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décadence, il se préoccupa du sort de ses deux nouveaux établissements de la Trinidad et de la Guyane. Il les unit à la province de Cumaná, déjà mieux colonisée qu'eux, et en état de veiller à leur administration, et de les protéger contre les agressions étrangères. De ces trois tronçons se forma le gouvernement dit de la Nouvelle-Andalousie (1), nom par lequel avait été désigné, dans les cartes marines du trop célèbre Amerigo Vespucci, le territoire continental dont il avait visité les côtes en compagnie d'Alonso de Ojeda, en 1499. Ge nouveau gouvernement fut, comme les différentes provinces dont il avait été formé, placé sous la juridiction de Santa-Fé de Bogota, et eut pour chef-lieu la ville de Cumaná. La date de sa formation nous est restée inconnue, par suite de la destruction de ses archives; mais nous croyons pouvoir la placer dans les premières années qui suivent la mort de don Fernando de Berrío. C'est à cette époque, en effet, que, dans les chroniques espagnoles, se perdent les noms des gouverneurs particuliers de l'île et de la Guyane, et ne se conservent que ceux des capitaines généraux et conquistadores de la Nouvelle-Andalousie jusqu'en 1640; pendant cette période de quinze à dix-huit ans, il y a apparence qu'ils étaient représentés à San-José de Oruña et à SantoTomé de Guayana par des lieutenants dont les noms ne nous ont pas été conservés. Nous n'avons pu retrouver que ceux des capitaines généraux de Cumaná, à savoir : Don Juan de Dios Valdez, provisoirement; Don Luis de

(1) Fr. A. Caulin, Historia de la Nueva-Andalucia, 1. II, ch. II, p. 108.

Monsalve, jusqu'en 1632, et don Diego Lopez de Escobar ou Ficobar, jusqu'en 1640 (1).

Mais, pour l'avancement de la colonisation de ces dernières conquêtes, des mesures administratives et militaires ne pouvaient être qu'inefficaces. Le repeuplement de ces territoires par les étrangers, puisque les Espagnols ne pouvaient pas suffire à cette tâche, était le seul moyen à employer, mais il était inacceptable. Depuis la mort d'Isabelle la Catholique, la théorie grecque de la fondation des colonies en vue de l'avantage exclusif des métropoles avait prévalu dans les conseils de l'Espagne, et les étrangers avaient été sévèrement exclus de ses établissements transatlantiques. Par suite de la donation du pape Alexandre VI, le Nouveau-Monde tout entier n'avait été considéré que comme une propriété de la couronne, à laquelle nul n'avait le droit de toucher, et qui ne pouvait être utilisée que pour son usage particulier. Tout commerce autre que celui des productions espagnoles y était strictement prohibé; aux seuls Espagnols était réservée la faculté d'y trafiquer. L'exclusion des étrangers y était rigoureuse, à ce point que les équipages de leurs navires qui faisaient naufrage sur les côtes étaient tenus pour pirates, et traités comme tels (2). Le dépeuplement dans lequel se maintinrent les colonies, et leur ouverture à un vaste système de contrebande, furent les conséquences de ce régime exclusif.

Le commerce illicite, en se développant à mesure

(1) Thompson's Alcedo's Dictionary, art. Guayana.
(2) Baralt, Historia de Venezuela, t. I, ch. xvIII, p. 356.

que s'épuisaient les manufactures de la métropole, avait attiré dans le Nouveau-Monde de nombreux trafiquants et aventuriers étrangers. Déjà on a vu que, depuis longtemps, les Français, les Anglais et les Hollandais, armés en corsaires, parcouraient les côtes du continent sud américain, la mer des Antilles, le golfe de Paria et les rives de l'Orénoque, pour intercepter le commerce espagnol; nous les verrons maintenant, enhardis par le succès et par le nombre, entreprendre de fonder aussi des établissements permanents dans les îles et sur les côtes de la Guyane. Ces établissements leur étaient devenus indispensables comme entrepôts aux produits étrangers, et comme ports de ravitaillement et lieux de ralliement dans les guerres incessantes contre la marine espagnole. Peu soucieux, d'ailleurs, des libéralités papales, les étrangers tenaient à profiter de la faiblesse dans laquelle était tombée l'Espagne pour lui disputer les territoires et le commerce du Nouveau-Monde, et recueillir aussi leur part de ses richesses.

Ce fut d'abord sur les territoires non occupés par les Espagnols qu'ils s'établirent. En 1625, pendant la guerre de Trente ans, les Français et les Anglais, par une bizarre coïncidence, débarquent le même jour sur deux points opposés de la côte de la petite île de SaintChristophe, aujourd'hui Saint-Kitts, les premiers sous la conduite d'un gentilhomme du nom de d'Enambuc, et les seconds sous le commandement de sir Thomas Warner. L'île, comme tout le reste des petites Antilles, sauf la Trinidad, n'était encore habitée que par les Caraïbes. Au lieu de se quereller et de s'en disputer la

possession, les deux commandants conviennent avec sagesse de se la partager amicalement et de rester unis, quand même les métropoles se feraient la guerre en Europe. Cette convention signée, chacun s'établit de son côté, et, tantôt ensemble, tantôt séparément, se mit en guerre contre les naturels, dont les déprédations nocturnes portaient le trouble dans les deux établissements. Les Indiens, une fois soumis ou chassés dans les îles voisines, le commandant français d'Enambuc entreprend d'établir de nouvelles colonies dans les Antilles. Il charge un de ses lieutenants, le sieur d'Olive, de visiter les îles encore au pouvoir de leurs naturels, et d'en négocier la cession aux Français, et, sur le rapport favorable qu'il en reçoit, fait occuper la Guadeloupe et la Martinique dans les années suivantes (1).

Après leur établissement à Saint-Christophe, les Anglais se mettent aussi à fonder de nouvelles colonies dans les Antilles. Indépendamment de la Barbade, que le roi Jacques ler se croit en droit de céder au comte de Marlborough, dès 1625, sous le prétexte qu'elle avait été découverte par ses marins, ils occupent, en 1628, les deux petites îles de Las Nieves, nom; aujourd'hui corrompu en Nevio, et de la Barbuda. L'année suivante, 1629, ils s'établissent aussi dans l'ile de la NouvelleProvidence, une des Lucayes, et, trois ans plus tard, en 1632, dans celles d'Antigua et de Monserrate (2). Ces diverses îles étaient, comme Saint-Christophe, ha

(1) P. Dutertre, Histoire générale des Antilles, t. II, table. (2) M. Martin, History of the British Colonies, t. II, passim.

bitées par les Caraïbes, qu'ils eurent à déloger pour en prendre possession.

Pendant que les Français et les Anglais prenaient position dans la mer des Antilles, les Hollandais, de leur côté, après s'être établis dans la Guyane, sur les bords de l'Essequibo, du Berbice et du Démérary, et même au Brésil, avaient jugé nécessaire, pour les besoins de leur commerce interlope, de posséder aussi une île de l'archipel. Il leur fallait, d'ailleurs, de même qu'aux deux autres nations, des stations maritimes aux Antilles. Dans ce but, ils occupent, en 1632, l'ile de Tabago, la plus voisine de la Trinidad, dont les naturels n'avaient pas encore été inquiétés. Ce fut une compagnie de marchands de Flessingue qui vint s'y établir; elle y fonde, avec deux cents Zélandais, une colonie à laquelle elle donne le nom de NouveauWalcheren (1).

Ainsi attaqués par tous les étrangers à la fois, les Espagnols, bien que déchus de leur puissance passée, ne se laissèrent pas impunément arracher leurs territoires. Spectateurs indignés du pillage de biens dont ils se croyaient les légitimes propriétaires, ils combattirent avec acharnement ceux qui les en dépouillaient. A peine ceux-ci s'établissaient-ils sur un point, que la colonie naissante avait à compter sur les revendications armées des propriétaires titulaires. C'est ainsi que, dès 1630, on voit arriver à Saint-Domingue une flotte de quinze frégates sous le commandement de l'amiral Frédéric de Tolède, et vingt-quatre transports pour

(1) Bryan Edwards, History of the B. W. Indies, t. IV, p. 277.

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