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pressèrent de se rendre dans cette province pour y choisir des sites convenables à leurs fondations. Mais ce premier effort n'eut aucun succès; à peine se furentils rendus sur les lieux, que l'un d'eux, le révérend père Angel de Matarol, tomba tout à coup malade, et rendit le dernier soupir, le 8 novembre 1682. Ce malheur paralysa pour le moment l'œuvre des missions; réduits à deux, les religieux se virent forcés d'abandonner la province et de revenir à la Trinidad (1),

De retour auprès du gouverneur, le révérend père Pablo de Blanes, plein de zèle évangélique, entreprit de se rendre en Espagne afin d'y solliciter pour la Trinidad et la Guyane l'établissement de missions semblables à celles de Cumaná. Il partit l'année suivante et alla s'embarquer à Cumaná, accompagné du frère Angel de Llavaneras, que lui permit de prendre avec lui son préfet. Arrivés à la Havane, un second malheur semblable au premier faillit compromettre encore l'œuvre des missions le révérend père Pablo de Blanes y tomba malade, et y mourut le 20 juillet 1683. Le digne frère Angel de Llavaneras, heureusement, ne se découragea pas; après avoir rendu les derniers devoirs à son compagnon, il se munit de ses papiers et continua son voyage. Aussitôt arrivé à Barcelone, il entreprit les démarches nécessaires, et après trois longues années de négociations il eut la joie de voir le roi Charles II donner enfin son approbation aux nouvelles missions de la Trinidad et de la Guyane. La province de Catalogne en désigna immédiatement le personnel; il se com

(1) P. Balme, Definicion de la provincia de Cataluña, notes ms.

posait de sept pères et de trois frères capucins, savoir :

1o Le révérend père frère Tomás de Lupian; 2o Le révérend père frère Gabriel de Barcelona; 3o Le révérend père frère José de Ezeba ; 4o Le révérend père frère Pedro de Aneto; 5o Le révérend père frère Arcangel de Barcelona; 6o Le révérend père frère Basilio de Barcelona; 7o Le révérend père frère Felix de Mosset; 8o Le frère Sylvestre de Montargull;

9o Le frère Gil de Villamayor;

10o Le frère Angel de Llavaneras (1).

Les missionnaires quittèrent l'Espagne le 20 juin 1687. Le voyage fut heureux; le 9 août suivant, cinquante jours après leur départ, et malgré une relâche de plucieurs jours aux îles Canaries, on découvrit la terre, et le 16 du même mois, on mouilla à la Punta-delGallo, où l'on séjourna jusqu'au 22. Le 25, on arriva à Puerto-de-los-Hispanioles, et le lendemain on remonta en pirogues la rivière de Caroni, alors appelée Aripo, jusqu'à Porto-Grande, où l'on arriva le 27. Un nouveau gouverneur, Don Sebastian de Roseta, porteur des instructions de la cour d'Espagne pour l'avancement des nouvelles missions, avait accompagné les religieux; il succédait à Don Diego Suarez Ponce de Léon, qui lui-même avait remplacé depuis peu le premier gouverneur particulier de l'île, Don Tiburcio de Aspe y Zuñiga. Ils couchèrent tous à Porto-Grande, et le len

(1) P. Balme, Definicion de la provincia de Cataluña, notes ms.

demain ils se rendirent à San-José de Oruña, où ils furent reçus avec pompe; à l'église, le révérend père Gabriel de Barcelona entonna le Te Deum et chanta la grand'messe. L'office terminé, les religieux allèrent chercher un logement au couvent de San-Antonio. Deux religieux observantins en formaient toute la communauté; l'un d'eux, le révérend père Francisco de Ribera, en était le gardien. Tous ces religieux, pendant plus d'un mois qu'ils passèrent à la ville pour se reposer et prendre langue, durent se contenter des trois seules petites cellules qu'ils y trouvèrent; la chapelle était sans portes, ses murailles de tapia ou torchis, et ses vases sacrés de cuivre (1). Telle était la pauvreté de ce couvent.

Sur ces entrefaites, arrivèrent à San-José de Oruña deux autres religieux capucins catalans qui se joignirent aux premiers le révérend père Tomás de Barcelona, depuis six ans dans les missions de Cumaná, et le frère Ramon de Figuerola, l'ancien compagnon de nos deux premiers missionnaires, les révérends pères Angel de Matarol et Pablo de Blanes. Ainsi portés au nombre de douze, ils tinrent chapitre dans la petite église du couvent, et en présence de l'ancien et du nouveau gouverneur, du clergé et des principaux habitants de la ville, ils élurent préfet le révérend père Tomás de Barcelona. Cette élection faite, ils eurent à s'occuper tout d'abord des encomiendas ou commanderies établies dans l'île. Elles étaient au nombre de trois, savoir: celle d'Aricagua, à une lieue à l'ouest de la ville, et

(1) P. Balme, Definicion de la provincia de Cataluña, notes ms.

celles de Tacarigua et d'Arauca, la première à une lieue et la seconde à deux lieues à l'est. Une cédule royale, à la date du 6 mars 1687, voulait que ces villages d'Indiens idolâtres, payant tribut de capitation, fussent transformés en missions; elle affranchissait de tout tribut les Indiens de ces missions pendant vingt ans à compter du jour de leur conversion à la foi catholique, n'autorisait leur travail dans les plantations des Espagnols que sous l'expresse condition de leur libre consentement, et confirmait l'abolition des repartimientos ou distributions, depuis longtemps édictées (1). Les religieux désignés pour opérer cette transformation furent pour Aricagua, le révérend père Felix de Mosset et le frère Gil de Villamayor; pour Tacarigua, les révérends pères José de Ezeba et Pedro de Aneto; et pour Arauca, les révérends pères Gabriel de Barcelona et Tomás de Lupian (2).

Ce fut le 13 octobre suivant que partirent les religieux au nombre de trois, savoir le révérend père préfet, le révérend père Arcangel de Barcelona et le frère Angel de Llavaneras, pour aller à la recherche de sites propices à l'établissement des missions. Ils s'embarquèrent dans des pirogues, accompagnés de l'assor ou juge, du contador ou trésorier, de plusieurs Espagnols éminents de la ville et d'un guide indien, et furent conduits à une petite baie au sud de l'embouchure de la rivière de Guaracara. Là ils mirent pied à terre le 15, et dé

(1) Blanco, Documentos pa la historia del Libertador, t. I, § rv, n° 254, p. 451.

(2) P. Balme, Definicion de la provincia de Cataluña, notes ms.

pêchérent le guide aux capitaines indiens pour annoncer leur visite. Dans l'après-midi du même jour, ils arrivérent à une grande savane naturelle où ils trouvèrent les chefs des Indiens réunis au nombre de plus de cent. cinquante. Le juge, prenant aussitôt la parole, leur expliqua le but de la visite des religieux; il leur fit comprendre que l'intention du roi d'Espagne, au nom de qui ils agissaient, était qu'ils restassent libres, mais qu'ils fussent instruits dans la foi catholique, et que pour cela ils eussent la faculté de se grouper, comme les Espagnols, dans les grands centres de population. Ces explications ayant été favorablement accueillies, on s'occupa dès le lendemain matin, 16, du site de la mission; l'emplacement de l'église y fut déterminé, et sur cet emplacement fut élevé provisoirement une baraque dédiée à la Anunciacion ou Annonciation de Nazareth. Ce site est l'emplacement actuel du bourg de SavanaGrande ou Grande-Savane. Deux jours après, le 18, on se rembarqua pour aller chercher le site d'une seconde mission, et on aborda dans le port voisin de Guairia, aujourd'hui Naparima, au pied de la montagne isolée de ce nom, et sur le bord de la mer, pour en faire la mission principale. Sur l'emplacement assigné à son église, on construisit aussi une baraque provisoire dédiée à la Purísima Concepcion ou Immaculée-Conception de Notre-Dame. Ce site est l'emplacement de la ville actuelle de San-Fernando (1).

Un mois après, vers le milieu de novembre, les religieux se mirent encore en voyage à la recherche de

(1) P. Balme, Definicion de la provincia de Cataluña, notes ms.

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