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Et de nos courtisans les plus légers d'étude
Elle a pour quelque temps fixé l'inquiétude,
Arrêté leur esprit, attaché leurs regards,

Et fait descendre en eux quelque goût des beaux-arts.
Mais ce qui, plus que tout, élève son mérite,
C'est de l'auguste Roi l'éclatante visite;
Ce monarque, dont l'ame aux grandes qualités
Joint un goût délicat des savantes beautés,
Qui, séparant le bon d'avec son apparence,
Décide sans erreur, et loue avec prudence;
LOUIS, le grand LOUIS, dont l'esprit souverain
Ne dit rien au hasard, et voit tout d'un œil sain,
A versé de sa bouche à ses graces brillantes
De deux précieux mots les douceurs chatouillantes;
Et l'on sait qu'en deux mots ce roi judicieux
Fait des plus beaux travaux l'éloge glorieux.

Colbert, dont le bon goût suit celui de son maître,
A senti même charme, et nous le fait paroître.
Ce vigoureux génie au travail si constant,
Dont la vaste prudence à tous emplois s'étend,
Qui, du choix souverain, tient, par son haut mérite,
Du commerce et des arts la suprême conduite,

A d'une noble idée enfanté le dessein

Qu'il confie aux talents de cette docte main,
Et dont il veut par elle attacher la richesse

Aux sacrés murs du temple où son cœur s'intéresse '.
La voilà, cette main qui se met en chaleur;
Elle prend les pinceaux, trace, étend la couleur,
Empâte, adoucit, touche, et ne fait nulle pause :
Voilà qu'elle a fini; l'ouvrage aux yeux s'expose;
Et nous y découvrons, aux yeux des grands experts,
Trois miracles de l'art en trois tableaux divers.

Mais, parmi cent objets d'une beauté touchante,

Saint-Eustache. (Note de Molière.)

Colbert étoit de la paroisse Saint-Eustache, et il fut inhumé dans l'église.

Le Dieu porte au respect, et n'a rien qui n'enchante;
Rien en grace, en douceur, en vive majesté,
Qui ne présente à l'œil une divinité;

Elle est toute en ses traits si brillants de noblesse :
La grandeur y paroît, l'équité, la sagesse,

La bonté, la puissance; enfin ces traits font voir
Ce que l'esprit de l'homme a peine à concevoir.
Poursuis, ô grand Colbert, à vouloir dans la France
Des arts que tu régis établir l'excellence,

Et donne à ce projet, et si grand et si beau,
Tous les riches moments d'un si docte pinceau.
Attache à des travaux, dont l'éclat te renomme,
Les restes précieux des jours de ce grand homme.
Tels hommes rarement se peuvent présenter,
Et, quand le ciel les donne, il faut en profiter.

De ces mains, dont les temps ne sont guère prodigues,
Tu dois à l'univers les savantes fatigues;

C'est à ton ministère à les aller saisir

Pour les mettre aux emplois que tu peux leur choisir ;
Et, pour ta propre gloire, il ne faut point attendre
Qu'elles viennent t'offrir ce que ton choix doit prendre.
Les grands hommes, Colbert, sont mauvais courtisans,
Peu faits à s'acquitter des devoirs complaisants;
A leurs réflexions tout entiers ils se donnent;
Et ce n'est que par-là qu'ils se perfectionnent.
L'étude et la visite ont leurs talents à part.
Qui se donne à la cour se dérobe à son art.
Un esprit partagé rarement s'y consomme,
Et les emplois de feu demandent tout un homme.
Ils ne sauroient quitter les soins de leur métier
Pour aller chaque jour fatiguer ton portier;
Ni partout, près de toi, par d'assidus hommages,
Mendier des prôneurs les éclatants suffrages.
Cet amour du travail, qui toujours règne en eux,
Rend à tous autres soins leur esprit paresseux;

632 LA GLOIRE DU DOME DU VAL-DE-GRACE.

Et tu dois consentir à cette négligence

Qui de leurs beaux talents te nourrit l'excellence.
Souffre que, dans leur art s'avançant chaque jour,
Par leurs ouvrages seuls ils te fassent leur cour'.
Leur mérite à tes yeux y peut assez paroître ;
Consulte-s-en ton goût, il s'y connoît en maître,
Et te dira toujours, pour l'honneur de ton choix,
Sur qui tu dois verser l'éclat des grands emplois.
C'est ainsi que des arts la renaissante gloire
De tes illustres soins ornera la mémoire ;

Et que ton nom, porté dans cent travaux pompeux,
Passera triomphant à nos derniers neveux.

'Molière s'entendoit mieux à peindre le moral de l'homme, qu'à décrire les parties et les procédés de l'art qui a pour objet d'en représenter les formes extérieures. Ces vers sur l'humeur indépendante, et même un peu sauvage, de l'homme de génie, sont énergiques et fiers; ils ont la couleur du sujet ; ils honorent celui qui les a faits, comme celui qui les a inspirés. Mignard y est peint avec fidélité ; et Molière lui rendoit un service d'ami en présentant sous le jour le plus avantageux des singularités de caractère et de conduite dont on s'étoit servi probablement pour lui nuire dans l'esprit de Colbert. (A.)

FIN.

TABLE

DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME.

LE BOURGEOIS GENTILHOMME, Comédie-ballet en cinq actes.

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LES FOURBERIES DE SCAPIN, comédie en trois actes.

LA COMTESSE D'ESCARBAGNAS, comédie.

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LES FEMMES SAVANTES, comédie en cinq actes.

LE MALADE IMAGINAIRE, comédie-ballet en trois actes.
Prologue.

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POÉSIES DIVERSES.

SONNET à M. La Mothe-Le-Vayer..

LA GLOIRE DU DÔME DU Val-de-Grace.

FIN DE LA TABLE DU QUATRIÈME ET DERNIER VOLUME.

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