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velle mariée? la réponse seroit : Je la suis; êtes-vous nouvellement mariée? je le suis. Le pronom suppléant le, répond à toute phrase pareille, quelqu'étendue qu'elle eût. Exemple. On a cru long-temps que l'ascension de l'eau dans les pompes, venoit de l'horreur du vide; on ne le croit plus. Le, supplée toute la proposition; ce qui l'a fait nommer pronom suppléant.

Teile est la règle fixe; mais je ne sache pas qu'on l'ait encore appuyée d'un principe: le voici. Toutes les fois qu'il s'agit d'adjectif, soit masculin ou féminin, singulier ou pluriel, ou d'une proposition résumée par ellipse, le est un pronom de tout genre et de tout nombre. S'il s'agit de substantifs, on y répond par le, la, les, suivant le genre et le nombre. Exemple. Vous avez vu le prince, je le verrai aussi, je verrai lui; la princesse, je la verrai, je verrai elle; les ministres, je les verrai, je verrai eux. On emploie ici les articles qui font alors la fonction de pronoms, et le deviennent en effet par la suppression des substantifs ; car si l'on répétoit les substantifs, le, la, les, redeviendroient articles. Tout consiste donc dans la règle sur ces pronoms, à distinguer les substantifs, les adjectifs et les ellipses.

DesGrammairiens demandent pourquoi dans cette phrase: Je n'ai point vu la pièce nouvelle, mais je la verrai, ces deux la ne seroient pas de même nature? C'est, répondraije, qu'ils n'en peuvent être. Le premier la est l'article, et le second un pronom, quoiqu'ils aient la même origine. Ce sont, à la vérité, deux homonymes, comme mur, murus, et múr, maturus, dont l'un est substantif et l'autre adjectif. Le matériel d'un mot ne décide pas de sa pature, et malgré la parité de son et d'orthographe, les deux la ne se ressem

blent pas plus qu'un homme mûr et une muraille. A l'égard de l'origine, elle ne décide encore de rien. Maturitas venant de maturus, ne laisse pas d'en différer. C'est, dira-t-on peutêtre ici, une dispute de mots : j'y consens; mais en fait de Grammaire et de philosophie, une question de mots est une question de choses.

Tout ce que dit M. Duclos sur la définition et l'emploi de l'article, a de la justesse et de la précision, quoique l'on puisse regretter la distinction faite par MM. du Port - Royal entre l'article défini et l'article indéfini. Si cette distinction n'a pas une vérité rigoureuse, elle sert du moins à applanir beaucoup de difficultés. Par exemple, en admettant que un sont des articles indéfinis, et que des, dans un sens, est le pluriel de ces articles, comme dans un homme, des hommes, une femme, des femmes, on épargne à ceux qui étudient les principes généraux des langues, une multitude de distinctions subtiles qui ne servent qu'à rendre les règles plus obscures.

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M. Duclos, oubliant toujours que la langue françoise cst fixée, prétend qu'en beaucoup d'occasions, l'article pourroit être supprimé. L'exemple qu'il donne est une manière de s'énoncer adoptée par l'usage. Mais M. Duclos auroit dû remarquer qu'elle ne peut être admise que dans le langage familier. On peut dire en conversation Pauvreté n'est pas vice; en style noble, il faudroit: La pauvreté n'est pas un vice. L'académicien auroit aussi dû réfléchir au danger de donner de semblables exemples. Il est certain que l'on se décidoit à les suivre et à les appliquer contre l'usage, la langue françoise seroit bientôt dénaturée. En un très-court espace de temps, les chefs-d'œuvres paroîtroient écrits dans un langage étranger; la clarté, la noble régularité de notre langue s'altéreroient; et les novateurs ne se borneroient pas à faire les réformes proposées par M. Duclos.

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L'abbé

L'abbé d'Olivet observe que l'article, pris séparément, ne signifie rien. Il cite, à ce sujet, une comparaison d'Appollonius d'Alexandrie, qui est aussi juste qu'ingénieuse » Il y a cette différence

> entre la consonne et la voyelle, que celle-ci, sans aucun secours n étranger, fait entendre un son distinct; au lieu que la consonne » a besoin de l'autre pour pouvoir être articulée. A la voyelle, il » faut comparer le nom, le verbe, l'adverbe et le participe, qui, par eux-mêmes, offrent à l'esprit une idée précise; mais à la > consonne il faut comparer l'article, la conjonction et la prépo"sition, tous mots qui, pour être significatifs, doivent être accompagnés d'autres mots ».

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CHAPITRE VIII.

LES Grammairiens n'ont pas assez distingué la nature des pronoms, qui n'ont été inventés que pour tenir la place des noms en rappeler l'idée et en éviter la répétition trop fréquente. Mon, ton, son, ne sont point des pronoms, puisqu'ils ne se mettent pas à la place des noms, mais avec les noms mêmes. Ce sont des adjectifs qu'on peut appeler possessifs, quant à leur signification, et pronominaux, quant à leur origine. Le mien, le tien, le sien, semblent être de vrais pronoms. Exemple. Je défends son ami, qu'il défende le mien; ami est sous-entendu en parlant du mien. Si le substantif étoit exprimé, le mot mien deviendroit alors adjectif possessif, suivant l'ancien langage, un mien ami; au lieu que le substantif ami étant supprimé, mien, précédé de l'article, est pris substantivement, et peut être regardé comme pronom. Si l'on admet ce principe, notre et votre seront adjectifs ou pronoms, suivant leur emploi. Comme

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adjectifs, ils se mettent toujours avec et avant le nom, sont des deux genres quant à la chose possédée, marquent pluralité quant aux possesseurs, et la première syllabe est brève. Notre bien, notre patrie; votre pays, votre nation, en parlant à plusieurs. Si l'on supprime le substantif, notre et votre prennent l'article qui marque le genre, deviennent pronoms, et la première syllabe est longue. Exemple. Voici nötre emploi et le vōtre; notre place et la vôtre. Comme adjectifs, ils ont pour pluriel nos et vos, qui sont des deux genres; nos biens, vos richesses. Comme pronoms, notre et votre au pluriel, sont précédés de l'article les, des deux genres. Exemple. Voici nos droits, voilà les vōtres; voici nos raisons, voyons les vōtres. Si l'on énonçoit les substantifs dans les derniers membres des deux phrases, les pronoms redeviendroient adjectifs, suivant l'ancien langage, les droits nutres.

Leur peut être considéré sous trois aspects. Comme pronom personnel du pluriel de lui, il signifie à eux, à elles, et l'on n'écrit ni ne prononce leurs avec s. Exemple. Ils ou elles m'ont écrit, je leur ai répondu.

Comme adjectif possessif, leur s'emploie au singulier et au pluriel; leur bien, leurs biens.

Comme pronom possessif, il est précédé de l'article, et susceptible de genre et de nombre : le leur, la leur, les

leurs.

L'usage seul peut instruire de l'emploi des mots, mais les Grammairiens sont obligés à plus de précision. On doit définir et qualifier les mots suivant leur valeur, et non pas sur leur son matériel. S'il faut éviter les divisions inutiles, qui chargeroient la mémoire sans éclairer l'esprit, on ne

doit pas du moins confondre les espèces différentes. Il est important de distinguer entre les mots d'une langue, ceux qui marquent des substances réelles ou abstraites, les vrais pronoms, les qualificatifs, les adjectifs physiques ou métaphysiques; les mots qui sans donner aucune notion précise de substance ou de modę, ne sont qu'une désignation, une indication, et n'excitent qu'une idée d'existence, tels que celui, celle, ceci, cela, etc. que les circonstances seules déterminent, et qui ne sont que des termes métaphysiques, propres à marquer de simples concepts, et les différentes vues de l'esprit.

Les Grammairiens peuvent avoir différens systèmes sur la nature et le nombre des pronoms. Peut-être, philosophiquement parlant, n'y a-t-il de vrai pronom que celui de la troisième personne, il, elle, eux, elles; car celui de la première marque uniquement celle qui parle, et celui de la seconde celle à qui l'on parle; indication assez superflue, puisqu'il est impossible de s'y méprendre. Le latin et le en usoient rarement, grec et ne se faisoient moins entendre; au lieu que le pronom de la troisième personne est absolument nécessaire dans toutes les langues, sans quoi on seroit obligé à une répétition insupportable de nom. Mais il ne s'agit pas aujourd'hui de changer la nomenclature ; entreprise inutile, peut-être impossible, et dont le succès n'opéreroit, pour l'art d'écrire, aucun avantage.

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On doit adopter pour la dénomination des mots, mon, ton, son, l'expression d'adjectif possessif, puisque ces mots se placent toujours avec le nom substantif, et ne peuvent, par conséquent, être appelés pronoms. C'est ce que MM. du Port-Royal insinuent à la

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