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à Sa Majesté Britannique, et ils ont aussi la faculté, s'il leur plaît, de vendre ou aliéner ces biens et de s'en aller ailleurs.

11o Le libre exercice de leur religion est accordé aux habitants.

12o Les gens de couleur libres, reconnus tels par les lois espagnoles, seront protégés dans leur liberté, leurs personnes et leurs biens, comme les autres habitants, en prêtant serment d'allégeance, et en se comportant comme il convient à de bons et paisibles sujets de Sa Majesté Britannique.

13o Les matelots et soldats de Sa Majesté Catholique seront nourris, à partir du moment où ils auront mis bas les armes, par le gouvernement britannique, le règlement des frais devant se faire dans le cartel entre les deux nations.

14o Les malades des troupes espagnoles seront soignés, mais sous la garde et la surveillance de leurs propres chirurgiens.

15° Tous les habitants de la Trinidad, dans les trente jours de cette date, prêteront serment d'allégeance à Sa Majesté Britannique, se conduiront paisiblement et seront fidèles à son gouvernement, sous peine, en cas de désobéissance, d'être expulsés de l'île (1).

En dehors des articles de guerre, cette capitulation, on le voit, ne garantit aux habitants que la validité des contrats et engagements conclus sous les lois espagnoles, et le libre exercice de leur religion; nulle men

(1) Traduit de l'anglais. Voir l'original à l'Appendice.

tion n'y est faite du maintien de ces lois espagnoles, ni même de celui de la cédule de colonisation et du code noir. Telle quelle, cependant, elle fut acceptée sinon avec satisfaction, du moins sans répugnance, par la population, qui ne diminua du fait de la conquète anglaise que d'un millier d'habitants à peine (1). A cette époque, l'Angleterre possédait toutes les petites Antilles, sauf la Guadeloupe; la paix paraissait avec raison de plus en plus éloignée en Europe, et les habitants, attachés à leur nouvelle patrie et ne sachant où transporter leurs familles avec avantage, prirent le sage parti d'essayer une autre fois de s'habituer à vivre sous la domination anglaise. Quant aux irréconciliables, ils allèrent en grande partie s'établir à Güiria, sur le promontoire de Paria (2). Conformément à l'article 11 de la capitulation, le 18 février, à cinq heures de l'après-midi, deux mille deux cents hommes mirent bas les armes inutiles qu'ils portaient; le lendemain 19, les employés militaires livrèrent à leur tour aux vainqueurs une centaine de pièces de canon, et une grande abondance de munitions de guerre et de provisions (3). Peu de jours après, l'ex-gouverneur Chacon et l'amiral Apodaca s'embarquèrent pour l'Espagne. De son côté, le général Abercromby, après avoir pris les mesures administratives nécessaires au gouvernement de l'ile, la quitta aussi pour entreprendre la conquête

(1) Chiffre de la population en 1797, 18,627 habitants, idem en 1798, 17,718; différence en moins, 909.

(2) Tradition de famille.

(3) Bryan Edwards, History of the war in the W. I., t. IV, chap. VII, p. 83.

de celle de Porto-Rico, entreprise dans laquelle il échoua complètement (1).

La perte de la belle et florissante colonie de l'Espagne eut un grand retentissement dans le monde; quand les circonstances en furent connues, l'indignation fut générale. Chacun opposait la noble résistance du gouverneur de Porto-Rico à la conduite honteuse de Chacon et d'Apodaca. Aux conférences qui se tinrent à Lille, en France, en cette même année 1797, le Directoire mit pour condition sine quá non de la paix que lui offrait l'Angleterre, le retour de la Trinidad à l'Espagne (2). Aussi Chacon et Apodaca, à leur débarquement à Cadix, furent-ils mis aux arrêts, en attendant leur jugement. Mais ce déploiement de vigueur, commandé par l'opinion publique, ne pouvait être qu'une moquerie sous un gouvernement aussi corrompu que l'était celui de Godoy, le ministre de Charles IV. Pour donner aux esprits le temps de s'apaiser, l'affaire fut traînée en longueur, et ce ne fut que le 28 mai 1798, plus de quinze mois après la prise de l'île, que les deux officiers généraux comparurent à Cadix devant un conseil de guerre. La défense d'Apodaca fut présentée par son frère; elle roula sur l'avis unanime de ses cinq capitaines, ce qui ne le disculpe pas; sur la force supérieure de l'escadre anglaise qu'il exagère; sur la maladie de ses hommes qu'il exagère aussi, et enfin sur l'impossibilité de sa fuite par la bouche du Ser

(1) Fr. Iñigo Abbad y Lasierra. Historia de San-Juan de P.-R. Note, p. 187 et seq.

(2) Thiers, Histoire de la Révolution française, t. IV, chap. x, p. 56 et seq.

pent, ce qui est controuvé. Avec l'intention évidente de diminuer ses forces autant que possible, il ne fit aucune mention de la redoute de Gaspar Grande (1). Celle de Chacon reposa également sur la supériorité des forces anglaises et sur la maladie de ses troupes. Ces troupes y sont représentées comme s'élevant à 600 hommes à peine, lorsque nous savons qu'il a fait mettre bas les armes à 2,200 hommes, et qu'il eût pu en avoir trois ou quatre fois autant en acceptant les secours de Victor Hugues et du gouverneur de la Havane; lorsque nous savons encore qu'il eût pu organiser un corps de volontaires et appeler la milice sous les armes ! Il y fut aussi allégué que la capture de la corvette Galgo l'avait laissé sans provisions et sans moyens de s'en procurer; mais nous savons qu'il en tomba « en grande abondance» entre les mains de l'ennemi. Enfin, pour faire accroire que l'ile n'a pas été livrée sans résistance, il y fut avancé qu'il n'y eut qu'une dizaine de morts et de blessés du côté des Espagnols, mais que les Anglais perdirent la plus grande partie du régiment allemand (2); » or, ceux-ci n'eurent qu'un seul homme blessé, le lieutenant Villeneuve, du 8e régiment, qui mourut des suites de sa blessure (3), et la tradition veut qu'il n'y eut de même qu'un seul Espagnol tué à la redoute de la rade, l'artilleur de brigade Mateo Martinez, non par un projectile lancé par l'ennemi,

(1) E.-L. Joseph, History of Trinidad, part. II, chap. XI, p. 201.

(2) Voir à l'Appendice la dépêche de Chacon.

(3) Bryan Edwards, History of the war in the W. I., t. IV, chap. VII, p. 84.

mais par son propre canon, qui éclata dans une décharge. Toutes ces allégations furent acceptées comme vraies, et les deux officiers généraux furent absous à l'unanimité (1).

Cet acquittement scandaleux révolta la conscience publique. Aux États-Unis et même en Angleterre, la presse s'en émut; plusieurs articles de journaux établirent la culpabilité de la reddition de l'île sans aucune résistance. A la Trinidad, il provoqua une explosion de colère bien naturelle de la part de ceux qui avaient été les témoins de la conduite de l'ex-gouverneur, et qui en avaient souffert. On dit qu'il y fut rédigé un mémoire explicatif des évènements de la capitulation, et que ce compte-rendu, préparé secrètement pour ne pas éveiller les susceptibilités du nouveau gouvernement, fut envoyé par la voie des États-Unis au premier consul de France, qui l'aurait apostillé et remis à la cour d'Espagne (2). Quoi qu'il en ait été, le cabinet espagnol, revenu plus tard au sentiment de sa propre dignité, résolut de ne pas laisser plus longtemps impuni le dangereux exemple offert à la Trinidad à ses armées de terre et de mer, et adressa au commandant général de l'armée d'Andalousie l'ordre royal qui suit:

La remise de l'île de la Trinidad-du-Vent, que fil aux forces britanniques le brigadier de la flotte Don José María Chacon, son gouverneur, et l'incendie qu'ordonna le chef d'escadre Don Sebastian Ruiz de Apodaca

(1) E.-L. Joseph, History of Trinidad, part. II, chap. XI, P. 201.

(2) Id., ibid., p. 201 et seq. Ce mémoire, peut-être apocryphe, n'a pas été retrouvé.

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