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LES CAS: Ego, me; je, me, moi. Et même nous avons déja dit en passant, que les langues qui n'ont point de cas dans les noms, en ont souvent dans les pronoms.

C'est ce que nous voyons en la nôtre, où l'on peut considérer les pronoms selon trois usages que nous marquerons par cette table:

AVANT LES VERBES, || PAR-TOUT AILLEURS.

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Mais il y a quelques remarques à faire sur cette table.

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La 1. est que pour abréger, je n'ai mis nous et vous qu'une seule fois, quoiqu'ils se disent par-tout avant les verbes, après les verbes, et en tous les cas. C'est

pourquoi il n'y a aucune difficulté, dans le langage ordinaire, aux pronoms de la première et de la seconde personne, parce qu'on n'y emploie que nous,

vous.

La 2°. est que ce que nous avons marqué comme le datif et l'accusatif du pronom il, pour être mis avant les verbes, se met aussi après les verbes quand ils sont à l'impératif. Vous lui dites; Dites-lui. Vous leur dites; dites-leur. Vous le menez; menez-le. Vous la conduisez; conduisez-la. Mais me, te, se, ne se disent jamais qu'avant le verbe. Vous me parlez. Vous me menez. Et ainsi, quand le verbe est à l'impératif, il faut mettre moi au lieu de me. Parlezmoi. Menez-moi. C'est à quoi M. de Vaugelas semble n'avoir pas pris garde, puisque cherchant la raison pourquoi on dit menez-l'y, et qu'on ne dit pas menez-m'y, il n'en a point trouvé d'autre que la cacophonie au lieu qu'étant clair que moi ne se peut point apostropher, il faudroit, afin qu'on pût dire menez-m'y, qu'on dît aussi menez-me; comme on peut dire menez-l'y, parce qu'on dit menez-le. Or menez-me n'est pas françois, et par conséquent menez-m'y ne l'est pas aussi.

La 3°. remarque est que, quand les pronoms sont avant les verbes ou après les verbes à l'impératif, on ne met point au datif la particule à. Vous me donnez; donnez-moi, et non pas donnez à moi, à moins que l'on n'en redouble le pronom, où l'on ajoute ordi- .

nairement même, qui ne se joint aux pronoms qu'en la troisième personne. Dites-le moi à moi : Je vous le donne à vous: Il me le promet à moi-même : Dites-leur à eux-mêmes : Trompez-la elle-même : Dites-lui à elle-même.

La 4o est que dans le pronom il, le nominatif il ou elle, et l'accusatif le ou la, se disent indifféremment de toutes sortes de choses; au lieu que le datif, l'ablatif, le génitif et le pronom son, sa, qui tient lieu du génitif, ne se doivent dire ordinairement que des per

sonnes.

:

Ainsi l'on dit fort bien d'une maison de campagne : Elle est belle: je la rendrai belle mais c'est mal parler que de dire: Je lui ai ajouté un pavillon : Je ne puis vivre sans elle : C'est pour l'amour d'elle que je quitte souvent la ville : Sa situation me platt. Pour bien parler, il faut dire : J'y ai ajouté un pavillon: Je ne puis vivre sans cela, ou sans le divertissement que j'y prends: Elle est cause que je quitte souvent la ville: La situation m'en platt.

Je sais bien que cette règle peut souffrir des exceptions. Car 1. les mots qui signifient une multitude de personnes, comme Eglise, peuple, compagnie, n'y sont point sujets.

2. Quand on anime les choses, et qu'on les regarde comme des personnes, par une figure qu'on appelle prosopopée, on y peut employer les termes qui conviennent aux personnes.

3. Les choses spirituelles; comme la volonté, la vertu, la vérité, peuvent souffrir les expressions personnelles; et je ne crois pas que ce fût mal parler que de dire: L'amour de Dieu a ses mouvemens, ses desirs, ses joies, aussi bien que l'amour du monde : J'aime uniquement la vérité; j'ai des ardeurs pour elle, que je ne puis exprimer.

4. L'usage a autorisé qu'on se serve du pronom son, en des choses tout-à-fait propres ou essentielles à celles dont on parle. Ainsi l'on dit qu'une rivière est sortie de son lit; qu'un cheval a rompu sa bride, a mangé son avoine; parce que l'on considère l'avoine comme une nourriture tout-à-fait propre au cheval: que chaque chose suit l'instinct de sa nature; que chaque chose doit être en son lieu; qu'une maison est tombée d'elle-même ; n'y ayant rien de plus essentiel à une chose que ce qu'elle est. Et cela me feroit croire que cette règle, n'a pas lieu dans les discours de science, où l'on ne parle que de ce qui est propre aux choses; et qu'ainsi l'on peut dire d'un mot, sa significa tion principale est telle, et d'un triangle, son plus grand côté est celui qui soutient son plus grand angle.

Il peut y avoir encore d'autres difficultés sur cette règle, ne l'ayant pas assez méditée pour rendre raison de tout ce qu'on y peut opposer: mais au moins il est certain que, pour bien parler, on doit ordinairement y prendre garde, et que c'est une faute

de la négliger, si ce n'est en des phrases qui sont autorisées par l'usage, ou si l'on n'en a quelque raison particulière. M. de Vaugelas néanmoins ne l'a pas remarqué; mais une autre toute semblable touchant le qui, qu'il montre fort bien ne se dire que des personnes, hors le nominatif, et l'accusatif que.

Jusques ici nous avons expliqué les pronoms principaux et primitifs : mais il s'en forme d'autres qu'on appelle possessifs; de la même sorte que nous avons dit qu'il se faisoit des adjectifs des noms qui signifient des substances, en y ajoutant une signification confuse, comme de terre, terrestre. Ainsi meus, mon, signifie distinctement moi, et confusément quelque chose qui m'appartient et qui est à moi. Meus liber, mon livre, c'est-à-dire, le livre de moi, comme le disent ordinairement les Grecs, Bichos μs.

Il y a de ces pronoms en notre langue, qui se mettent toujours avec un nom sans article; mon, ton, son, et les pluriers nos, vos: d'autres qui se mettent toujours avec l'article sans nom, mien, tien, sien, et les pluriers nôtres, vôtres : et il y en a qui se mettent en toutes les deux manières, notre et votre au singulier, leur et leurs. Je n'en donne point d'exemples, car cela est trop facile. Je dirai seulement que c'est la raison qui a fait rejeter cette vieille façon de parler, un mien ami, un mien parent, parce que mien ne doit être mis qu'avec l'article le et sans nom. C'est le mien, ce sont les nôtres, etc.

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