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goureuses. Cependant si, considérée dans son ensemble, la végétation qui s'offrait à moi ne pouvait qu'affliger mes regards, examinée dans ses détails, elle me transporta d'admiration. Je n'avais jamais vu une telle diversité de végétaux; c'étaient principalement des corymbifères, une foule d'hyptis, des radiées, des convolvulacées, des verbénacées à feuilles aromatiques, etc. Les genres qui, dans les bois, fournissent des arbres et de grandes lianes, ne produisent ici que des plantes à tige naine; j'observai, par exemple, une myrtée qui n'avait qu'un pied de haut, des bignonées, des cassia, une foule de malpighiées qui ne sont que des sous - arbrisseaux ou de petits arbustes. Cependant, comme cela arrive peut-être généralement dans les campos, il y a sur cette montagne, il faut en convenir, une variété beaucoup plus grande d'espèces que de genres.

Après avoir fait quatre lieues et demie depuis Mundo Novo, j'arrivai au village de Nossa Senhora da Penha (Notre-Dame du Rocher), plus généralement désigné sous le seul nom de Penha. Ce village, situé à vingt ou vingt-cinq lieues de Villa do Fanado, chef-lieu du termo de Minas Novas, est une succursale de la paroisse de cette ville. Il se compose d'une cinquantaine de maisons', dont les plus considérables, au nom

› Pizarro ne donne à Penha que vingt maisons. Il est évident que les renseignemens qu'il a reçus datent d'une époque antérieure à mes voyages. Ce fut en 1766, dit le même auteur, que l'on fonda le village dont il s'agit.

bre de dix-huit, sont bâties autour d'une petite place qui s'étend en pente douce, et forme un carré irrégulier. Ces dix-huit maisons sont basses, petites, mais en bon état et couvertes en tuiles. Au milieu de la place est l'église, et, de tous côtés, le village est dominé par des montagnes dont le sommet n'offre que des gazons, et dont le flanc est couvert d'arbres qui se ressentent de la maigreur du terrain, Les maisons appartiennent à des cultivateurs, dont la plupart ne viennent au village que le dimanche, et, en grande partie, elles restént fermées les jours ouvrables. Ces jourslà on ne voit personne sur la place; on n'entend aucun bruit autour de soi, et l'aridité du terrain, la verdure foncée des végétaux qui couvrent la montagne, ajoutent à la tristesse qu'inspire l'abandon où semble être le village; quoique d'ailleurs il résulte un ensemble assez agréable de l'arrangement respectif des maisons qui le composent, et de leur position relativement aux montagnes qui les environnent.

Il est, autour de Penha, des terres qu'on ne peut cultiver, tant elles sont arides, et contiennent peu d'humus végétal; mais de l'autre côté d'un des mornes qui dominent le village, sont de grandes forêts qui se rattachent à celles de Passanha, et c'est là que sont établis la plupart des cultivateurs de ce canton. Ils plantent le riz, le maïs et les haricots, denrées dont on trouve un débit facile dans le District des Diamans. Il y a aussi, aux environs de Penha, quelques sucreries; mais, dans ce pays élevé, l'on ne plante point de coton. Les cultivateurs de Penha jouissent aujourd'hui

d'un grand avantage; on a établi une petite forge auprès de ce village, et le fer, qui autrefois se vendait une pataque dans le pays (2 fr.), n'y vaut plus que 75 reis la livre (un peu moins de 50 cent.), prix qui doit nécessairement diminuer encore, lorsqu'il y aura plus de concurrence.

Les habitans peu nombreux qui restent toujours à Penha sont des hommes de couleur, pauvres, ignorans, oisifs. Je les trouvai d'abord impolis et peu communicatifs; mais je ne tardai pas à savoir la cause de la mauvaise réception qu'ils m'avaient faite. On parlait beau-. coup alors de la révolte qui avait eu lieu à Fernambouc; on savait que le régiment de Villa Rica s'était mis en route, et, quand on m'avait vu arriver, l'on s'était imaginé que j'avais la commission de faire une levée d'hommes. Il était naturel d'accueillir assez mal celui que l'on croyait envoyé pour répandre l'effroi dans les familles ; mais lorsque l'on connut le véritable but de mon voyage, l'on devint plus honnête.

Je passai à Penha un jour de fête, et je visitai l'église, qui est large, bien éclairée et fort jolie. On a peint sur ses murs des bouquets où dominent le rose et le bleu clair : ce ne sont pas des chefs-d'œuvre sans doute; mais leur ensemble produit un effet assez agréable; et du moins ils n'offrent aucune de ces plaques de couleurs dures qui choquent si souvent dans les peintures de nos églises de campagne, où d'ignorans barbouilleurs semblent avoir voulu racheter ce qui leur manquait du côté du talent, par la quantité de la matière.

Si l'on excepte le sommet de quelques hautes montagnes, il n'est peut-être pas, dans la province des Mines, un seul endroit qui offre une végétation aussi variée que les environs de Penha. Je restai plusieurs jours dans ce village, et il s'en faut probablement de beaucoup que j'aie recueilli toutes les plantes qui croissent dans ses alentours; aussi est-ce un des lieux que je crois devoir recommander aux botanistes qui voudront visiter la province des Mines.

Un des terrains où ils trouveront le plus de végétaux est celui que j'avais traversé immédiatement avant d'arriver au village. La nuit m'avait surpris, et, entre des arbrisseaux tortueux, il me semblait voir, aux rayons de la lune, la terre couverte de neige, illusion produite par un sable pur, quartzeux, à gros grains et d'une parfaite blancheur. Un de mes soins fut d'aller herboriser dans ce lieu, et je puis dire que, pendant tout mon séjour au Brésil, je n'ai vu nulle part rien de semblable, ni pour la nature du sol, ni pour l'ensemble de la végétation. C'était une sorte de forêt naine d'arbustes écartés les uns des autres et hauts d'environ cinq à six pieds, dont le tronc était fort gros relativement à la hauteur, l'écorce noire ou fendillée, le bois très-dur, enfin dont le feuillage était généralement velu et d'un vert sombre. Entre ces arbustes se trouvaient des sous - arbrisseaux plus petits, quelques plantes grimpantes appartenant surtout à la famille des asclépiadées, et enfin des touffes rares de graminées à tige raide et à feuilles glauques. Là je trouvai principalement encore des corymbifères

et des hyptis. Parcourant ce lieu singulier, j'arrivai à une petite source; le sol y était le même avec un léger mélange de terreau d'une couleur noire, et, combinée avec l'humidité, cette différence, si mince en apparence, en produisait de très-grandes dans la végétation. La terre, aux environs de la source, était entièrement couverte de graminées et de cyperacées à feuilles arides, peu propres à la nourriture des bestiaux; et, au milieu de ces plantes se trouvaient des sauvagesiées, des utriculaires, plusieurs mélastomées qui ne croissent point dans les lieux secs, une jolie orchidée, un grand nombre d'eriocaulon, un polygala à tige longue et grêle (polygala paludosa, Aug. de SaintHil.), un lycopode, etc.

Lorsque j'étais encore à Villa do Principe, l'intendant des Diamans, M. Manoel Ferreira da Camara Bethancurt e Sá, m'avait écrit qu'il partirait bientôt pour la fazenda d'Itangua', située à une lieue et demie de Penha. Ayant appris qu'il venait d'arriver à cette habitation, je me mis en route pour m'y rendre. Le chemin est montueux, et, du sommet d'un des mornes sur lesquels il passe, je découvris une vue immense qui présentait un mélange de terrains découverts et de bois d'une végétation assez maigre. Je traversai, dans cette excursion, tantôt des capoeiras,

Probablement pour Itagua, itá, pierre, guá, en voûte. Cette étymologie est d'autant plus vraisemblable, qu'en parlant de Penha, M. Pizarro fait mention d'un ruisseau ou rivière qu'il nomme Itágoa.

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