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gine. De l'établissement de l'intendance royale en 1791 datent de notables changements dans la constitution de ce corps. Aux élections de la fin de cette année, le nombre de ses membres fut presque doublé; de six qu'il avait été primitivement, il fut porté à onze, à savoir les deux alcades en ordinario ou de service ordinaire, de première et de seconde élection, sous les ordres desquels étaient les alcades de barrio ou d'arrondissement; deux autres alcades de la Santa-Hermandad, ou Sainte-Confrérie (de l'Inquisition), dont l'un chargé de la police municipale, et l'autre des chemins et voies de communication; un procurador-síndico, ou procureur syndic ayant charge des affaires de la corporation et surveillance de ses intérêts; un regidor fiel executor, ou exécuteur des ordres des alcades; un alferez real, ou porte-bannière royale aux fêtes et cérémonies publiques, où le cabildo marchait en corps, et quatre regidores, ou officiers municipaux (1). D'importantes modifications furent aussi apportées alors dans la tenure de ces emplois; en vertu d'une ordonnance royale sur les intendances, mise en vigueur à la Trinidad, les deux alcades ne service ordinaire ne s'élurent plus que pour deux ans au lieu d'un seul, et les charges de régidor et de porte-bannière devinrent vénales et permanentes (2). Les seuls membres qui continuassent à être élus chaque année étaient les deux alcades de la Santa-Hermandad, le procureur syndic et l'exécuteur des ordres. Les al

(1) Voir les élections du cabildo pour l'année 1792 et les sui

vantes.

(2) Meany, Abstract of the minutes of Cabildo, 1733-1813, ms., p. 122.

cades de barrio étaient aussi soumis à l'élection annuelle. En récompense de la perte de son autorité, lilustre ayuntamiento del cabildo, ou illustre corporation du cabildo, voulait comme toujours gagner en dignité, et ses membres, jusqu'alors décorés d'un simple ruban au bras gauche, de couleur noire pour ses dignitaires et rouge pour les alcades de barrio (1), décidaient en 1792 de porter, à l'instar des cabildos de Mexico, de Lima et de la Havane, un uniforme consistant en un habit bleu à retroussis de peau de buffle, ornés chacun d'une balance en broderie d'or, comme symbole de la justice (2).

A toutes les lois de la métropole en vigueur aux colonies du Nouveau-Monde à la conquête de Don Antonio de Berrío y Oruña, était venu s'ajouter en 1681, sous le règne de Charles II, un code particulier, exclusivement destiné au gouvernement de ces colonies, sous le titre de Recopilacion de leyes de los reynos de las Indias, ou compilation des lois des royaumes des Indes. Ce code n'était, en effet, qu'un recueil de toutes les lois, cédules et ordonnances édictées depuis deux siècles pour l'Amérique, et réunies alors en corps d'ouvrage; de temps en temps, de nouvelles éditions, incorporant les dernières prescriptions légales, en étaient publiées. Ne formant pas, à lui seul, un système complet de législation, il s'amalgamait et se combinait avec tous les autres codes de la métropole, et de là naissaient de grandes con

(1) Meany, Abstract of the minutes of Cabildo, 1733-1813, ms., p. 96.

(2) Id., ibid., p. 124.

fusions et quelquefois même d'inextricables difficultés qu'avaient à trancher les audiences royales ou cours d'appel supérieures en Amérique (1). Pour les affaires commerciales, les lois en vigueur étaient celles de Bilbao, compilées en 1737, sous le règne de Philippe V (2). Toute cette législation, depuis les stipulations si libérales de la cédule royale de colonisation, s'appliquait tout aussi bien aux libres noirs et de couleur qu'aux blancs; les esclaves vivaient sous le régime du code noir de M. de la Forest, si justement renommé pour son humanité.

Les tribunaux où se rendait la justice ordinaire étaient ceux de primera instancia, ou première instance, de juridiction civile et de juridiction criminelle; ils étaient tous deux présidés par l'assesseur du gouverneur. Deux autres tribunaux, présidés par les alcades de première et de seconde élection, administraient la justice correctionnelle et instruisaient les causes criminelles renvoyées au tribunal supérieur de l'assesseur du gouverneur. La justice de paix était rendue par les huit alcades de barrio; chacun d'eux avait son tribunal dans son arrondissement. A la campagne, chaque commandant de quartier avait aussi son tribunal où il rendait la justice correctionnelle et la justice de paix. Indépendamment de ces divers tribunaux de justice ordinaire, il y avait le tribunal de l'intendant, qui connaissait de toutes les questions administratives et contentieuses, et celui

(1) Baralt, Historia de Venezuela, t. I, chap. xv, p. 301. (2) E.-L. Joseph, History of Trinidad, part. I, chap. XIV, P. 111.

du consulat, ou des affaires commerciales, présidé par un député consul (1), et dont les décisions étaient portées par devant le gouverneur comme juez de arribadas, ou juge d'appel (2). Les fonctionnaires d'ordre judiciaire étaient trois escribanos de gobierno, ou greffiers (3); un taxador y contador judicial (4), ou caissier-taxateur des frais de justice; un alguazil-mayor (5), ou huissier en chef, et un regidor y depositario general (6), ou dépositaire-administrateur des fonds appartenant aux mineurs. La profession légale était exercée par un avocat d'audience royale (7), trois notaires pour les Indes (8), cinq escribanos públicos (9) ou notaires publics, et deux procuradores del número (10), procureurs-avoués non surnuméraires. Parmi ces légistes deux étaient rétribués par l'administration, l'un comme defensor de los ausentos (11), ou défenseur des absents, et l'autre comme procurador de los pobres (12), ou procureur des pauvres. Deux des regidores du cabildo exerçaient aussi les

(1) Toutes ces cours de justice subsistèrent longtemps encore après la prise de l'île par les Anglais.

(2) Meany, Abstract of the minutes of Cabildo, 1733-1813, mis., p. 151.

(3) Id., ibid., pp. 93 et 121.
(4) Id., ibid., pp. 112 et 122.
(5) Id., ibid., pp. 90 et 93.
(6) Id., ibid., pp. 99 et 106.
(7) Id., ibid., p. 120.

(8) Id., ibid., pp. 118 et 121.

(9) Id., ibid., pp. 95, 98, 114, 121 et 164.

(10) Id., ibid., pp. 151 et 167.

(11) Id., ibid., p. 120.

(12) Id., ibid., pp. 142 et 168.

fonctions de padres de los minores y huérfanos (1), ou pères des mineurs et orphelins. Cette protection accordée à l'absence et à la faiblesse fait honneur au gouvernement paternel des Espagnols.

Un dernier tribunal que nous avons vu s'établir dès les premiers temps de la conquête, le tribunal ecclésiastique, complétait l'organisation judiciaire de la colonie. D'abord institué dans le Nouveau-Monde pour maintenir la discipline ecclésiastique et réprimer l'hérésie, ce tribunal avait insensiblement empiété sur les tribunaux ordinaires, et non seulement les affaires civiles et même criminelles du clergé et des corps religieux étaient tombées sous sa compétence, mais encore celles des laïques dans leurs relations avec le clergé et les corps religieux. Pour le ramener dans les limites de sa juridiction, une cédule royale du 22 mars 1789 lui avait enlevé, pour l'attribuer aux justicias reales, ou tribunaux royaux, la connaissance des demandes formées contre les laïques en recouvrement de capellanias y obras pias, ou bénéfices et œuvres pies (2). A la Trinidad, il était présidé par la plus haute autorité ecclésiastique de l'île, le vicaire général, qui tenait ses pouvoirs de l'évêque de la Guyane depuis que cette province, érigée en évêché en 1790, sous le pontificat de Pie VI, comprenait cette île dans sa juridiction spirituelle (3). Le siège de cet évêché était

(1) Meany, Abstract of the minutes of Cabildo, 1733-1813, ms., pp. 142, 158 et 168.

(2) Id., ibid., p. 140.

(3) Blanco, Documentos para la historia del Libertador, t. I no 176, p. 225.

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