ou rendue la maîtresse, nous nous sommes rendu ou rendus maîtres, on puisse dire que ce participe rendu est passif, étant visible au contraire qu'il est actif, et que ce qui semble les avoir trompés est qu'il est vrai que ces participes sont passifs, quand ils sont joints avec le verbe étre ; comme quand on dit, il a été rendu maltre mais ce n'est que quand le verbe être est mis pour lui-même, et non pas quand il est mis pour celui d'avoir, comme nous avons montré qu'il se mettoit avec le pronom réciproque se.

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Ainsi l'observation de Malherbe ne peut avoir lieu que dans d'autres façons de parler, où la signification du participe, quoiqu'avec le pronom réciproque se, semble tout-à-fait passive; comme quand on dit, elle s'est trouvé ou trouvée morte; et alors il semble que la raison voudroit que le participe fût déclinable, sans s'amuser à cette autre observation de Malherbe, qui est de regarder si ce participe est suivi d'un nom ou d'un autre participe: car Malherbe veut qu'il soit indéclinable quand il est suivi d'un autre participe, et qu'ainsi il faille dire, elle s'est trouvé morte; et déclinable quand il est suivi d'un nom, à quoi je ne vois guère de fondement.

Mais ce que l'on pourroit remarquer, c'est qu'il

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semble qu'il soit souvent douteux dans ces façons de parler par le réciproque, si le participe est actif ou passif; comme quand on dit, elle s'est trouvé ou trouvée malade: elle s'est trouvé ou trouvée guérie. Car cela peut avoir deux sens; l'un, qu'elle a été trouvée malade ou guérie par d'autres; et l'autre, qu'elle se soit trouvé malade ou guérie elle-même. Dans le premier sens, le participe seroit passif, et par conséquent déclinable; dans le second, il seroit actif, et par conséquent indéclinable; et l'on ne peut pas douter de cette remarque, puisque lorsque la phrase détermine assez le sens, elle détermine aussi la construction. On dit, par exemple: Quand le médecin est venu, cette femme s'est trouvée morte, et non pas trouvé, parce que c'est-à-dire qu'elle a été trouvée morte par le médecin, et par ceux qui étoient présens, et non pas qu'elle a trouvé elle-même qu'elle étoit morte. Mais si je dis au contraire: Madame s'est trouvé mal ce matin, il faut dire trouvé, et non point trouvée, parce qu'il est clair que l'on veut dire que c'est elle-même qui a trouvé et senti qu'elle étoit mal, et que partant la phrase est active dans le sens : ce qui revient à la règle générale que nous avons donnée, qui est de ne rendre le participe gérondif et indéclinable que quand il régit, et toujours déclinable quand il ne régit point.

Je sais bien qu'il n'y a encore rien de fort arrêté dans notre langue, touchant ces dernières façons de

parler; mais je ne vois rien qui soit plus utile, ce me semble, pour les fixer, que de s'arrêter à cette considération de régime, au moins dans toutes les rencontres où l'usage n'est pas entièrement déterminé et

assuré.

L'autre rencontre où le verbe étre forme les prétérits au lieu d'avoir, est en quelques verbes intransitifs, c'est-à-dire, dont l'action ne passe point hors de celui qui agit, comme aller, partir, sortir, monter, descendre, arriver, retourner. Car on dit, il est allé, il est parti, il est sorti, il est monté, il est descendu, il est arrivé, il est retourné, et non pas, il a allé, il a parti, etc. D'où vient aussi qu'alors le participe s'accorde en nombre et en genre avec le nominatif du verbe : Cette femme est allée à Paris, elles sont allées, ils sont allés, etc.

Mais lorsque quelques-uns de ces verbes d'intransitifs deviennent transitifs et proprement actifs, qui est lorsqu'on y joint quelque mot qu'ils doivent régir, ils reprennent le verbe avoir; et le participe étant gérondif, ne change plus de genre, ni de nombre. Ainsi l'on doit dire: Cette femme a monté la montagne, et non pas est monté, ou est montée, ou a montée. Que si l'on dit quelquefois, il est sorti le royaume, c'est par une ellipse; car c'est pour hors le

royaume.

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CHAPITRE XXIII.

Des Conjonctions et Interjections.

La seconde sorte de mots qui signifient la forme de nos pensées, et non pas proprement les objets de nos pensées, sont les conjonctions, comme et, non, vel, si, ergò, et, non, ou, si, donc. Car si on y fait bien réflexion, on verra que ces particules ne signifient que l'opération même de notre esprit, qui joint ou disjoint les choses, qui les nie, qui les considère absolument, ou avec condition. Par exemple, il n'y a point d'objet dans le monde hors de notre esprit, qui réponde à la particule non : mais il est clair qu'elle ne marque autre chose que le jugement que nous faisons qu'une chose n'est pas une autre.

De même ne, qui est en latin la particule de l'interrogation, aïs-ne? dites-vous? n'a point d'objet hors de notre esprit, mais marque seulement le mouvement de notre ame, par lequel nous souhaitons de savoir une chose.

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Et c'est ce qui fait que je n'ai point parlé du pronom interrogatif, quis, quæ, quid? parce que ce n'est autre chose qu'un pronom, auquel est jointe la signification de ne : c'est-à-dire, qui, outre qu'il tient la place d'un nom, comme les autres pronoms, marque de plus

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