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» moderne, en amènera d'autres, tels que la supression des >> consones oiseuses, aussi souvent contraires que conformes » à l'étimologie. Par exemple, donner, homme, honneur » avec double consone, quoique venus de donare, ⚫homo » honor, et une quantité d'autres. C'est, dit-on, pour mar» quer les voyèles brèves. On a déjà vu dans les remarques » sur le chapitre iv, la valeur de cète raison. Les étimologistes prétendent encore qu'ils redoublent le t, après un e, » pour marquer qu'il est ouvert, come dans houlette, trom» pette, etc. ce qui ne les empêche pas d'écrire comète, pro>> phète, etc. sans réduplication du t, quoique dans ces quatre > mots les è soient absolument de la même nature, ouverts » et brefs. On ne finiroit pas sur les inconséquences. Qu'on » parte, si l'on veut, des étimologies; mais quelque sistême d'ortografe qu'on adopte, du moins devroit-on être con» séquent. Je n'ai rien changé à la manière d'écrire les nasa>>les, quelque déraisonnable que notre ortografe soit sur cet >> article. En éfet, les nasales n'ayant point de caractères simples qui en soient les signes, on a u recours à la combi> naison d'une voyelle avec m ou n ; mais on auroit au moins >> dû employer pour chaque nasale la voyèle avec laquèle èle » a le plus de raport; se servir, par exemple, de l'an pour >> l'a nasal, de l'en pour l'e nasal. Cependant nous employons » plus souvent l'e que l'a pour l'a nasal. Cète nasale se trouve >> trois fois dans entendement, sans qu'il y en ait une seule >> écrite avec l'a, et quoiqu'il fût plus simple d'écrire antan» demant. L'e nasal est presque toujours écrit par i, ai, ei; » fin, pain, frein, etc. au lieu d'y employer un e, come dans » l'e nasal de bien, entretien, soutien, etc. Je ne manquerois >> pas de bones raisons pour autoriser les changemens que j'ai

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faits, et que je ferois encore ; mais le préjugé n'admet pas » la raison ».

Plusieurs Grammairiens ont déja tenté la réforme de l'orthographe; et quoiqu'ils n'aient pas été suivis en tout, on leur doit les changemens en bien qui se sont faits depuis un temps. Je saisis, pour faire le même essai, l'occasion d'une Grammaire très-estimée où l'on remarque les défauts de notre orthographe, et où l'on indique les moyens d'y remédier. D'ailleurs, comme je l'ai fait voir, il s'en faut bien que je me sois permis tout ce que la raison autoriseroit ; mais il faut aller par degrés : peut-être aurai-je des lecteurs qui ne s'apercevront pas de ce qui en choquera quelques autres. Cependant je me suis permis dans l'orthographe des remarques plus de changemens que je n'en voudrois d'abord; mais c'est uniquement pour indiquer le but vers lequel on devroit tendre. Je me bornerois, quant à présent, à la suppression des consonnes qui ne se font point entendre dans la prononciation. Les partisans du vieil usage, qui prétendent que la réduplication des consonnes sert à marquer les voyèles brèves, se détromperoient, en lisant quelque livre que ce fût, s'ils y faisoient attention. Je dois bien connoître l'orthographe du Dictionnaire de l'Académie, dont j'ai été, en qualité de secrétaire, le principal éditeur, et je ne crains point d'avancer qu'il s'y trouve au moins autant de brèves, sans réduplication de consonnes, qu'avec cette superfluité. Si l'on soutient ce prétendu principe. d'orthographe, il faut avouer que tous les dictionnaires le contredisent à chaque page. Ceux qui en doutent peuvent aisément s'en éclaircir. M. du Marsais a supprimé dans son ouvrage sur les Tropes, la réduplication des consonnes

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oiseuses, et plusieurs écrivains ont tenté davantage. J'avoue (car il ne faut rien dissimuler) que la réformation de notre orthographe n'a été proposée que par des philosophes ; il me semble que cela ne devroit pas absolument en décrier le projet. On pourroit presque en même temps borner le caractère x à son emploi d'abréviation de cs, tel que dans Alexandre, et de gz, comme dans exil; mais on écriroit heureus, fàcheus, etc. puisqu'on est déja obligé de substituer la lettre s dans les féminins heureuse, fâcheuse, etc. pourra trouver extraordinaire que j'écrive il a u, habuit, avec un u seul, sans e, mais n'écrit -on pas il habet, avec un a seul? Il seroit d'autant plus à propos de supprimer l'e, comme on l'a déja fait dans il a pu, il a vu, il a su, que j'ai entendu des personnes, d'ailleurs trèsinstruites, prononcer il a éu. Je ne prétends pas au surplus donner mon sentiment pour règle; mais on doit faire une distinction entre un changement subit d'orthographe qui embarrasseroit les lecteurs, et une réforme raisonnable, dont les gens de lettres s'apercevroient seuls, sans être arrêtés dans leur lecture.

On

CE chapitre est le seul dans lequel MM. du Port-Royal aient indiqué des changemens pour l'orthographe, encore ne les ont-ils proposés qu'avec une réserve blâmée à tort par M. Duclos. MM. du Port-Royal ont marqué, ainsi que le plan de leur ouvrage le leur prescrivoit, les principes généraux qu'on auroit dû adopter pour une langue écrite, si les combinaisons du raisonnement avoient pu entrer plus facilement dans l'écriture que dans le langage. Mais ils ont reconnu en même temps les difficultés insurmontables que l'on éprouveroit pour changer les usages reçus, et les inconvéniens qui résulteroient d'un changement à ? supposer qu'il pût jamais

s'effectuer. M. Duclos leur reproche d'avoir fait sentir l'utilité des mots qui s'écrivent d'une manière particulière, à raison de leur étymologie. Ainsi l'Académicien voudroit que l'on écrivît champ, campus, comme chant, eantus, parce que ces deux mots se prononcent de la même manière. Il donne, pour raison de cette opinion, que le sens de la phrase doit expliquer celui du mot dans la langue écrite, comme il l'explique dans la langue parlée. Je pense que M. Duclos se trompe en confondant ainsi les deux facultés que l'homme possède pour exprimer ses idées. En lisant un livre, nous nous bornons absolument à ce qui est écrit, nous ne voyons pas l'auteur de ce livre, nous n'entendons point les divers accens de sa voix, nous ne pouvons lui demander l'explication des mots que nous ne comprenons pas. Nous avons donc besoin que l'orthographe nous épargne les homonymes, et nous facilite par l'étymologie, l'intelligence des mots douteux. Lorsque nous conversons avec quelqu'un, notre position est bien différente. Ses gestes, sa prononciation, le jeu de ses traits nous expliquent ce qu'il dit; et si ses pensées ne sont pas rendues assez clairement, nous avons la ressource de lui faire des questions sur ce que nous n'entendons pas. M. Duclos est donc dans l'erreur lorsqu'il veut assimiler la langue écrite à la langue parlée. Il est étonnant qu'un esprit aussi juste que le sien ait pu recourir à de semblables sophismes, pour un changement d'orthographe qui ne seroit, sous d'autres rapports,

d'aucune utilité.

M. Duclos, après avoir confondu les effets de la langue écrite et de la langue parlée, relativement aux mots dans lesquels l'étymologie influe sur l'orthographe, fait une distinction entre ces deux langues, relativement à l'ascendant que l'usage peut avoir sur l'une et sur l'autre. La pensée de Varron pouvoit avoir quelque justesse avant l'invention de l'imprimerie, quoique l'autorité d'un empereur n'ait point été assez forte pour introduire une consonne dans la langue romaine. Mais depuis que toutes les classes de la société savent lire et écrire, depuis que la langue écrite est presque aussi répandue que la langue parlée, il seroit impossible de forcer tous ceux qui

écrivent à changer leur orthographe, et tous ceux qui lisent à faire une nouvelle étude de la lecture.

La grande raison que les Grammairiens novateurs font valoir en faveur de leurs systèmes, porte sur la difficulté d'enseigner la lecture d'une langue dont l'orthographe est irrégulière. L'expérience journalière suffit pour répondre à cette objection. Plusieurs personnes ont eu tant de facilité pour apprendre à lire, qu'elles ne se souviennent pas même de s'être livrées à cette étude dans leur enfance.

M. Duclos a prévu l'observation que l'on pourroit lui faire sur les livres qui remplissent aujourd'hui nos bibliothèques, et qu'il faudroit abandonner si les lettres de la langue et l'orthographe étoient changées. Il répond légèrement, que tous les livres d'usage se réimpriment continuellement, et que les hommes que leur profession oblige à lire les anciens livres y seroient bientôt stylés. On ne style point aussi facilement les hommes à redevenir écoliers que le pense M. Duclos. Je le répète, il ne résulteroit des innovations grammaticales, qu'une horrible confusion et un grand dégoût pour des études arides qui se trouveroient alors doublées.

M. Duclos, à l'exemple des philosophes qui ne raisonnent que d'après des hypothèses, a fait un petit roman sur l'origine de l'écriture. Il est malheureux que les faits qu'il suppose ne s'accordent point avec les traditions grecques, qui disent expressément que les lettres ont été apportées dans la Grèce par les Phéniciens, et que les différens dialectes de cette langue, qui remontent à la plus haute antiquité, soient en contradiction avec l'opinion que l'art de l'écriture une fois conçu, dut être formé presque en même temps.

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Au reste, l'Académicien ne donne pas une bien favorable idée des nouveaux systèmes grammaticaux, en disant que la réformation de notre orthographe n'a été proposée que par des philosophes. Les fautes que la philosophie moderne a faites dans tout ce qu'elle a voulu réformer, sont la mesure du désordre qu'elle auroit introduit dans la Grammaire françoise, si elle avoit pu réussir à bouleverser l'orthographe de Pascal et de Racine.

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