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rapport particulier, mais pour être joint à quelqu'une des particules qu'on appelle prépositions. Car comme les cinq premiers cas n'ont pas pu suffire pour marquer tous les rapports que les choses ont les unes aux autres, on a eu recours dans toutes les langues à un autre expédient, qui a été d'inventer de petits mots pour être mis avant les nonis, ce qui les a fait appeler prépositions; comme le rapport d'une chose en laquelle une autre est, s'exprime en latin parin, et en françois par dans: Vinum est in dolio, le vin est dans le muid. Or dans les langues qui ont des cas, on ne joint pas ces prépositions à la première forme du nom, qui est le nominatif, mais à quelqu'un des autres cas. Et en latin, quoiqu'il y en ait qu'on joigne à l'accusatif, amor erga Deum, amour envers Dieu, on a néanmoins inventé un cas particulier, qui est l'ablatif, pour y en joindre plusieurs autres, dont il est inséparable dans le sens : au lieu que l'accusatif en est souvent séparé, comme quand il est après un verbe actif ou avant un infinitif.

Ce cas, à proprement parler, ne se trouve point au plurier, où il n'y a jamais pour ce cas une terminaison différente de celle du datif. Mais parce que cela auroit brouillé l'analogie, de dire, par exemple, qu'une préposition gouverne l'ablatif au singulier, et le datif au plurier, on a mieux aimé dire

que ce nombre avoit aussi un ablatif, mais toujours semblable au datif.

C'est par cette même raison qu'il est utile de donner aussi un ablatif aux noms grecs, qui soit toujours semblable au datif, parce que cela conserve une plus grande analogie entre ces deux langues, qui s'apprennent ordinairement ensemble.

Et enfin, toutes les fois qu'en notre langue un nom est gouverné par une préposition quelle qu'elle soit: Il a été puni pour ses crimes; il a été amené par violence; il a passé par Rome; il est sans crime; il est allé chez son rapporteur; il est mort avant son père : nous pouvons dire qu'il est à l'ablatif, ce qui sert beaucoup pour bien s'exprimer en plusieurs difficultés touchant les

pronoms.

CHAPITRE VII.

Des Articles.

LA signification vague des noms communs et appellatifs, dont nous avons parlé ci-dessus, chap. IV, n'a pas seulement engagé à les mettre en deux sortes de nombres, au singulier et au plurier, pour la déterminer; elle a fait aussi que presque en toutes les langues on a inventé de certaines parti cules, appelées articles, qui en déterminent la si

gnification d'une autre manière, tant dans le singuque dans le plurier.

lier

Les Latins n'ont point d'article; ce qui a fait dire sans raison à Jule-César Scaliger, dans son livre des Causes de la Langue latine, que cette particule étoit inutile, quoiqu'elle soit très-utile pour rendre le discours plus net, et éviter plu sieurs ambiguités.

.

Les Grecs en ont un, ô,, Tò.

Les langues nouvelles en ont deux; l'un qu'on appelle défini, comme le, la, en françois; et l'autre indéfini, un, une.

Ces articles n'ont point proprement de cas, non plus que les noms. Mais ce qui fait que l'article le semble en avoir, c'est que le génitif et le datif se font toujours au plurier, et souvent au singulier, par une contraction des particules de et à, qui sont les marques de ces deux cas, avec le plurier les, et le singulier le. Car au plurier, qui est commun aux deux genres, on dit toujours au génitif des, par contraction de de les. Les rois, des rois, pour de les rois; et au datif aux pour à les, aux rois, pour à les rois, en ajoutant à la contraction le changement d'l en u, qui est fort commun en notre langue; comme quand de mal on fait maux, de altus, haut, de alnus, aune.

On se sert de la même contraction et du même changement d'l en u au génitif et au datif du singu

lier, aux noms masculins qui commencent par une consonne. Car on dit du pour de le, du roi, pour de le roi; au pour à le, au roi, pour à le roi. Dans tous les autres masculins qui commencent par une voyelle, et tous les féminins généralement, on laisse l'article comme il étoit au nominatif; et on ne fait qu'ajouter de 'pour le génitif, et à pour le datif. L'état, de l'état, à l'état. La vertu, de la vertu, à la vertu.

Quant à l'autre article, un et une, que nous avons appelé indéfini, on croit d'ordinaire qu'il n'a point de plurier. Et il est vrai qu'il n'en a point qui soit formé de lui-même ; car on ne dit pas, uns, unes, comme font les Espagnols, unos animales; mais je dis qu'il en a un pris d'un autre mot, qui est des avant les substantifs, des animaux ; ou de, quand l'adjectif précède, de beaux lits, etc. ou bien, ce qui est la même chose, je dis que la particule des ou de tient souvent au plurier le même lieu d'article indéfini, qu'un au singulier.

Ce qui me le persuade, est que dans tous les cas, hors le génitif, pour la raison que nous dirons dans la suite, par-tout où on met un au singulier, on doit mettre des au plurier, ou de avant les adjectifs.

Un crime si horrible mérite la mort.

Nominatif. Des crimes si horribles (ou) de si horribles crimes

méritent la mort.

Accusatif. Il a commis

Ablatif. Il est puni

Datif. Il a eu recours

{

{

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Genitif. Il est coupable de crimes horribles (ou) d'horribles

crimes.

Remarquez qu'on ajoute à, qui est la particule du datif, pour en faire le datif de cet article, tant au singulier, à un, qu'au plurier, à des; et qu'on ajoute aussi de, qui est la particule du génitif, pour en faire le génitif du singulier, savoir, d'un. Il est donc visible que, selon cette analogie, le génitif plurier devoit être formé de même, en ajoutant de à des ou de; mais qu'on ne l'a pas fait pour une raison qui fait la plupart des irrégularités des langues, qui est la cacophonie, ou mauvaise prononciation. Car de des, et encore plus de de, eût trop choqué l'oreille, et elle eût eu peine à souffrir qu'on eût dit: Il est accusé de des crimes horribles, ou, Il est accusé de de grands crimes. Et ainsi, sur la parole d'un ancien, Impetratum est à ratione, ut peccare suavitatis causá liceret. (1)

(1) On lit dans le texte de Cicéron, à consuetudine.

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