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Phil. As

P63

1867

V.7

AVIS DES ÉDITEURS

Nous publions, en tête de la présente édition de ce livre, la lettre écrite par l'auteur au Prince-Président de la République. à l'occasion de l'interdit qui, d'abord, avait été jeté sur son travail. M. Proudhon a livré cette lettre à la publicité pour répondre à certaines insinuations malveillantes et calomnieuses qui s'attaquaient à son honorabilité de publiciste. En joignant cette pièce au livre lui-même, nous croyons donc faire une chose utile et agréable à nos lecteurs, et satisfaire à la juste susceptibilité de l'écrivain.

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A MONSIEUR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Paris, 29 juillet 1852.

Monsieur le Président,

En 1848, j'ai combattu votre candidature à la présidence de la République, parce que je la jugeais menaçante pour la démocratie, hostile aux républicains. Les amateurs de pamphlets ont gardé le souvenir de ma polémique de ce temps-là.

Après l'élection du 10 décembre, j'ai fait une maladie grave qui m'a forcé pendant un mois de m'absenter de l'Assemblée nationale, dont j'étais membre. La cause de cette maladie, Monsieur le Président, je n'ai pas besoin de vous la dire : tandis que le peuple vous élevait sur le pavois, il me perçait le

cœur.

A peine rétabli de mes chagrins et de mes fatigues, sur la fin de janvier 1849, j'ai attaqué votre pouvoir nouveau avec toute l'irritation de la convalescence. Cette attaque m'a valu trois ans de prison, qui ont pris fin au 4 juin 1852.

Pendant la première année de ma captivité, j'ai recommencé la lutte autant de fois qu'il m'a été possible. J'ai subi, pour cette obstination, deux mises au secret, deux transfèrements et deux procès, dont l'un a été abandonné pour vice de forme, et l'autre s'est terminé par un acquittement. Je ne me suis résigné au silence que lorsqu'il m'a été notifié par le préfet de police que la prison emportait pour moi, journaliste, avec la séquestration de ma personne, le silence de ma parole. La loi pénale n'en dit rien, et, sous le dernier roi, cela ne s'était pas vu; mais le temps et les circonstances donnent aux lois leur interprétation.

Apres le coup d'Etat du-2 décembre et la défaite de l'insurrection, j'ai été pendant cinq jours comme un condamné à mort. Je n'avais rien à craindre pour ma personne; mais le coup porté à la République me désespérait. Ah! Monsieur le Président, vous n'avez eu, vous ne rencontrerez jamais d'adversaire plus énergique et en même temps plus désintéressé que moi. Je n'ai point été votre rival, comme d'autres qui, à mon avis, en étaient dignes, le furent; je n'aspire point à votre succession, comme d'autres, qui valent moins peut-être, y pensent. Je n'en veux pas plus à votre dignité qu'à votre personne, et je ne conspire pas. J'ai vu en vous l'ennemi de la République que j'avais embrassée ne cherchez pas d'autre cause à mon opposition.

Depuis votre second avénement, j'ai cherché à me consoler, — je serais mort sans cette consolation, en me démontrant

à moi-même que vous étiez le produit de circonstances fatales, et que cette révolution, que mes amis et moi n'avions sans doute pas été trouvés dignes de faire, vous en étiez, bon gré, mal gré, le représentant.

Louis-Napoléon, me suis-je dit, est le mandataire de la révolution, à peine de déchéance!...

Aussitôt je fais de ma pensée un livre : j'imprime ce livre; mais la police en interdit la vente, menaçant à la fois l'imprimeur et le libraire. Pourquoi? C'est ce que je viens vous de mander à vous-même, Monsieur le Président. Pardonnez cette interrogation à un républicain.

Vous êtes la révolution au dix-neuvième siècle, car vous ne pouvez pas être autre chose. Hors de là, le 2 décembre ne serait qu'un accident historique, sans principe, sans portée : voilà mon premier point. Maintenant, le savez-vous, Monsieur le Président? le voulez-vous? l'oserez-vous dire? Questions scabreuses et que je n'ose résoudre : voilà mon second point. C'est tout mon livre : consolation pour moi-même, espérance à mes coreligionnaires, défi à la contre-révolution! A ce livre, j'ai donné ma façon, mon style, mes idées, mes opinions, mes craintes; du reste, et malgré mon extrême franchise, pas la moindre attaque, ni au Président ni au gouvernement.

Je ne me suis pas dissimulé que ce livre, en donnant la raison d'existence du 2 décembre, lui créait une sorte de légitimité dans les choses; que, recevant ainsi sa signification de

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