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il y eût eu quelques rixes particulières; tout cela n'est que trop naturel pour ne pas l'admettre, mais tout cela. ne saurait constituer une grave émeute »>< pendant laquelle des violences auraient été exercées ou contre les personnes ou contre les propriétés.

A la première séance du cabildo après le départ des Anglais (20 mai), « la position critique de l'île par suite de sa faiblesse défensive » fut prise en considération, et il fut décidé d'adresser une pétition au roi pour lui demander des forces qui missent la colonie « à l'abri des insultes des nations belligérantes; » des insultes pareilles à celle à laquelle elle a été exposée dans la nuit du 8 mai par les équipages des navires de guerre anglais et français » démontrant la nécessité d'y maintenir une forte garnison pour la conserver en paix et en tranquillité (1). A la séance du 17 octobre suivant fut produite une dépêche du principal secrétaire d'État de S. M. relative aux évènements des 8 et 9 mai (2). Cette pièce curieuse ne nous a malheureusement pas été conservée dans les archives du cabildo ; mais comme sa date ne peut êre que de peu de jours antérieure à celle de la déclaration de guerre de l'Espagne à l'Angleterre (5 octobre), il est à supposer qu'elle dut prémunir le gouverneur Chacon contre une prochaine attaque de l'île par les Anglais, précaution bien inutile, puisque tous les secours offerts avaient été déjà refusés et que les archives du cabildo, pendant les trois

(1) Meany, Abstract of the minutes of Cabildo, 1733-1813, ms., p. 162.

(2) Id., ibid., p. 166.

mois qui suivent, ne mentionnent aucune mesure qui indique la moindre préparation de résistance à

l'ennemi.

Les griefs de l'Espagne étaient nombreux; ils furent exposés dans un memorandum signé au palais de SanLorenzo. Les premiers, datant de son alliance avec l'Angleterre, étaient la conduite de l'amiral Hood à Toulon, le secret gardé à l'amiral espagnol lors de l'expédition en Corse, et le traité séparé conclu avec les États-Unis; les autres, datant de sa neutralité, étaient des insultes à ses vaisseaux, des saisies de munitions embarquées à sa destination, la conquête de postes menaçants pour elle en Amérique, des excitations au soulèvement de ses colonies, la violation des lois de douane dans ces colonies, celle du territoire espagnol sur les côtes de Galice et d'Alicante, et enfin « la conduite aussi insolente que scandaleuse du capitaine George Vaughan, commodore de l'Alarm, à l'île de la Trinidad, où il débarqua tambour battant, enseignes déployées, pour attaquer les Français et se venger d'offenses qu'il prétendait avoir reçues, troublant par la violation des droits de ma souveraineté la tranquillité des habitants de l'ile (1). » Il est digne de remarque que le ministre anglais Pitt, en répondant à ces accusations, garde le silence sur la conduite injustifiable du capitaine Vaughan.

Immédiatement après la déclaration de guerre, l'Espagne se préoccupa de mettre la Trinidad à l'abri d'un coup de main. La corvette Galgo y fut d'abord expé

(1) Voir le memorandum à l'Appendice.

diée avec quatre-vingt mille trois cent cinquante-cinq dollars en espèces, et des approvisionnements de bouche et de guerre; mais ce secours, intercepté par les Anglais dans la mer des Antilles, n'arriva pas à destination (1). Une escadre, équipée à Cadix à destination de Carthagène, eut aussi l'ordre de passer à la Trinidad et d'y débarquer ses troupes au cas où le gouverneur eût à craindre une attaque prochaine. Cette escadre, commandée par le contre-amiral Don Sebastian Ruiz de Apodaca, était forte de quatre vaisseaux de ligne et une frégate; les troupes qu'elle portait s'élevaient à sept cents hommes. Les quatre vaisseaux étaient le San-Vicente, de quatre-vingt-quatre canons, capitaine Don Geronimo Gonzales de Mendoza, portant pavillon amiral; le Gallardo, de soixante-quatorze canons, capitaine Don Gabriel Siundo; l'Arrogante, de soixante-quatorze canons, capitaine Don Rafael Rennazar, et le San-Damaso, de soixante-quatorze canons, capitaine Don José Jordan. La frégate était la Santa-Cecilia, de trente-six canons, capitaine Don Manuel Urtuzabel (2). Ces navires, vrais modèles d'architecture navale, partirent d'Espagne vers la fin de novembre, ce semble, et arrivèrent à la Trinidad à la fin de décembre ou dans les premiers jours de janvier. Don José María Chacon, usant de ses pouvoirs, retint l'escadre, qui alla s'embosser dans la baie de Chaguaramas, sous la protection d'une vieille redoute en demi-lune que l'amiral restaura et arma de

(1) State Papers relative to war against France, t. VI, 1798, App., p. 42.

(2) Id., ibid., App., p. 39.

vingt pièces de canon et trois mortiers (1). La troupe fut débarquée et se baraqua sur les terres basses des environs de la baie, d'où il lui était facile de se rendre par terre au Port-d'Espagne en cas de nécessité.

La présence de l'escadre espagnole à la Trinidad fut un baume pour les colons français menacés de retomber sous le joug qu'ils avaient fui dans les différentes îles conquises par l'Angleterre. « Si le roi m'envoie des secours, je ferai ce que je pourrai pour conserver cette colonie à sa couronne,» avait dit le gouverneur, en refusant l'assistance des troupes de Victor Hugues et de Jean-François, et cette parole, leur revenant à la mémoire, fit renaître leurs espérances. Ce secours était arrivé, enfin! et, avec lui, avec la garnison de l'île et avec sa milice, la colonie pouvait espérer de se défendre.

(1) Voir à l'Appendice la dépêche de l'amiral Harvey.

CHAPITRE XIII

CAPITULATION DE L'ILE

(1797)

Aussitôt après s'être emparé des établissements hollandais, et avoir pacifié ou conquis les îles françaises, sauf la Guadeloupe qui résista à toutes les attaques, le général Abercromby réunit ses forces disponibles à la Martinique pour ouvrir la campagne de 1797 contre les possessions de la nouvelle ennemie de l'Angleterre. Le premier point que le ministère lui avait donné l'ordre d'attaquer était la Trinidad, qu'il convoitait à cause de son étendue et de sa fertilité, et surtout à cause des facilités qu'offre à un grand commerce sa proximité du continent (1).

L'escadre expéditionnaire, commandée par le contreamiral Henry Harvey, était forte de vingt voiles et de près de neuf cents bouches à feu; elle se composait de sept vaisseaux de ligne, deux frégates, huit corvettes, une bombarde et deux transports. Les sept vaisseaux étaient le Prince of Wales, de cent canons, capitaine J. Harvey, portant pavillon amiral; la Bellona, de soixante

(1) Bryan Edwards, History of the war in the W. I., t. IV, chap. VII, p. 82.

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