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entre les membres de la même troupe, et, s'il s'élève quelquefois des disputes entre eux, ce n'est jamais pour le partage des animaux tués, mais seulement, comme je l'ai déjà dit, à l'occasion des femmes.

Le temps de la sécheresse est pour les Botocudos l'époque la plus heureuse de l'année, parce que c'est celle de la maturité des sapucaias' et des cocos, dont ils sont très friands. Alors ils s'éloignent du Jiquitinhonha; ils se répandent dans les bois pour trouver des sapucaias, et sur les montagnes pour cueillir des cocos. Le commandant Julião se plaignait devant moi au capitaine Joahima de ce qu'il ne prenait plus de poissons. Apparemment, répondit ce dernier, qu'ils s'en sont allés aussi pour chercher des cocos.

Il paraît, au reste, qu'il faut attribuer à la grande quantité de sapucaias et de cocos que les Botocudos ont mangés pendant la saison froide, les maladies dont presque tous sont atteints au commencement des pluies. A cette époque, la plupart d'entre eux perdent leurs cheveux, et leur peau tombe par écaille.

D'ailleurs ils ne prennent aucune précaution pour leur santé. Couverts de sueur, ils se jettent dans l'eau froide, et ils s'exposent à toutes les intempéries des saisons: aussi ont-ils tres-souvent des rhumes et des ca

Tel est le nom que l'on donne au Brésil aux amandes d'un lecythis ou quatelé commun dans certaines forêts, mais qui, je crois, ne se trouve qu'au nord de Rio de Janeiro. Le goût des sapucaias rappellerait peut-être celui de la châtaigne, mais il est plus délicat. L'arbre qui produit ce fruit est un des plus beaux des forêts du Brésil.

tarches. Quant aux maladies vénériennes, ils ne les connaissaient point avant de communiquer avec les Portugais, et il paraît qu'elles sont encore très - peu répandues parmi eux. Les seuls remèdes qu'ils emploient sont de se baigner, et de se frotter avec une herbe qui fait lever sur le corps des vésicules remplies d'eau. Cette plante, qui appartient à la famille des euphorbiacées, est appelée cansanção par les Portugais, et teiti1 les Botocudos: la piqûre des poils qui la couvrent est plus brûlante que celle de notre ortie.

par

L'usage prématuré des plaisirs de l'amour et le peu de soin que ces sauvages prennent de leur santé, les vieillissent avant le temps, et il est très rare d'en rencontrer qui aient atteint un âge avancé; mais la mort ne leur inspire point de crainte.

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Les Botocudos ont un grand soin de leurs parens lorsqu'ils sont malades, et ils les pleurent quand ils les ont perdus.

Ils enterrent leurs morts les bras pliés sur la poitrine et les cuisses pliées sur le ventre; et comme ils donnent aux fosses très-peu de profondeur, les genoux sortent presque toujours hors de la terre, lorsqu'elle commence à s'affaisser. Autour de la fosse, ils plantent quatre bâtons d'égale longueur, et ceux-ci en soutiennent d'autres transversaux, sur lesquels ils arrangent des feuilles de palmier, ce qui forme une espèce de petit dais. S'imaginant que l'âme du défunt

1 Peut-être est-ce terti.

? On verra de quelle manière ils guérissent leurs blessures.

TOME II.

II

vient errer près de sa fosse, ils ont soin, pour lui rendre cette promenade plus agréable, de nettoyer les alentours du dais qu'ils ont élevé, et ils y attachent des plumes d'oiseaux et du poil des bêtes sauvages auxquelles ils font la guerre. Cependant il paraît que, s'ils regrettent vivement leurs proches, ils ne les re-grettent pas long-temps, et ils sont loin d'avoir, pour les ossemens de leurs pères, ce respect qui distinguait les sauvages de l'Amérique septentrionale 1. Je fis fouiller quelques fosses pour en tirer des crânes, et les Botocudos virent avec la plus grande indifférence emporter des têtes qui avaient appartenu à des hommes de leur nation, et peut-être à des parens ou à des connaissances 2.

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1 Cette vertu des indigènes de l'Amérique du nord, il paraît que les blancs la leur ont fait perdre. Voici comment s'exprime à cet égard un voyageur. « Depuis que les tribus « voisines des frontières ont perdu, par l'exemple et par la fréquentation des blancs, ces nuances primitives qui distinguent encore les nations des grands lacs; depuis qu'avec l'appât irrésistible des caux spiritueuses, on les a conduits à la plus honteuse dépravation, ces mœurs, ces traits « distinctifs qui les rendaient jadis respectables aux yeux de l'observateur, ont entièrement disparu. Ce ne sont plus les « mêmes hommes; ils vendent aujourd'hui leurs terres, sans « penser aux cendres de leurs parens, de leurs amis, et se « contentent d'en réserver quelques milliers d'acres, que le voisinage des blancs, la rareté du gibier, et leur éternel mépris pour l'industrie et la culture, les forceront d'aban« donner dans un petit nombre d'années. » (Voyage dans la Haute Pensylvanie, t. I, p. 332 et 333.)

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2 M. Freyreis, au rapport du prince de Neuwied, a élé

Les filles de ces sauvages se marient long-temps avant l'âge de puberté; mais on ne leur donne pas, comme chez les Macunís, des hommes faits pour époux. Deux enfans se conviennent, et on les déclare mariés. Les noces se célèbrent par des danses et par un repas précédé d'une grande chasse. Un mari peut quitter sa femme quand il lui plaît, et l'on fait alors la même fête que pour le mariage. En cas de divorce, les enfans restent avec leur mère tant qu'ils sont en bas âge; mais, quand ils sont devenus grands, ils rejoignent leur père. Les frères et les sœurs, les cousins et cousines ne se marient point entre eux, et, sous ce rapport, les Botocudos se montrent supérieurs à d'autres peuplades indiennes, chez lesquelles, dit-on, les pères ne respectent pas même leurs enfans. Au reste, les Botocudos n'ont pas autant de scrupules pour ce qui regarde la fidélité conjugale. Rien n'est si commun parmi eux que l'adultère; mais le mari châtie sa femme quand il la surprend avec un autre homme, et, dans un cas semblable, la femme, à son tour, châtie son mari, qui reçoit la punition avec docilité 1.

Les femmes des Botocudos vivent dans une trèsgrande dépendance. Quand une tribu voyage, les témoin de la même insouciance chez des Botocudos qui sont probablement ceux de Belmonte.

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D'après ce qui m'a été dit sur les lieux, les Botocudos du Jiquitinhonha n'ont qu'une femme à la fois; mais M. Marlière, directeur général des Indiens, m'a écrit que ceux du Rio Doce admettaient la polygamie. M. le prince de Neuwied dit aussi que les Botocudos du Rio Belmonte sont polygames.

hommes ne portent que des arcs et des flèches, mais les femmes sont chargées des enfans et des provisions. Ce sont elles qui arrachent les racines, qui cueillent les fruits, qui vont chercher le bois pour faire le feu, qui préparent les alimens et qui construisent les huttes sous lesquelles on se couche. Elles savent faire des pots presque sphériques, semblables à ceux des Macunís. Enfin elles font aussi des sacs de filet, et elles tirent leur étoupe du barrigudo et de l'imbirassú '.

On trouve chez les Botocudos une habitude qui, peut-être, ne s'observe chez aucun peuple. Lorsqu'ils font quelque demande, lorsqu'ils sont émus par quelque passion, ils ne parlent plus; ils chantent; mais je ne puis mieux comparer ce chant qu'aux plaintes monotones de nos mendians, entremêlées de grands éclats de voix qui brisent le tympan 2.

Les Botocudos ont un grand respect pour les vieillards. Ils montrent beaucoup de curiosité pour les choses qu'ils ne connaissent pas; il les regardent avec plaisir; mais je ne leur ai jamais vu témoigner le plus léger étonnement. Ils ne pardonnent point les injures,

Ce dernier arbre croît dans les catingas. Il n'a rien de particulier dans son port; mais son écorce est d'un beau vert-pomme, et peinte de larges veines d'un gris blanchâtre qui s'anastomosent et imitent un réseau à larges mailles. Il n'est pas nécessaire de mouiller l'écorce de l'imbirassú pour en tirer l'étoupe; mais il faut faire tremper celle du barrigudo.

a D'autres fois aussi, ce chant n'est, comme on le verra, qu'un nasillement sans variation.

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