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mal conçue et formulée (1); elle témoigne du peu de valeur qu'on doit attacher aux colons anglais de la Grenade à cette époque. Elle témoigne surtout de leur haine invétérée pour les anciens possesseurs de l'île, et à ce titre, mais à ce titre seulement, elle mérite d'être conservée comme document historique.

Le premier écrivain qui s'en est servi contre la population française de la Trinidad est le colonel Draper (Address to the British public on the Case of Brigadier-General Picton, Londres, 1806). Pour excuser les cruautés et abus de pouvoir reprochés au gouverneur anglais, l'auteur représente la colonie à la capitulation comme peuplée de brigands et de malfaiteurs, et cite à l'appui de la loi un mémoire d'un ancien fonctionnaire espagnol, Don Christóbal de Robles (2), adressé au gouverneur Picton, où il est dit que la population de l'île est «< en grande partie composée de réfugiés et de gens dangereux (desperate characters), dont les principes sont incompatibles avec tout gouvernement régulier. » Mais ici, on le voit, il n'est plus question ni de débiteurs frauduleux, ni de voleurs d'esclaves. Le mémoire de Don Christóbal de Robles est purement politique; en bon Espagnol de son époque, le supplice de Louis XVI lui avait tourné la tête, et la révolution. de Gual et España (1798) avait achevé d'égarer ses esprits. Son optique troublée lui faisait voir des révolutionnaires à principes incompatibles avec tout bon gouvernement dans tous les réfugiés français et vénézuéliens qui arrivèrent dans l'île à la suite de ces graves évènements; pour lui « les pions espagnols ou gens de couleur » ne sont qu'« un tas de vagabonds» (a set of vagabonds), Le gouverneur Picton, dont

(1) E.-L. Joseph, History of Trinidad, part. II, ch. vIII, 'p. 167, note.

(2) Don Christoval de Robles' recommendation, p. 36,

la mission politique à la Trinidad était de favoriser l'indépendance du Vénézuéla, et même d'y aider au besoin, dut bien rire dans sa barbe de la peur du trop timide Espagnol. Quant au colonel Draper, il faut bien l'excuser d'avoir essayé de tirer le meilleur parti possible de ces deux documents, puisque son écrit est un plaidoyer en faveur du général Picton.

Le second écrivain qui, comme le précédent, calomnie la colonisation française de l'ile, est le continuateur de Bryan, Edwards (History of the British West Indies, Londres, 1819); nous traduisons son texte anglais :

« Par un ordre du conseil des Indes publié en 1783, tous les étrangers professant la religion catholique romaine furent invités à s'établir dans la colonie, et de nombreux avantages furent accordés à ceux qui acceptèrent l'invitation. Le conseil avait tant à cœur d'atteindre son but, qu'il alla jusqu'à couvrir de son bouclier protecteur toutes sortes de fraudes et de bassesses commerciales. Il garantit pendant cinq ans tous les nouveaux colons contre les poursuites et les tracasseries pour les dettes qu'ils avaient contractées dans le pays d'où ils venaient. Ce privilège étonnant et certainement immoral eut l'effet désiré. Il amena à la Trinidad quantité d'hommes enrichis aux dépens de leur probité et des biens de leurs créanciers ou de leurs patrons, et qui furent enchantés de trouver un refuge où ils pussent jouir à leur aise des dépouilles qu'ils avaient enlevées (1). »

Or, il est avéré que l'ordre du conseil des Indes de 1783, autrement dit la cédule royale de colonisation, ne contient aucune clause par laquelle les nouveaux colons sont mis à l'abri des poursuites et des tracasseries» de leurs créanciers, et que les flots de l'éloquente indignation de l'auteur

(1) Description of British colonies, Trinidad, vol. iv, p. 299,

ont été répandus en pure perte. Mais que penser de la maladresse de la citation? Que l'auteur, ignorant l'espagnol, ou n'ayant pas réussi à se procurer le texte de la cédule royale, s'est vraisemblablement appuyé sur la loi perfide de la Grenade, et a vu des « débiteurs frauduleux » là où il ne s'en trouve pas. Il nous répugnerait de lui prêter un procédé plus malhonnête.

Le troisième écrivain, enfin, le plus ardent à dénoncer la honte de la colonisation française de l'île, est M. E.-L. Joseph (History of Trinidad, Port of Spain, 1840). Pour éviter l'écueil sur lequel a échoué le continuateur de Bryan Edwards, et mieux étayer la loi de la Grenade, il invente une ordonnance du gouverneur Chacon, laquelle personne, pas même lui, n'a jamais vue, et qui serait comme un erratum à la cédule royale, par laquelle les nouveaux colons auraient été mis à l'abri des poursuites de leurs créanciers à l'étranger pendant les cinq premières années de leur établissement à la Trinidad. Et afin d'approprier le mémoire de Don Christóbal de Robles à la flétrissure des seuls colons français de l'île, il a le soin d'en retrancher tout ce qui a rapport aux réfugiés vénézuéliens (1). La cédule ainsi corrigée et le mémoire arrangé, il lance sa diatribe, dont nous traduisons les principaux passages:

« La méthode originale employée pour la colonisation de la Trinidad eut un plein succès sous le rapport du repeuplement de l'île; mais elle n'y amena pas une population sur la fidélité de laquelle pût compter son roi d'adoption.

<< Cette méthode d'attirer de la population eut encore un autre défaut : elle fit de cette île le refuge de tous les malfaiteurs des Antilles.

«De plus, le règlement en question, qui mettait les per

(1) Part. II, ch. VIII, pp. 165 et 167.

sonnes endettées à l'étranger à l'abri des poursuites à la Trínidad, était malavisé; il amena dans cette île à peu près tous les banqueroutiers de cette partie du monde, banqueroutiers parmi lesquels beaucoup, pour la première fois de leur vie, firent alors profession de la religion catholique romaine: ce ne fut probablement qu'en ce moment qu'ils songèrent à se choisir une religion.

« Il y a en Australie des milliers d'exemples de criminels réformés devenus de respectables colons, mais bien peu d'exemples, je crois, de débiteurs frauduleux devenus des membres honorables de la société. >>

Nous ignorons si les criminels ordinaires sont plus susceptibles de venir à résipiscence que les débiteurs frauduleux; mais nous savons que le malheureux qui se rend coupable de fabrication et d'altération de documents historiques, dans le but de blesser gratuitement l'honneur d'une population au milieu de laquelle il a passé la plus grande partie de sa vie, est et demeure le dernier des homines. Le seul esprit de nationalité, à quelque exagération qu'on veuille le porter, ne saurait donner l'explication d'un si grand forfait. Il faut que celui qui s'en rend coupable soit venu au monde avec une âme vile, ou qu'il ait perdu le sentiment de l'honneur dans les arrière-boutiques des grandes villes d'Europe.

VI.

(Meany, Abstract of the minutes of Cabildo, 1733-1813, ms.,
p. 98 et seq.)

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January 18th 1787. His Excellency the Governor stated to the Board the necessity of giving another direction to the waters of the River Tragarete (Sainte-Anne) which run

through an irregular tortuous bed on the west side of the Town of Port of Spain, in order to give a proper extension to the projected Town on that side; that the king will advance the necessary sums of money to pay the labour of 638 black slaves and 405 free coloured who inhabit the Town, agreeable to the Register, and who will be devided into proper corvées under the direction of the Engineer-in-Chief Don José del Pozo, and that it was meet that the cabildo should name a Committee from among its members to aid and assist the said Officer of Engineer towards the perfection and quickness of the work, and to report from time to time the state of the same to the Board.

VII.

(Free Mulatto, Address to Earl Bathurst, p. 8.)

He (Don Martin de Salaverría) was succeded by Don Josef Maria Chacon, the period of whose administration was the golden age of Trinidad! Commerce flourished, justice poised an equal scale, and prejudice was driven to skulk in the dark abodes of a few illiberal earth-born breasts. His ear was open to every complaint, his arm extended for the support of every feeble petitioner! He long since has mouldered in the dust; but if the fervent prayers of a grateful people can aught avail, the sod lies gently on him.

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