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fin de leur huitième chapitre. Mais on s'égareroit, si l'on suivoit la distinction proposée par M. Duclos du mot nôtre, adjectif possessif, lorsque l'on dit notre ami, et du même mot, pronom possessif, lorsqu'il est employé dans cette acception : Damis est votre ami, il est aussi le nôtre. Comment M. Duclos a-t-il pu penser que le même mot change ainsi de nature, suivant la place qu'il оссире dans la phrase? Il est clair qu'il se trouve une ellipse dans Ja seconde pensée, et que le mot ami est sous-entendu : il est aussi l'ami nôtre.

M. Duclos considère leur sous trois aspects; 1o. comme pronom personnel, lorsqu'il est le pluriel de lui; 2o. comme adjectif, dans cette acception: leurs biens; 3°. comme pronom dans celle-ci : le leur.

La première distinction est très-juste; la règle générale est de ne jamais mettre au pluriel le mot leur, lorsqu'il remplace le datîf à eux, à elles. C'est le caractère de ce mot, lorsqu'il n'est point adjectif possessif.

Mais on peut appliquer aux deux autres distinctions, l'observation que j'ai faite sur le mot nôtre. En effet, si je dis : J'ai perdu mon bien, mes amis m'ont secouru, et j'ai dissipé le leur; dans la troisième partie de ma phrase, je sous-entends le substaùtif bien, et je pense ainsi : J'ai dissipé le bien leur.

VAUGELAS

CHAPITRE X.

AUGELAS ayant fait l'observation dont il s'agit ici, en auroit trouvé la raison, s'il l'eût cherchée: MM. de P. R. en voulant la donner, n'y'ont pas mis assez de précision : le défaut vient de ce que le mot déterminer n'est pas défini. Ils ont senti qu'il ne vouloit pas dire restreindre, puisque l'article s'emploie également avec un nom commun, pris

universellement, particulièrement, ou singulièrement ; l'homme, les hommes; cependant ils se servent du mot d'étendue, qui suppose celui de restreindre.

Déterminer, en parlant de l'article à l'égard d'un nom appellatif, général ou commun, veut dire faire prendre ce nom substantivement et individuellement. Or l'usage ayant mis l'article à tous ces substantifs individualisés, pour qu'un substantif soit pris adjectivement dans une proposition, il n'y a qu'à supprimer l'article, sans rien mettre qui en tienne lieu.

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Animal, substantif par soi-même, mais n'ayant point l'article, est pris aussi adjectivement dans la première proposition, que raisonnable dans la seconde.

Par la même raison, un adjectif est pris substantivement, si l'on y met l'article. Par exemple : Le pauvre en sa cabane; pauvre, au moyen de l'article, est pris substantivement dans ce vers.

Le relatif doit toujours rappeler l'idée d'une personne ou d'une chose, d'un ou de plusieurs individus, l'homme qui, les hommes qui, et non pas l'idée d'un mode, d'un attribut, qui n'a point d'existence propre. Or tous les substantifs réels ou métaphysiques doivent avoir, pour être pris substantivement, un article, ou quelque autre prépositif, comme tout, chaque, quelque, ce, mon, ton, son, un deux, trois, etc. qui ne se joignent qu'à des substantifs. Le relatif ne peut donc jamais se mettre qu'après un nom ayant un article, ou quelque autre prépositif. Voilà tout le secret de la règle de Vaugelas.

MM. DU PORT-ROYAL et M. Duclos expliquent très-bien la règle de Vaugelas. Ce chapitre de la Grammaire raisonnée, est un modèle de logique et de netteté. Le lecteur après l'avoir étudié, doit se bien pénétrer de la définition que M. Duclos donne du mot déterminer. Elle est la clef de cette règle importante de notre langue.

MM. du Port-Royal ont omis deux exemples d'ellipses qui contiennent des prépositifs capables de suppléer à l'article. On s'exprime correctement dans cette phrase: Le Roi ne souffre point de courtisans qui lui cachent la vérité ; et dans celle-ci : Il est toujours accompagné de gens qui ont fort mauvaise mine. La raison de cette irrégularité apparente, est que le sens de la première phrase répond à ces mots : Le Roi ne souffre aucun courtisan, et celui de la seconde à ceux-ci : Il est accompagné de certaines gens.

Vaugelas, en parlant du vocatif, où le substantif n'a pas besoin d'article pour être suivi du pronom relatif, dit que cette façon de parler ne blesse point la règle générale, parce que l'article du vocatif, ô est sous-entendu.

O est une interjection, non un article. MM. du Port-Royal ont beaucoup mieux rendu raison de cette règle, en disant que les vocatifs sont déterminés par la nature même du vocatif. En effet, lorsqu'on appelle quelqu'un, lorsqu'on lui parle, lorsqu'on l'apostrophe, on prend son nom substantivement et individuelle

ment.

CHAPITRE X I.

NON-SEULEMENT ON-SEULEMENT une même préposition marque des rapports différens, ce qui paroît déja un défaut dans une langue; mais elle en marque d'opposés, ce qui paroît un vice; mais c'est aussi un avantage. Si chaque rapport d'une idée à une autre avoit sa préposition, le nombre en seroit infini, sans qu'il en résultât plus de précision. Qu'importe que la clarté naisse de la préposition seule, ou de son union avec les autres termes de la proposition? puisqu'il faut toujours que l'esprit réunisse à la fois tous les termes d'une proposition pour la concevoir. La préposition seule ne suffit pas pour déterminer les rapports; elle ne sert alors qu'à unir les deux termes; et le rapport entre eux est marqué par l'intelligence, par le sens total de la phrase.

Par exemple dans ces deux phrases, dont le sens est opposé, Louis a donné à Charles, Louis a ôté à Charles, la préposition à lie les deux termes de la proposition; mais Je vrai rapport quant à l'intelligence de la phrase, n'est pas marqué par à, il ne l'est que par le sens total.

A l'égard des rapports qui sont différens sans être opposés, combien la préposition de n'en a-t-elle pas !

1o. Elle sert à former des qualificatifs adjectifs; une étoffe d'écarlate. 2°. De est particule extractive; du pain, pars aliqua panis. 3°. De marque rapport d'appartenance, le livre de Charles. 4°. De s'emploie pour pendant ou durant: de jour, de nuit. 5°. Pour touchant, sur: parlons de cette affaire. 6o. Pour à cause : je suis charmé de sa for

tune. 7°. De sert à former des adverbes; de dessein prémédité.

Il est inutile de s'étendre davantage sur l'usage des prépositions, dont le lecteur peut aisément faire l'application.

Il est vrai, comme l'observe M. Duclos, qu'il faut, pour concevoir une proposition, réunir tous les termes qui la composent. Mais il ne s'ensuit pas que les prépositions ne déterminent point les rapports.

Dans les exemples proposés: Louis a donné à Charles, Louis a ôté à Charles, il est certain que Louis agit sur Charles, soit qu'il lui donne quelque chose, soit qu'il l'en prive ; le terme du rapport ne varie point; et la préposition seule indique ce rapport.

«La préposition, dit M. Dumarsais, supplée aux rapports qu'on > ne sauroit marquer ni en latin, ni en françois, par la place des

> mots".

Cette définition rentre dans le système par lequel le grammairien distingue les objets de nos pensées, des vues de notre esprit. En ne donnant à la préposition que la propriété de suppléer, on la met nécessairement dans la seconde classe de la grande division grammaticale.

Ne pourroit-on pas dire, au contraire, que, dans toutes les combinaisons de pensées, les rapports sont marqués par une préposition existante ou sous-entendue ? Dans ce cas, la préposition dont nous nous servons pour indiquer les rapports, appartient, comme le pensent MM. du Port-Royal, à l'objet de nos pensées.

Les auteurs de la Grammaire raisonnée pensent avec raison que les mots le dedans, le dehors, doivent être considérés comme des noms. Il est peut-être nécessaire d'indiquer la manière d'employer

ces mots.

En général, le dehors est un mot plus noble que le dedans. Le premier de ces mots se place élégamment dans une phrase, sur

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