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qui originairement étoient accentués, deviennent insensiblement ou muets, ou moyens. Plus un mot est manié, plus la prononciation en devient foible. On a dit autrefois roine, et non pas reine, et de nos jours Charolois est devenu Charolès, harnois a fait harnès. Ce qu'on appelle parmi nous la société, et ce que les anciens n'auroient appelé que coterie, décide aujourd'hui de la langue et des moeurs. Dès qu'un mot est quelque temps en usage chez le peuple des gens du monde, la prononciation s'en amollit. Si nous étions dans une relation aussi habituelle d'affaires, de guerre et de commerce avec les Suédois et les Danois qu'avec les Anglois, nous prononcerions bientôt Danès et Suédès, comme nous disons Anglès. Avant que Henri 11 devînt roi de Pologne on disoit les Polonois; mais ce nom ayant été fort répété dans la conversation, et dans ce temps-là, et depuis, à l'occasion des élections, la prononciation s'en est affoiblie. Cette nonchalance dans la prononciation, qui n'est pas incompatible avec l'impatience de s'exprimer, nous fait altérer jusqu'à la nature des mots, en les coupant de façon que le sens n'en est plus reconnoissable. On dit, par exemple, aujourd'hui proverbialement, en dépit de lui et de ses dens, au lieu de ses aidans. Nous avons plus qu'on ne croit de ces mots raccourcis ou altérés par l'usage.

Notre langue deviendra insensiblement plus propre pour la conversation que pour la tribune, et la conversation donne le ton à la chaire, au barreau et au théâtre; au lieu que chez les Grecs et chez les Romains, la tribune ne s'y asservissoit pas. Une prononciation soutenue et une prosodie fixe et distincte, doivent se conserver particulièrement chez des peuples qui sont obligés de traiter publique

1.

ment des matières intéressantes pour tous les auditeurs, parce que, toutes choses égales d'ailleurs, un orateur dont la prononciation est ferme et variée, doit être entendu de plus loin qu'un autre qui n'auroit pas les mêmes avantages dans sa langue, quoiqu'il parlât d'un ton aussi élevé. Ce seroit la matière d'un examen assez philosophique, que d'observer dans le fait et de montrer par des exemples, combien le caractère, les mœurs et les intérêts d'un peuple influent sur sa langue.

Pour revenir à notre sujet, nous avons donc au moins dix-sept voyelles.

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Il faut remarquer que l'i, l'u, l'ou et l'é fermé sont susceptibles de différente quantité, comme toutes les autres voyelles, mais non pas de modification plus ou moins grave; ce qui pourroit les faire nommer petites voyelles, par opposition aux grandes a, è ouvertes; o, eu, qui, indépendamment de la quantité, peuvent être aiguës, graves et nasales. L'e muet est la cinquième petite voyelle.

OBSERVATIONS.

LES remarques de M. Duclos sur les différentes sortes de voyelles françoises sont pleines de sagacité et de justesse. Il se plaint de l'irrégularité de notre orthographe, et de la mollesse qu'une certaine classe de la société a introduite dans la langue, en adoucissant trop la prononciation de quelques diphtongues. Les tentatives qu'on a faites pour réformer entièrement l'orthographe françoise, ont toujours été inutiles. Outre qu'il est impossible de changer subitement les anciennes habitudes d'un peuple, en supposant même qu'une innovation de ce genre pût réussir, quel inconvénient n'en résulteroit-il pas? Il faudroit brûler tous les anciens livres, ou si l'on vouloit les conserver, il naftroit de la lecture des anciennes et des nouvelles éditions, une confusion qui détruiroit bientôt toutes les règles précises, et qui sur-tout augmenteroit les difficultés de l'instruction des enfans. Les réformes dans l'orthographe et la prononciation d'une langue doivent se faire avec lenteur. C'est ainsi que, vers la fin du siècle de Louis XIV, on a supprimé presque insensiblement les lettres parasites, auxquelles on a suppléé par des accens; et que, lorsque la langue s'est perfectionnée, on lui a donné plus d'harmonie, en adoucissant le son barbare des imparfaits, et en substituant souvent le son de l'e ouvert à la diphtongue rude du mot loi. Je m'étendrai davantage dans une autre note sur la réformation de l'orthographe. Quant à l'influence d'une certaine classe de la société, sur la prononciation, il faut convenir que la bonne compagnie et les personnes qui avoient la prétention de bien parler, ne pouvoient choisir de meilleur modèle que la Cour. C'est par cette raison que dès l'origine de l'Académie françoise, époque à laquelle cette institution étoit dans toute sa pureté, on se fit un devoir d'admettre parmi les régulateurs de la langue, un certain nombre d'hommes qui n'avoient d'autre titre que l'avantage d'approcher du Monarque. « Le bon usage, dit Vaugelas, est composé non pas de la » pluralité, mais de l'élite des voix, et c'est véritablement celui que

> l'on nomme le maître des langues, celui qu'il faut suivre pour " bien parler. Voici donc comme on définit le bon usage: C'est » la façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d'écrire de la plus saine partie des auteurs du n temps n.

Il est vrai qu'à la fin du dix-huitième siècle, on a beaucoup trop abusé de la faculté d'altérer la nature des mots, et qu'on a trop regardé comme tenant au bon ton une certaine négligence de prononciation qui détruit l'harmonie de la langue. J'ai entendu prononcer au théâtre mame au lieu de madame. L'acteur célèbre qui se permettoit ce genre de sincopes, passoit pour un modèle de diction.

Dans quelques sociétés, on a aussi trop amolli la prononciation de certains mots, auxquels le génie de la langue, et les écrits de nos grands poëtes, prescrivent de laisser leurs anciens sons. Aussi au lieu de dire froid on a dit frèt, drèt au lieu de droit, étrét au lieu d'étroit, endret au lieu d'endroit, etc. Heureusement cet abus ne s'est étendu plus loin que les sociétés où il avoit pris naissance. Dans toutes les réformes que l'on veut faire en prononciation, il faut se prescrire, pour règle générale, de ne jamais se permettre aucun changement qui puisse altérer l'harmonie et la diction des chefs-d'œuvres de poésie.

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CHAPITRE I I.

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1o. Il faudroit joindre au c le k et le q pour répondre exactement au son du cappa et du caph, parce que le c s'emploie pour s devant l'e et l'i, au lieu que le k garde toujours le son qui lui est propre. Il seroit même à desirer qu'on l'employât préférablement au 9, auquel on joint un u presque toujours inutile, et quelquefois nécessaire, sans que rien indique le cas de nécessité. On écrit, par exemple, également quarante et quadrature, sans qu'il y ait rien qui désigne que dans le premier mot la première syllabe est la simple voyelle a, et dans le second, la diphtongue oua. Le k est la lettre dont nous faisons le moins et dont nous devrions faire le plus d'usage, attendu qu'il n'a jamais d'emploi vicieux.

On doit observer que le son du 9 est plus ou moins fort dans des mots différens. Il est plus fort dans banqueroute que dans banquet, dans quenouille que dans queue. Les Grammairiens pourroient convenir d'employer le k pour le son fort du q, kalendes, kenouille, bankeroute; et le q pour le son affoibli, queue, vainqueur.

Alors le c qui deviendroit inutile dans notre alphabet, et qu'il seroit abusif d'employer pour le son du S, qui a son capropre ; le c, dis-je, serviroit à rendre le son du ch, qui n'a point de caractère dans l'alphabet.

ractère

2°. Le g est aussi plus ou moins fort. Il est plus fort dans guenon que dans gueule, dans gomme que dans guide.

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