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Hilaire Bégorrat (1777-1782); il ne fut apporté au Vénézuéla, probablement de la Trinidad, comme la canne à sucre [de Taïti, qu'en 1784 (1). Cette plante était cultivée dans les environs de la ville, dans les vallées qui l'avoisinent, et principalement sur les coteaux de Laventille. Cette culture est aujourd'hui abandonnée, bien que facile et n'exigeant pas une grande avance de fonds, par cette raison qu'elle ne prospère sous notre latitude qu'à des hauteurs de plusieurs milliers de pieds, que nous ne possédons pas. Les arbustes étaient plantés en damier à la distance de dix varas ou six pieds, et protégés des rayons du soleil par des arbres fruitiers aussi plantés en damier à une distance de vingt-quatre à trente pieds, selon le développement auquel ils parvenaient; les caféières étaient ainsi en même temps des vergers. De toutes les cultures coloniales, celle-ci était la plus engageante, et par son aspect riant,et par la précocité de son rapport. Pour dépouiller les graines de café de leur enveloppe charnue, on les soumettait à l'action d'un moulin à bras muni d'une grage ou râpe; lavées ensuite à grande eau, puis séchées au soleil, elles donnaient le café dit fin vert. Celui dit habitant s'obtenait par un autre procédé ; il était séché au soleil en cerise, c'est-à-dire avec son enveloppe charnue, puis il en était dépouillé au moyen du pilon (2).

Le cotonnier cultivé dans l'île était arborescent (gossypium arborescens), et de la variété à graine verte

(1) Baralt, Historia de Venezuela, t. I, App., p. 427. (2) Tradition.

dont la soie est longue et fine. Cette plante s'adapte admirablement à notre sol et à notre climat; mais sa culture est aujourd'hui abandonnée, parce que ses produits ne peuvent soutenir la concurrence du coton des États-Unis. Elle était cultivée principalement aux différents îlots des Bouches et du golfe; cette denrée a fait vivre bien des familles et a fait faire fortune à plusieurs de nos premiers colons (1).

Le cacaoyer, dont la culture avait commencé à renaître depuis une trentaine d'années, était, on l'a vu, le forastero (cacao Brasiliensis); il prospérait remarquablement dans la vallée de Maracas et dans la plaine qui s'étend de la rivière de Saint-Joseph à celle d'Aricagua. Aujourd'hui, il est planté dans la plupart des quartiers de l'île, et son produit, après le sucre, est heureusement redevenu la principale denrée de la colonie. Les arbres étaient plantés et cultivés comme ils le sont encore, c'est-à-dire en damier et à la distance de quatre varas ou douze pieds. Aussi sensibles à l'ardeur du soleil que les caféières, ils en étaient aussi protégés, non plus par des arbres fruitiers qui n'auraient pas pu les couvrir, mais par des bois de haute futaie, tels que l'anauco ou bois immortel écarlate (erythrina coccinea), et le bucare ou bois immortel ombreux (erythrina umbrosa). Le bois immortel est si nécessaire à leur protection, que les Espagnols l'ont surnommé la madre del cacao ou la mère du cacao. Ainsi abrités, ils donnent du fruit mûr. chaque mois, pendant neuf mois sur douze, en général depuis novembre jusqu'en juillet;

(1) De Verteuil, Trinidad, its Geography, etc., ch. VII, p. 267.

les deux plus fortes cueillettes se font en décembre et en juin, et c'est pour cette raison qu'on leur attribue deux récoltes par an, dont l'une dite de la Noël, et l'autre de la Saint-Jean. La préparation du cacao était aussi simple que bien entendue dépouillé des fèves vaines et des tripas ou pédoncules, il était mis en tas sur une cabane de grandes feuilles vertes et soigneusement recouvert des mêmes feuilles, de manière à empêcher toute évaporation. La pulpe sucrée qui l'enveloppe entrait alors en fermentation, et à la haute température qu'elle développait il était laissé à curtir ou cuire pendant trois jours entiers; l'effet de cette coction sur les fèves était de les ramollir, de les distendre et de les purger de leur âcreté. Après cette opération, il était étendu sur la terre, et lentement séché au soleil (1), puis livré aux agents de la Compagnie de Guipuzcoa, qui en avait le monopole, au prix fixe de vingt-sept sous de France la livre (2).

Le tabac (nicotiana tabacum) qui se cultivait était vraisemblablement originaire de l'ile, puisque c'est dans la petite ile voisine de Tabaco ou Tabac, aujourd'hui Tabago, que les Espagnols aperçurent cette plante pour la première fois. Il devait être semblable aux meilleures sortes produites aujourd'hui au Vénézuéla, car il fut renommé dès les premiers temps de la conquête espagnole. Ce fut probablement celui-là qui fut introduit à

(1) Tradition.

(2) Le Mort, Mémoire politiqué, ms. - C'est vingt-cinq cents, ou un quart de dollar, au change de cinq livres huit sous la piastre forte, alors établi entre les colonies françaises et espagnoles.

Londres, pour la première fois, par Sir Walter Ralegh, puisque son arni, Ben Johnson, le célèbre dans sa comédie « Every man in his humour » ou Chacun à sa guise (1). Les lois les plus rigoureuses en défendaient le commerce extérieur; il ne pouvait être exporté qu'en Espagne, où il était frappé de droits excessifs comme objet de gusto y vicio, c'est-à-dire de caprice et de fantaisie. Une ordonnance royale du 10 janvier 1777 ordonnait au fisc d'en tirer le meilleur parti possible pour « combler les vides des revenus ordinaires » de la métropole, et une autre ordonnance du 3 juillet 1784, réglementant l'établissement d'une factorerie royale à Porto-Rico, exigeait que tout le tabac de cette provenance passât au compte du roi, et que les fonctionnaires « prissent un soin tout particulier à empêcher qu'il ne se vendit à toute autre personne (2), » Il s'en faisait, néanmoins, un grand commerce illicite dans toutes les colonies espagnoles, sauf à la Trinidad, où il était presque entièrement consommé dans le pays (3). Cette culture est presque abandonnée de nos jours.

L'indigotier (indigofera anil), comme le tabac, semble être indigène; il croît spontanément dans tous les buissons et halliers, et tout le long de nos routes. Sa culture. n'était pas étendue; ses produits servaient aux besoins du pays et alimentaient un petit commerce interlope

(1) E.-L. Joseph, History of Trinidad, part. I, chap. XI, p. 83, note.

(2) Fr. Iñigo Abbad y Lasierra, Historia de Puerto-Rico, chap. XXVII, p. 317 et seq., notes,

(3) Tradition.

avec les Hollandais (1). Cette culture est depuis longtemps abandonnée. Il en existe encore des traces néanmoins, et, sur la rive droite de la rivière de Guanapo, on voit un ancien jeu de cuves en maçonnerie parfaitement conservée, pour la fabrication de l'indigo. Ces cuves, au nombre de quatre, sont construites sur des plans gradués, de manière à permettre, au moyen de robinets de décharge, le transvasement de la première dans la seconde, de la seconde dans la troisième, et de la troisième dans la quatrième. La première est la trempoire, où se macère et fermente la plante dans l'eau; la seconde, la batterie, où se désagrège le produit de cette fermentation, soit mécaniquement, soit à bras; la troisième, le reposoir, où se dépose le sédiment; et la quatrième, le bassinot, où se dessèche ce sédiment, qui est l'indigo du commerce (2).

Indépendamment de ces denrées diverses, le pays produisait en abondance les plantes alimentaires coloniales. Non seulement chaque esclave laboureur était tenu de cultiver un jardin, mais chaque planteur avait aussi le sien pour les besoins de sa maison. Chacun des nombreux bois neufs ou abattis de la forêt vierge de cette époque, si féconde en défrichements, donnait une ou plusieurs récoltes de maïs, bananes, etc., avant de recevoir les plants de la canne à sucre. Toutes les traces de cannes étaient plantées d'une rangée de bananiers ou d'une lisière de pois d'Angole. Tous les terrains où

(1) De Verteuil, Trinidad, its Geography, etc., chap. VII, p. 276. (2) Tradition.

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