Imágenes de páginas
PDF
EPUB

et tantôt des carrascos, espèce de buissons d'une étendue immense, dont je parlerai bientôt avec détail. Parmi les plantes que je trouvai dans les carrascos, je ne puis m'empêcher de citer deux gentianées, dont l'une produit de grandes fleurs bleues inclinées et en cloche, et l'autre des fleurs roses (1231)'; je citerai aussi, comme une des espèces les plus remarquables de ces lieux, un sous- arbrisseau du genre lantana?, dont la tige est très-menue, les feuilles incisées, et dont les fleurs en tête sont du plus beau rouge (lantana? pulcherrima, N.)'. Avant d'arriver à Itangua, on descend dans un fond, et le terrain devient meilleur. En général, tout ce canton offre une alternative assez singulière de bonnes terres et de terrains très-arides.

Dans le chemin de Penha à Itangua, je remarquai des habitations de termès que je n'avais pas encore observées ailleurs. Ce n'étaient plus des bornes, comme celles que j'ai décrites dans le premier volume de cet ouvrage, mais simplement de petites bosses qui s'élevaient au milieu de la route à la hauteur d'un demipied environ.

La fazenda d'Itangua, qui appartenait au capitão mór ANTONIO GOMES DE OLIVEIRA MEIRELLES, était certainement la plus belle que j'eusse vue depuis Ubá. Ses

Ce numéro, et d'autres analogues, renvoient à une liste que l'on trouvera à la fin de l'ouvrage, et qui contiendra les vrais noms des plantes indiquées.

2 N° 1229.

bâtimens, qui venaient d'être reblanchis, sont disposés avec régularité autour d'une grande cour qui forme un carré long, et au milieu de laquelle on a, suivant l'usage du pays, planté une très-grande croix. Le local réservé pour le maître est vaste, et, conformément à la coutume, le haut seul est habité par lui et par sa famille. Après avoir monté l'escalier, on arrive à une grande pièce dont les murailles sont peintes, comme cela a lieu chez les gens riches, et dont le plafond, fait en planches également peintes, s'élève en dôme, ce qui se voit généralement encore dans les maisons dont les propriétaires jouissent de quelque fortune. En général, tout l'intérieur de l'habitation d'Itangua indiquait une aisance dont je n'avais depuis long-temps aperçu aucune trace.

A mon arrivée, je fus présenté au maître et à la maîtresse de la maison par l'intendant des Diamans, qui m'avait accueilli avec beaucoup d'amabilité. C'était un homme de cinquante et quelques années, gai, spirituel et fort instruit. Après avoir étudié à l'université de Coimbre, il avait voyagé, pendant plusieurs années, aux frais de son gouvernement, dans le but d'augmenter ses connaissances en chimie et en minéralogie, de voir différentes mines et de s'instruire de la manière de les exploiter. Ayant habité Paris pendant un an, il parlait parfaitement le français, et il savait aussi un peu d'anglais et d'allemand. Nous causâmes ensemble depuis l'instant de mon arrivée jusqu'au moment où chacun se retira pour se coucher, et la journée se passa d'une manière d'autant plus agréable pour

moi, que, pendant huit jours, je venais d'être réduit à la société de mes plantes.

La veille de mon arrivée à Itangua, on avait célébré le mariage d'une des filles du maître de la maison. Des amis et plusieurs voisins, la plupart décorés et fort bien mis, étaient encore rassemblés. Au moment où l'on allait se mettre à table, les dames se présentèrent. Elles étaient au nombre de quinze ou seize, et presque toutes fort jeunes. Plusieurs d'entre elles avaient des cheveux blonds, un beau teint et des joues colorées. Leur tête était découverte; elles portaient des robes blanches brodées en couleur, et le bon goût avait présidé à leur toilette. Dans un pays où les blancs sont si rares, il était véritablement extraordinaire de rencontrer une réunion aussi nombreuse de femmes de notre race sans aucun mélange de sang africain.

On ne donna point la main aux dames : cet usage est absolument inconnu dans toute la province des Mines; il l'est également dans beaucoup d'autres provinces, et probablement dans toute l'étendue du Brésil.

Les jeunes mariés se mirent à l'un des bouts de la table. Le reste des convives se sépara en deux bandes, et les hommes s'assirent d'un côté pendant que les femmes se placèrent de l'autre. C'était déjà beaucoup que ces dernières se montrassent aussi librement.

Il y avait au dîner beaucoup de viandes, mais peu de légumes, et l'on mangea, comme partout ailleurs, avec une promptitude désespérante. On ne voyait point d'eau sur la table. Les femmes comme les hommes buvaient du vin pur, mais tous en petite quantité, et

TOME II.

2

l'on ne manqua point d'observer un usage qui se pratique toujours, lorsque l'on sert du vin. Chaque fois qu'on prend son verre, on porte la santé d'un assistant, qui répond par un salut. On commence toujours ces toasts par le maître de la maison, et l'on passe ensuite aux personnes les plus considérables. Souvent un seul verre de vin sert pour plusieurs santés, et alors on nomme successivement les personnes à qui l'on veut faire honneur. Cet usage, qui a été originairement inspiré par la bienveillance, est extrêmement incommode. Il faut être sans cesse aux aguets pour savoir si quelqu'un ne vous a point nommé; il faut être attentif à l'ordre dans lequel on doit porter les santés diverses; il faut enfin saisir l'instant où la personne que l'on veut proclamer ne cause point avec son voisin, et n'est pas trop occupée à manger pour pouvoir vous entendre. Plus d'une fois, je l'avoue, j'ai mieux aimé boire un peu moins, et ne pas me soumettre à tant de gêne.

Quand leurs convives se furent rassasiés de viandes, mes hôtes d'Itangua nous firent quitter la table, et nous passâmes dans une autre pièce. Là était servi un dessert qui consistait principalement en sucreries et en confitures. Les Mineiros ont un talent particulier pour l'art du confiseur; cependant, comme je crois l'avoir déjà dit ailleurs, on peut leur reprocher de faire disparaître le goût des fruits par la trop grande quantité de sucre.

Après le dîner, l'intendant me montra l'habitation avec détail, Nous allâmes voir la sucrerie, et cette fois

ci encore j'admirai l'élégance et la légèreté de la roue du moulin à sucre. Les cylindres étaient en bois, comme ceux de toutes les sucreries de la province des Mines; mais, pour fortifier ces cylindres, on y avait incrusté des morceaux de bois séparés, dont la surface extérieure présentait un parallelogramme, et dont les fibres étaient placées en sens contraire de celles du cylindre.

A Itangua, comme dans les autres habitations du pays, on se sert, pour mettre la cachaça, de gros troncs d'arbres creusés. Il y en avait un, dans cette fazenda, qui avait en diamètre sept palmes de neuf pouces, et qui tenait quatre cents barils, de vingt-cinq par pipe.

Ce fut dans la même habitation que je vis pour la première fois un moulin destiné à broyer les graines de ricin. Au milieu d'une cuve revêtue intérieurement de planches obliques qui en faisaient un cône renversé, était fixé un axe vertical qui tournait par le moyen d'une roue que l'eau mettait en mouvement. A cet axe était attachée une meule qui se promenait avec lui autour du cône. On jetait dans ce dernier les graines de ricin, et elles étaient écrasées par la meule, à mesure que celle-ci avançait.

Le potager d'Itangua était fort grand et bien tenu. C'étaient des choux qu'on y cultivait principalement; mais j'y vis en outre des pommes de terre qui réussissaient à merveille, de la chicorée, des laitues, des pêchers qui alors étaient en fleurs, une fort belle treille, et des figuiers qui, me dit - on, avaient produit une prodigieuse quantité de fruits. Il faut bien citer

« AnteriorContinuar »