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vingt pièces de canon et trois mortiers (1). La troupe fut débarquée et se baraqua sur les terres basses des environs de la baie, d'où il lui était facile de se rendre par terre au Port-d'Espagne en cas de nécessité.

La présence de l'escadre espagnole à la Trinidad fut un baume pour les colons français menacés de retomber sous le joug qu'ils avaient fui dans les différentes îles conquises par l'Angleterre: «Si le roi m'envoie des secours, je ferai ce que je pourrai pour conserver cette colonie à sa couronne, » avait dit le gouverneur, en refusant l'assistance des troupes de Victor Hugues et de Jean-François, et cette parole, leur revenant à la mémoire, fit renaître leurs espérances. Ce secours était arrivé, enfin! et, avec lui, avec la garnison de l'île et avec sa milice, la colonie pouvait espérer de se défendre.

(1) Voir à l'Appendice la dépêche de l'amiral Harvey.

CHAPITRE XIII

CAPITULATION DE L'ILE

(1797)

Aussitôt après s'être emparé des établissements hollandais, et avoir pacifié ou conquis les îles françaises, sauf la Guadeloupe qui résista à toutes les attaques, le général Abercromby réunit ses forces disponibles à la Martinique pour ouvrir la campagne de 1797 contre les possessions de la nouvelle ennemie de l'Angleterre. Le premier point que le ministère lui avait donné l'ordre d'attaquer était la Trinidad, qu'il convoitait à cause de son étendue et de sa fertilité, et surtout à cause des facilités qu'offre à un grand commerce sa proximité du continent (1).

L'escadre expéditionnaire, commandée par le contreamiral Henry Harvey, était forte de vingt voiles et de près de neuf cents bouches à feu; elle se composait de sept vaisseaux de ligne, deux frégates, huit corvettes, une bombarde et deux transports. Les sept vaisseaux étaient le Prince of Wales, de cent canons, capitaine J. Harvey, portant pavillon amiral; la Bellona, de soixante

(1) Bryan Edwards, History of the war in the W. I., t. IV, chap. VII, p. 82.

quatorze canons, capitaine Wilson; la Vengeance, de soixante-quatorze canons, capitaine Russell; l'Invincible, de soixante-quatorze canons, capitaine Cayley; l'Alfred, de soixante-quatorze canons, capitaine Totty; le Scipio, de soixante-huit canons, capitaine Davers; et le Dictator, aussi de soixante-huit canons. Les deux frégates étaient l'Arethusa, de quarante-quatre canons, capitaine Woolley, et l'Alarm, de quarante canons, capitaine Fellones. Les huit corvettes étaient l'Anna, de vingt canons; le Thom, de vingt canons, capitaine Hamstead; la Favourite, de vingt canons, capitaine Wood; le Zebra, de vingt canons, capitaine Skinner; le Zephyr, de vingt canons, capitaine Laurie; la Victorieuse, de seize canons, capitaine Dickson; le Bittern, de seize canons, capitaine Lavie; et le Pelican, de vingt canons. La bombarde était la Terror, capitaine Westbeach, et les deux transports le Surett Castle, de cinquante-huit canons, et l'Ulysses, de cinquante canons. Les troupes de débarquement, commandées par le général Abercromby en personne, étaient au nombre de 6,750 hommes. Elles se formaient de 4,050 fantassins anglais, dont 700 du 2e de ligne, dit régiment de la Reine; 650 du 3e de ligne, dit régiment des Buffs ou Buffles; 650 du 14e de ligne, 730 du 38° de ligne, 680 du 53e de ligne et 640 du 60e de ligne; de 1,500 chasseurs allemands, dits yagers, dont 1,000 du régiment de Hompesch et 500 de celui de Lewensteins; de 500 artilleurs et de 700 artificiers, sapeurs, etc. (1). Plusieurs royalistes français, au ser

(1) E.-L. Joseph, History of Trinidad, part. II, chap. XI, p. 189 et seq.

vice de l'Angleterre, faisaient partie de l'expédition (1). Cette force, déjà considérable, pouvait encore s'augmenter, en cas de nécessité, d'une partie des marins de l'escadre.

L'expédition partit de Fort-de-France le 12 février, à destination de Cariacou, l'un des îlots grenadins, comme point de ralliement. Le 15, dans la matinée, elle mit à la voile pour la Trinidad, et le lendemain matin se trouva en vue des Bouches du Dragon (2). En peu de temps la nouvelle parvint au Port-d'Espagne, où se trouvait l'amiral Apodaca, de la présence de l'escadre anglaise dans les eaux de l'ile, et l'amiral, après avoir conféré avec le gouverneur sur la situation, se rendit à son bord. On ignore ce qui se passa dans cette entrevue secrète; mais tout porte à croire que les deux chefs jugėrent la position désespérée, le gouverneur Chacon parce qu'il avait pris depuis longtemps la détermination de ne pas défendre la colonie contre les Anglais (3), et l'amiral Apodaca parce qu'il se voyait placé entre une fuite honteuse par la Bouche du Serpent et une bataille navale trop inégale pour sa bravoure (4). Ce dernier, rendu à son bord, crut éviter ha

(1) Entre autres le lieutenant-colonel Gaudin de Soter. Voir à l'Appendice la dépêche du général Abercromby. (2) Voir la même dépêche.

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dans

(3) Colonel Draper, Address to the British public, p. 36, un mémoire de Don Christoval de Robles adressé au colonel Picton.

(4) M. E.-L. Joseph (History of Trinidad, part. II, chap. XI, p. 191) prétend que Chacon, jugeant, on ne sait pourquoi,, la fuite impossible par la Bouche du Serpent, donna à Apodaca le

bilement l'une et l'autre de ces fàcheuses extrémités en assemblant en conseil de guerre les cinq capitaines de son escadre, et en décidant avec eux, à l'unanimité, de livrer aux flammes ses navires, pour les empêcher de tomber aux mains de l'ennemi. Mais le calcul était faux, la destruction précipitée d'une escadre étant, plus encore que sa fuite, contraire à l'honneur militaire.

Pendant ce temps, l'escadre anglaise, pilotée par un Africain du nom de Sharper, était à lutter contre les courants de la Grande-Bouche, pour pénétrer dans le golfe (1); elle ne parvint à la franchir qu'à trois heures et demie de l'après-midi. En remontant vers la ville, l'amiral Harvey découvrit l'escadre espagnole dans la baie de Chaguaramas; mais comme la journée était déjà très avancée, il décida de ne lui livrer bataille que le lendemain matin. Il disposa alors ses forces de la manière suivante: à la frégate Arethusa et aux corvettes Thorn et Zebra il ordonna de remonter un peu plus haut vers la ville, probablement au delà des ilots de las Colorras ou les Perroquets, et de se mettre à l'ancre avec les transports, et à la frégate Alarm et aux corvettes Favourite et Victorieuse de rester sous voiles pendant la nuit entre les transports et la ville, de manière à empêcher les navires de la rade d'en sortir; puis, à la tombée du jour, il mouilla avec ses vaisseaux de ligne, en ordre de bataille, devant l'escadre ennemie, à portée des projectiles du fort et des vaisseaux, pour

conseil dérisoire de passer à travers l'escadre anglaise, et d'aller couler à fond ses transports pour faire avorter l'expédition. (1) M. E.-L. Joseph, History of Trinidad, part. II, ch. X.

p. 191.

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