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sorte d'élégance inconnue aux auteurs contemporains. Philippe de Commines avoit été long-temps dans l'intimité du roi; il avoit pu quelquefois pénétrer dans les replis de cette âme sombre et dissimulée; enfin il avoit eu part à l'administration publique et à des négociations importantes. Il rapporte donc des faits dont lui seul a pu être instruit. Son langage porte toujours le caractère de la vérité. Les récits intéressans qu'il offre aux lecteurs paroissent faits sans art; il y règne une grâce et un ton facile qui ne peuvent se trouver que dans un homme de la cour. Ses Mémoires servent encore de guides à tous ceux qui veulent s'instruire à fond des particularités du règne de Louis XI. On y remarque une réserve et une retenue qui prouvent que, quoique l'auteur ait écrit la plus grande partie de son ouvrage après la mort de ce monarque, il étoit cependant arrêté involontairement par la crainte à laquelle il avoit été habitué. Cette contrainte lui a fait chercher le moyen de s'exprimer en termes détournés, lorsqu'il craignoit d'attaquer ou des hommes puissans, ou des opinions reçues. C'est lui qui, le premier, a connu l'art de parler des choses les plus délicates, de manière à ne pas se compromettre. Il a introduit dans son style

cette mesure dont nos bons auteurs se sont servi depuis avec tant d'avantage, qui, poussée trop loin dans le dix-huitième siècle, a dégénéré en subtilité et en finesse recherchée ; ce qui, avec beaucoup d'autres causes, a contribué à la décadence du langage.

Villon, comme l'a dit Boileau, dans ces siècles grossiers,

Débrouilla l'art confus de nos vieux romanciers.

Ses poésies sont beaucoup moins lues que les Mémoires de Philippe de Commines, parce que leur objet ne présente aucun intérêt. Malgré l'espèce d'éloge que notre grand critique paroît donner à Villon, il y a peu de différence entre ses ouvrages et ceux d'Alain Chartier. C'est àpeu-près à la même époque que l'on place la première comédie où nous nous soyons rapprochés du genre d'Aristophane et de Plaute. Cette pièce, qui a été rajeunie par l'abbé Brueys, est restée à notre théâtre sous le nom de l'Avocat Patelin (1).

On commençoit à s'occuper sérieusement de

(1) Cette pièce est d'un nommé Blanchet. Elle est intitulée : Ruses et subtilités de maître Patelain, avocat. Elle est écrite en petits vers. Quelques auteurs la placent sous le règne de Charles vi.

la Grammaire; on fixoit les règles encore incertaires de la langue françoise, et l'on cherchoit à inventer des méthodes faciles pour enseigner la langue latine; jon raisonnoit sur les différentes acceptions des mots; on analysoit les propositions; on définissoit les termes dont on se servoit; on donnoit aux parties du discours les dénominations qui pouvoient leur convenir. Despautère, notre plus ancien grammairien, fit alors sa Grammaire royale, qui fut conservée, pour l'instruction de la jeunesse, jusqu'au siècle de Louis xiv, et dont le plan est si bien combiné, qu'en la perfectionnant par la suite, on n'osa presque rien changer aux bases principales de l'ouvrage (1).

Une découverte qui eut une grande influence sur les institutions politiques de l'Europe, rendit la science familière à un plus grand nombre d'hommes, répandit les ouvrages des anciens, dont les copies étoient très-rares; et, par son introduction en France, contribua, d'une manière puissante, au perfectionnement du

(1) Scipion Dupleix donna plus de clarté à la Grammatica regia de Despautère; on en fit paroître une édition pendant la minorité de Louis xiv. La première Grammaire françoise, faite d'après Despautèré, parut en 1649.

langage. L'art d'écrire en caractères mobiles, et de multiplier avec rapidité les exemplaires d'un livre, fut trouvé par un peuple dont la langue vulgaire n'étoit pas encore formée, et connu seulement en Europe par une érudition pédantesque que le goût n'avoit point épurée.

L'Italie conserva la gloire littéraire qu'elle avoit acquise du temps de Pétrarque et de Bocace. L'influence des Médicis se faisoit sentir à Florence, et de toute part on voyoit les arts se répandre et se perfectionner. Déja tous les savans de Constantinople, après la chute de l'empire grec, quittoient leur patrie pour se fixer dans la Toscane. Ils y apportoient des connoissances nouvelles pour les peuples de l'occident. Léonard Aretin écrivit l'histoire dans le goût des anciens. On regretta qu'il se fût trop peu exercé dans la langue vulgaire, et qu'il eût composé en latin la plus grande partie de ses ouvrages. Ange Politien justifia la faveur dont il jouissoit à la cour de Florence, par des poésies moins agréables que celles de Pétrarque, mais d'un langage plus clair et plus correct. Pic de Ia Mirandole, qui mourut très-jeune, après avoir acquis cette multitude de connoissances qu'on ne peut posséder qu'à un âge avancé, et s'être exercé dans presque tous les genres,

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illustra aussi cette belle époque de la littérature italienne. Laurent de Médicis lui-même се pacificateur de l'Italie, ce bienfaiteur de la Toscane cultiva les lettres au milieu des grands travaux dont il étoit accablé. Ce prince, aussi aimable dans sa vie privée, que ferme et intègre dans sa vie publique, faisant les délices du peuple dont l'administration lui étoit confiée, joignant aux talens politiques de son aïeul, cette affabilité et cette douceur qui assurent des amis aux hommes puissans, ce prince consacra ses loisirs à l'étude des sciences et à la poésie. Ses ouvrages qu'on a conservés, annoncent une âme élevée, et ce penchant pour les femmes qui, lorsqu'il est réglé par la décence, donne aux mœurs une élégance et une politesse qui tiennent à la finesse du tact, et à la délicatesse du goût d'un sexe, dont l'influence, bien dirigée, fut toujours favorable aux progrès des arts. Les poésies de Laurent de Médicis, la protection dont il honora constamment les bons écrivains, lui valurent le titre de Père des lettres.

La France alors profita plus que jamais des progrès que la littérature avoit faits à Rome et dans la Toscane. Les François qui suivirent Charles VIII en Italie, trouvèrent un peuple

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