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comme toutes celles qui sont ouvertes et garanties par un toit.

Ce fut dans la varanda de Setuba que je passai la nuit, et je n'y éprouvai qu'une température agréable. Au contraire, à Penha, S. João et Alto dos Bois, où je couchais dans l'intérieur des maisons, le froid m'empêchait de dormir, et cependant alors le soleil était moins éloigné de l'hémisphère austral qu'à l'époque où je passai à Setuba. Ceci suffirait pour prouver combien le pays des carrascos est plus élevé que celui des catingas.

Le blé a été cultivé avec succès près de Setuba, dans le lieu appelé Padre Mestre. Quant au riz, le terrain est trop sec pour pouvoir lui convenir.

Entre Setuba et Boa Vista da Barra do Calhao (belle vue du confluent du Calhao), je passai deux rivières qui se jettent dans l'Arassuahy; le Setuba, qui, à l'endroit où je le traversai, peut avoir environ la largeur de nos rivières de troisième ordre, et le Gravatá, que je trouvai beaucoup moins large.

Je fis halte à l'habitation de Boa Vista, peut-être la plus agréablement située de toutes celles que j'avais vues jusqu'à ce moment. Elle est bâtie sur le sommet d'une colline isolée, au bas de laquelle coulent avec lenteur les eaux limpides de l'Arassuahy, rivière à peu près aussi large que le Loiret. La verdure extrêmement fraîche des végétaux qui bordaient la rivière contrastait alors avec les teintes grisâtres des bois voisins, dépouillés de leurs feuilles. Une petite île s'élève du milieu des eaux. De l'autre côté de la rivière est

une grande plaine couverte de cotonniers ; des collines entourent cette plantation, et quelques-unes d'entre elles sont dominées par la Serra de Piauhy, que termine un vaste plateau. Enfin, au pied des mornes les plus éloignés de l'habitation de Boa Vista en est une autre qui lui fait face, et qui, entourée de bananiers, jette dans le paysage une variété agréable. Une graminée extrêmement pittoresque contribue à embellir les bords de la rivière : ses tiges, plus hautes qu'un homme, ne portent qu'au sommet des feuilles bien développées; celles-ci sont rapprochées à leur extrémité; elles forment un large éventail; et du milieu d'elles s'élève une longue panicule, dont les ramifications tournées du même côté sont tellement faibles, que le moindre vent suffit pour les agiter.

L'Arassuahy est la seule rivière un peu considérable que j'eusse vue depuis que j'avais passé le Parahyba et le Parahybuna. On a autrefois tiré de l'or de son lit; mais, comme ses eaux sont profondes et qu'on n'a point d'esclaves, on a renoncé à ce genre de travail, depuis surtout qu'on s'est autant livré à la culture des cotonniers. On assure également qu'il existe dans cette rivière des chrysolithes et d'autres pierres précieuses; mais leur extraction présente les mêmes difficultés que celle de l'or. Au reste, l'Arassuahy offre aux habitans de ce canton d'autres avantages bien plus importans que ne serait la découverte passagère d'un peu d'or et de quelques pierreries; car, réunissant ses eaux à celles du Jiquitinhonha, il établit une communication entre ce canton et la mer ; et, pourvu qu'on se donne

la peine de décharger les pirogues dans quelques endroits difficiles, on peut remonter non-seulement jusqu'à Boa Vista, mais encore jusqu'au village d'Agua Suja, situé à neuf lieues de cette habitation.

Boa Vista était la demeure d'une vieille mulâtresse appelée LUCIANA TEIXEIRA. Ayant appris que je voyageais avec des passe-ports du gouvernement, cette bonne femme me combla d'honnêtetés, et, se mettant presque à genoux, elle voulut m'embrasser les cuisses; mais l'on pense bien que je me refusai à cette politesse.

Je passai à Boa Vista le jour de la Pentecôte. Un prêtre y était venu de neuf lieues, et tous les colons du voisinage s'étaient réunis à l'habitation avec les enfans et les petits-enfans de mon hôtesse, pour assister au service divin. Ces braves gens dînèrent chez mon hôtesse: la même table fut servie et desservie plusieurs fois, et ceux qui ensuite se trouvèrent n'avoir rien pris dînèrent pêle-mêle. Les habitans des Mines mangent énormément ; mais, si l'on jugeait de la quantité d'alimens dont ils se nourrissent par le peu de temps qu'ils passent à table, on s'imaginerait qu'ils vivent de rien; et les plats, qui, servis enfaîtés, sont presque toujours retirés vides, attestent seuls la vigueur de l'appétit des convives. Il est vrai que l'on ne perd point son temps en discours inutiles; à peine se dit - on quelques paroles à la dérobée; on est tout entier à ce que l'on fait, et il serait à désirer, comme je l'ai dit ailleurs, que ce peuple montrât dans ses travaux autant d'activité qu'il en met à manger.

Suivant la coutume du pays, les bons campagnards

réunis à Boa Vista portaient généralement des vestes rondes de drap bleu, un pantalon de toile de coton blanche assez grossière, des bottes à retroussis, et une chemise de coton parfaitement blanche; ils n'avaient point de cravate ; et enfin leurs cheveux, coupés presque ras sur le derrière de la tête, étaient plus longs sur le sommet ou seulement autour du front.

Jusqu'à Minas Novas, j'avais trouvé aux cultivateurs de la province des Mines, des manières qui sont celles des habitans des villes. Le moindre fazendeiro des environs de S. Miguel de Mato dentro, a un air aisé, qui ne se remarque point chez les paysans français. Les colons que je vis à Boa Vista et dans d'autres parties des Minas Novas, me montraient autant de politesse ét de bienveillance que ceux des autres termos que j'avais parcourus jusqu'alors; ils ne sont ni moins obligeans, ni moins hospitaliers; mais ils ont bien davantage la tournure d'hommes de la campagne; ils paraissent plus embarrassés, plus gauches, et laissent apercevoir dans les mouvemens de leurs bras quelque chose de cette gêne qui caractérise nos paysans. Cependant, sous ce rapport, la grossièreté de ceux-ci les laisse encore, il faut en convenir, à une très - grande distance des colons de Minas Novas.

Les habitans de ce termo croient beaucoup aux sorciers, et ils ont une grande confiance dans les remèdes sympathiques. Mais cela n'étonnera pas ceux qui savent combien, au sein d'un pays aussi éclairé que la France, il se trouve dans les campagnes d'hommes qui sont imbus de semblables idées.

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Mon hôtesse de Boa Vista ne voulut rien me prendre pour ma nourriture, ni même pour celle de mes mulets. Elle se contenta de me demander un peu de papier, et encore offrait - elle de me le payer.

Après avoir quitté sa maison, je passai bientôt le ruisseau de Calhao, où l'on trouve des pierres précieuses, et qui se jette dans l'Arassuahy.

Le même jour, je vis dans les catingas des espaces nus et un peu bas, qui certainement doivent être couverts d'eau dans la saison des pluies. Auprès d'un de ces espaces, j'observai, dans une étendue assez considérable, des arbres dont le feuillage, de la plus belle verdure, formait un contraste frappant avec les bois voisins. Ces arbres fort petits, mais très-droits, étaient écartés les uns des autres, et l'intervalle qu'ils laissaient entre eux était uniquement occupé par des plantes herbacées, aussi vertes que le feuillage des arbres eux-mêmes. L'ensemble de cette végétation rappelait les vergers de l'Auvergne plantés dans des prai

ries.

Dans les catingas, on voit sur le tronc des arbres, ou quelquefois sur leurs grosses branches, des bosses rondes tirant sur la forme ovoïde. Ces bosses, faites en terre, ne sont autre chose que des habitations de termès ou fourmis blanches '. Quand le tronc de l'arbre n'est pas fort gros, la bosse l'entoure presque entièrement; mais elle est simplement appliquée contre un

Les Brésiliens appellent, comme je l'ai dit ailleurs, les termès cupim; mais le véritable mot guarani est cupii.

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