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sous la protection de la redoute no 1, derrière la Rivière-Sèche, où il arriva à cinq heures et demie (1). Tel fut le seul acte militaire de Don José María Chacon, et il ne fut entrepris vraisemblablement que dans l'espoir de faire accroire à l'ennemi qu'il s'était décidé à lui résister, et d'obtenir, par cette ruse de guerre, la capitulation, objet de ses désirs. Quant aux volontaires, armés à la onzième heure, et par conséquent sans chefs et sans organisation, après avoir accompagné les troupes espagnoles dans leur reconnaissance, sous la conduite du lieutenant Pio Ponte (2), ils ne jugèrent pas utile, à leur retraite, de se mettre avec elle sous le couvert des redoutes, et se répandirent en tirailleurs dans la campagne, pour harceler l'ennemi. Il n'y eut que les

(1) Voir à l'Appendice la dépêche de Chacon. - M. E.-L. Joseph (History of Trinidad, part. II, chap. XI, p. 191), avec une science militaire plus que suspecte, prétend que les troupes espagnoles ont dû se replier sur la redoute, pour ne pas être prises en flanc par l'ennemi. Il est évident au contraire que, forcé de longer la côte pour se rendre de Mucurapo au Port-d'Espagne, l'ennemi a constamment présenté le flanc gauche à une troupe qui aurait débouché de la vallée de Maraval ou de celle de Sainte-Anne.

(2) E.-L. Joseph, History of Trinidad, part. II, chap. XI. p. 194. Cet écrivain, qui ne perd jamais une occasion de flétrir ceux qu'il appelle les « républicains, » s'est plu à les représenter comme d'ignobles fanfarons qui n'auraient pris les armes que pour les voler; puis, avec sa naïveté ordinaire, il déclare ne pas comprendre pourquoi des hommes qui avaient fait preuve d'une bravoure féroce contre les Anglais dans les autres Antilles ont pu ètre aussi lâches à la Trinidad. Il néglige, toutefois, d'ajouter que ce furent ces mêmes « républicains » qui, neuf mois auparavant, bravèrent le capitaine Vaughan et toutes les forces de sa frégate.

navires français qui continuèrent à rester en corps avec les troupes espagnoles (1).

Les chasseurs allemands, qui formaient l'avant-garde des forces anglaises, gagnèrent sans opposition aucune les pentes douces des collines de Laventille, et s'établirent, infanterie et artillerie, sur des plateaux dominant la position des Espagnols, et la prenant à revers. L'arrière-garde du corps d'armée, de son côté, pénétra dans la ville sans être aussi le moindrement inquiétée, prenant encore à revers la redoute de la rade, et coupant toute communication entre cette redoute et celle de Laventille; et le centre s'établit dans la banlieue de la ville, pour en garder les approches. En même temps, les frégates et les corvettes de l'escadre se mirent à louvoyer dans la rade, prêtes à foudroyer la ville en cas de nécessité; il n'y eut, hélas ! à leur opposer, que le petit corsaire français le Patriote. Avant huit heures du soir, toutes les forces espagnoles se trouvèrent ainsi cernées. Ces dispositions prises, le général Abercromby, certain que sa proie ne pouvait plus lui échapper, envoya au gouverneur un officier parlementaire avec le message verbal suivant: Dites au gouverneur que je vois avec peine qu'il ne lui reste plus aucun espoir d'obtenir ce qu'il désire; que la supériorité incontestable de mes forces m'a rendu maître de la ville et m'a permis de cerner ses troupes par terre et par mer, de manière à leur enlever par la possession des hauteurs toute communication et tout secours; qu'avec des forces aussi inégales il n'y a pas de résistance

(1) Voir plus loin et à l'Appendice l'art. 1er de la capitulation.

possible et que, plutôt que de verser inutilement du sang, je lui demande de ne désigner un endroit où nous pourrons conférer ensemble, et lui offre la capitulation la plus honorable qui se puisse accorder à de bons et fidèles soldats qui, autrement, seraient sacrifiés (1). On ne saurait être plus courtois et plus habile à la fois.

Après deux longues journées d'anxiété, le gouverneur Chacon obtenait donc enfin ce qu'il avait toujours voulu: la capitulation de l'ile sans combat. Il réunit aussitôt en conseil de guerre le lieutenant gouverneur et les commandants des différents corps, pour délibérer sur la proposition du général anglais, et tous, vu la position alors désespérée des affaires, durent nécessairement opiner pour la capitulation. Puis eut lien une entrevue des deux chefs, dans laquelle on convint d'une suspension d'armes immédiate et d'une conférence le lendemain 18, à huit heures du matin, pour traiter de la capitulation. A l'heure convenue, le général Abercromby, l'amiral Harvey et le gouverneur Chacon se réunirent dans une maison de la ville (2), où les quinze articles suivants furent arrêtés et signés par eux :

1o Les officiers et troupes de Sa Majesté Catholique et de ses alliés (3) dans l'ile de la Trinidad se rendront prisonniers de guerre, et remettront les territoires, forts, édifices, armes, munitions de guerre, espèces,

(1) Voir à l'Appendice la dépêche de Chacon.

(2) Voir à l'Appendice la depêche de Chacon.

(3) Ces mots et de ses alliés dans l'ile, désignent évidemment les républicains » qui voulurent défendre le drapeau de l'Espagne,

effets, plans et magasins, avec inventaires exacts, appartenant à Sa Majesté Catholique, lesquels sont par ces présentes transférés à Sa Majesté Britannique en même titre de possession qu'ils ont appartenu jusqu'ici à Sadite Majesté Catholique.

2o Les troupes de Sa Majesté Catholique sortiront avec les honneurs de la guerre et déposeront leurs armes à la distance de trois cents pas des forts qu'elles occupent, ce 18 février, à cinq heures de l'aprèsmidi.

3o A tous les officiers et troupes susdits de Sa Majesté Catholique il est permis de garder leurs effets particuliers, et aux officiers il est permis de porter leur épée.

40 L'amiral Don Sebastian Ruiz de Apodaca, se trouvant à terre dans l'ile après avoir brûlé et abandonné ses vaisseaux, lui et les officiers, et les hommes appartenant à l'escadre qu'il commandait, seront compris dans la présente capitulation, aux mêmes termes concédés aux troupes de Sa Majesté Catholique.

5o Aussitôt que des navires pourront être convenablement obtenus pour ce service, les prisonniers seront transportés en Espagne, où ils demeureront prisonniers de guerre jusqu'à ce qu'ils soient échangés par cartel entre les deux nations, ou jusqu'à la paix, sous la condition bien expresse qu'ils ne serviront pas contre la Grande-Bretagne ou ses alliés jusqu'à ce qu'ils aient été échangés.

6o Comme parmi les troupes de Sa Majesté Catholique il y a des officiers dont les affaires particulières réclament leur présence sur différents points du conti

nent américain, il est accordé à ces officiers six mois, plus ou moins, pour se rendre sur parole à cesdits points, et, cette période écoulée, ils auront à s'en retourner en Europe; mais le nombre de ceux qui joui· ront de cette indulgence devant être limité, Son Excellence Don Chacon devra préalablement délivrer aux commandants britanniques une liste indiquant leurs noms, leurs rangs et les points où ils se rendent.

7o Les officiers de l'administration royale, à la livraison des magasins dont ils ont charge à ceux de ces officiers que les commandants britanniques peuvent nommer à leur place, recevront comme il est d'usage en pareil cas, des récepissés des officiers ainsi nommés pour recevoir les magasins.

80 Toute propriété particulière des habitants espagnols, aussi bien que celle de ceux qui peuvent avoir été naturalisés, leur est garantie.

90 Toutes les archives publiques seront conservées dans ceux de ces bureaux ou offices où elles se trouvent en ce moment (1); et tous les contrats et marchés conclus selon les lois espagnoles seront tenus pour obligatoires et valides par le gouvernement britannique.

10o Les fonctionnaires d'admininistration espagnols possédant des biens-fonds à la Trinidad ont la permission de rester dans l'ile en prêtant serment d'allégeance

(1) Elles sont toutes, ou presque toutes, devenues la proie des vers; depuis le gouvernement de Sir Ralph Woodford, aucune administration n'a voulu s'en occuper.

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