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CHAPITRE V.

Des Genres.

COMME les noms adjectifs de leur nature conviennent à plusieurs, on a jugé à propos, pour rendre le discours moins confus, et aussi pour l'embellir par la variété des terminaisons, d'inventer dans les adjectifs une diversité selon les substantifs auxquels on les appliqueroit.

Or les hommes se sont premièrement considérés eux-mêmes; et ayant remarqué parmi eux une différence extrêmement considérable, qui est celle des deux sexes, ils ont jugé à propos de varier les mêmes noms adjectifs, y donnant diverses terminaisons, lorsqu'ils s'appliquoient aux hommes, ou lorsqu'ils s'appliquoient aux femmes; comme en disant, bonus vir, un bon homme; bona mulier, une bonne femme; et c'est ce qu'ils ont appelé genre masculin et genre féminin.

Mais il a fallu que cela ait passé plus avant. Car, comme ces mêmes adjectifs se pouvoient attribuer à d'autres qu'à des hommes ou à des femmes, ils ont été obligés de leur donner l'une ou l'autre des terminaisons qu'ils avoient inventées pour les hommes et pour les femmes: d'où il est arrivé que par

rapport aux hommes et aux femmes, ils ont distingué tous les autres noms substantifs en masculins et féminins: quelquefois par quelque sorte de raison, comme lorsque les offices d'hommes, rex, judex, philosophus, etc. (qui ne sont qu'improprement substantifs, comme nous avons dit) sont du masculin, parce qu'on sous-entend homo; et que les offices des femmes sont du féminin, comme mater, uxor, regina, etc. parce qu'on sous-entend mulier.

D'autres fois aussi par un pur caprice, et un usage sans raison; ce qui fait que cela varie selon les langues, et dans les mots même qu'une langue a empruntés d'une autre; comme arbor est du féminin en latin, et arbre du masculin en françois ; dens masculin en latin, et dent féminin en françois.

Quelquefois même cela a changé dans une même langue selon le temps; comme alvus étoit autrefois masculin en latin, selon Priscien, et depuis il est devenu féminin. Navire en françois étoit autrefois féminin, et depuis il est devenu masculin.

Cette variation d'usage a fait aussi qu'un même mot étant mis par les uns en un genre, et par les autres en l'autre, est demeuré douteux; comme hic finis, ou hæc finis en latin, comme comté et duché en françois.

Mais ce qu'on appelle genre commun,

n'est pas

si commun que les grammairiens s'imaginent; car il ne convient proprement qu'à quelques noms d'animaux, qui en grec et en latin se joignent à des adjectifs masculins et féminins, selon qu'on veut signifier le mâle et la femelle, comme bos, canis,

sus.

Les autres, qu'ils comprennent sous le nom de genre commun, ne sont proprement que des adjectifs qu'on prend pour substantifs, parce que d'ordinaire ils subsistent seuls dans le discours, et qu'ils n'ont pas de différentes terminaisons pour être joints aux divers genres, comme en ont victor et victrix, victorieux et victorieuse; rex et regina, roi et reine ; pistor et pistrix, boulanger et boulangère, etc.

On voit encore par-là que ce que les grammairiens appellent épicene, n'est point un genre séparé: car vulpes, quoiqu'il signifie également le mâle et la femelle d'un renard, est véritablement féminin dans le latin. Et de même une aigle est véritablement féminin dans le françois, parce que le genre masculin ou féminin dans un mot ne regarde pas proprement sa signification, mais le dit seulement de telle nature, qu'il se doive joindre à l'adjectif dans la terminaison masculine ou féminine. Ainsi en latin, custodia, des gardes, ou des prisonniers; vigilio, des sentinelles, etc. sont véri– tablement féminins, quoiqu'ils signifient des

hommes. Voilà ce qui est commun à toutes les langues, pour le regard des genres.

Les Grecs et les Latins ont encore inventé un troisième genre avec le masculin et féminin, qu'ils ont appelé neutre, comme n'étant ni de l'un ni de l'autre ce qu'ils n'ont pas regardé par la raison, comme ils eussent pu faire, en attribuant le neutre aux noms de choses qui n'avoient nul rapport au sexe masculin ou féminin, mais par fantaisie, et en suivant seulement certaines terminaisons.

CHAPITRE V I.

Des Cas et des Prépositions, en tant qu'il est nécessaire d'en parler pour entendre quelques Cas.

Si l'on considéroit toujours les choses séparément les unes des autres, on n'auroit donné aux noms que les deux changemens que nous venons de marquer; savoir, du nombre pour toutes sortes de noms, et du genre pour les adjectifs: mais, parce qu'on les regarde souvent avec les divers rapports qu'elles ont les unes aux autres, une des inventions dont on s'est servi en quelques langues pour marquer ces rapports, a été de donner encore aux noms diverses terminaisons, qu'ils ont appelées

des cas,
diverses chutes d'un même mot.

du látin cadere, tomber, comme étant les

Il est vrai que, de toutes les langues, il n'y a peut-être que la grecque et la latine qui aient proprement des cas dans les noms. Néanmoins, parce qu'aussi il y a peu de langues qui n'aient quelques sortes de cas dans les pronoms, et que sans cela on ne sauroit bien entendre la liaison du discours, qui s'appelle construction, il est presque nécessaire, pour apprendre quelque langue que ce soit, de savoir ce qu'on entend par ces cas : c'est pourquoi nous les expliquerons l'un après l'autre le plus clairement qu'il nous sera possible.

Du Nominatif.

La simple position du nom s'appelle le nominatif, qui n'est pas proprement un cas, mais la matière d'où se forment les cas par les divers changemens qu'on donne à cette première terminaison du nom. Son principal usage est d'être mis dans le discours avant tous les verbes, pour être le sujet de la proposition. Dominus regit me, le Seigneur me conduit. Deus exaudit me, Dieu m'écoute.

Du Vocatif.

Quand on nomme la personne à qui on parle, ou la chose à laquelle on s'adresse, comme si c'étoit

t

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