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comme les yeux, les mains, les pieds, etc. ou par art, comme des meules de moulin, des ciseaux, etc.

De là il se voit que les noms propres n'ont point d'euxmêmes de plurier, parce que de leur nature ils ne conviennent qu'à un ; et que si on les met quelquefois au plurier, comme quand on dit les Césars, les Alexandres, les Platons, c'est par figure, en comprenant dans le nom propre toutes les personnes qui leur ressembleroient comme qui diroit, des rois aussi vaillans qu'Alexandre, des philosophes aussi savans que Platon, etc. Et il y en a même qui improuvent cette façon de parler, comme n'étant pas assez conforme à la nature, quoiqu'il s'en trouve des exemples dans toutes les langues; de sorte qu'elle semble trop autorisée pour la rejeter toutà-fait : il faut seulement prendre garde d'en user modérément.

Tous les adjectifs au contraire doivent avoir un plurier, parce qu'il est de leur nature d'enfermer toujours une certaine signification vague d'un sujet, qui fait qu'ils peuvent convenir à plusieurs, au moins quant à la manière de signifier, quoiqu'en effet ils ne convinssent qu'à un.

Quant aux substantifs qui sont communs et appellatifs, il semble que par leur nature ils devroient tous avoir un plurier; néanmoins il y en a plusieurs qui n'en ont point, soit par le simple usage, soit par quelque sorte de raison. Ainsi les noms de chaque métal, or, argent, fer, n'en ont point en presque toutes les langues;

dont la raison est, comme je pense, que la ressemblance si grande qui est entre les parties des métaux, fait que l'on considère d'ordinaire chaque espèce de métal, non comme une espèce qui ait sous soi plusieurs individus, mais comme un tout qui a seulement plusieurs parties: ce qui paroît bien en notre langue, en ce que pour mar quer un métal singulier, on ajoute la particule de par tition, de l'or, de l'argent, du fer. On dit bien fers au plurier, mais c'est pour signifier des chaînes, et non seulement une partie du métal appelé fer. Les Latins disent bien aussi æra, mais c'est pour signifier de la monnoie, ou des instrumens à faire son, comme des cymbales. Et ainsi des autres.

CHAPITRE V.

Des Genres.

COMME les noms adjectifs de leur nature conviennent à plusieurs, on a jugé à propos, pour rendre le discours moins confus, et aussi pour l'embellir par la variété des terminaisons, d'inventer dans les adjectifs une diversité selon les substantifs auxquels on les appliqueroit.

Or les hommes se sont premièrement considérés eux-mêmes; et ayant remarqué parmi eux une différence extrêmement considérable, qui est celle des sexes, ils ont jugé à propos de varier les mêmes deux,

noms adjectifs, y donnant diverses terminaisons, lorsqu'ils s'appliquoient aux hommes, ou lorsqu'ils s'appliquoient aux femmes; comme en disant, bonus vir, un bon homme; bona mulier, une bonne femme; et c'est ce qu'ils ont appelé genre masculin et genre féminin.

Mais il a fallu que cela ait passé plus avant. Car, comme ces mêmes adjectifs se pouvoient attribuer à d'autres qu'à des hommes ou à des femmes, ils ont été obligés de leur donner l'une ou l'autre des terminaisons qu'ils avoient inventées pour les hommes et pour les femmes : d'où il est arrivé que par rapport aux hommes et aux femmes, ils ont distingué tous les autres noms substantifs en masculins et féminins : quelquefois par quelque sorte de raison, comme lorsque les offices d'hommes, rex, judex, philosophus, etc. (qui ne sont qu'improprement substantifs, comme nous avons dit) sont du masculin, parce qu'on sous-entend homo; et que les offices des femmes sont du féminin, comme mater, uxor, regina, etc. parce qu'on sous entend mulier.

D'autres fois aussi par un pur caprice, et un usage sans raison; ce qui fait que cela varie selon les langues, et dans les mots même qu'une langue a empruntés d'une autre; comme arbor est du féminin en latin, et arbre, du masculin en françois; dens masculin en latin, et dent féminin en françois.

Quelquefois même cela a changé dans une même langue selon le temps; comme alvus étoit autrefois mas

culin en latin, selon Priscien, et depuis il est devenu féminin. Navire en françois étoit autrefois féminin, depuis il est devenu masculin.

et

Cette variation d'usage a fait aussi qu'un même mot étant mis par les uns en un genre, et par les autres en l'autre, est demeuré douteux ; comme hic finis, ou hæc finis en latin, comme comté et duché en françois.

Mais ce qu'on appelle genre commun, n'est pas si commun que les grammairiens s'imaginent; car il ne convient proprement qu'à quelques noms d'animaux, qui en grec et en latin se joignent à des adjectifs masculins et féminins, selon qu'on veut signifier le mâle et la femelle, comme bos, canis, sus.

Les autres, qu'ils comprennent sous le nom de genre commun, ne sont proprement que des adjectifs qu'on prend pour substantifs, parce que d'ordinaire ils subsistent seuls dans le discours, et qu'ils n'ont pas de différentes terminaisons pour être joints aux divers genres, comme en ont victor et victrix, victorieux et victorieuse ; rex et regina, roi et reine; pistor et pistrix, boulanger et boulangère, etc.

On voit encore par-là que ce que les grammairiens appellent épicene, n'est point un genre séparé : car vulpes, quoiqu'il signifie également le mâle et la femelle d'un renard, est véritablement féminin dans le latin. Et de même une aigle est véritablement féminin dans le françois, parce que le genre masculin ou féminin dans un mot ne regarde pas proprement sa signification, mais

le dit seulement de telle nature, qu'il se doive joindre à l'adjectif dans la terminaison masculine ou féminine. Ainsi en latin, custodiæ, des gardes, ou des prisonniers; vigiliae, des sentinelles, etc. sont véritablement fémi nins, quoiqu'ils signifient des hommes. Voilà ce qui est commun à toutes les langues, pour le regard des

genres.

Les Grecs et les Latins ont encore inventé un troisième genre avec le masculin et féminin, qu'ils ont appelé neutre, comme n'étant ni de l'un ni de l'autre : ce qu'ils n'ont pas regardé par la raison, comme ils eussent pu faire en attribuant le neutre aux noms de choses qui n'avoient nul rapport au sexe masculin ou féminin, mais par fantaisie, et en suivant seulement certaines terminaisons.

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CHAPITRE V I.

Des Cas et des Prépositions, en tant qu'il est nécessaire d'en parler pour entendre quelques Cas.

Si l'on considéroit toujours les choses séparément les unes des autres, on n'auroit donné aux noms que les deux changemens que nous venons de marquer; savoir, du nombre pour toutes sortes de noms, et du genre pour

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