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CHAPITRE VIII.

NAVIGATION SUR LE JIQUITINHONHA. ENCORE LES BOTOCUDOS.

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L'auteur s'embarque sur le Jiquitinhonha.

Bords de cette rivière; son

cours; établissemens nouveaux. Ilha do Pão.

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Serra de S. Si

mão. — Lac fameux, appelé Lagoa do Pao Dourado; itinéraires des paulistes. L'auteur se rencontre avec la troupe de TUJICARAMA. Apparition de quelques Indiens de la tribu de Jan-oé.- Arrivée à la Vigie. On se retrouve avec la troupe de Tujicaráma.

Le commandant

envoie chercher la troupe de Jan - oé; son arrivée; réconciliation touchante; effet de l'eau-de-vie. · Demande d'un enfant faite à Jan-oé.

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I amène sa fille au commandant. Portrait de cette jeune Indienne. Plaintes en chansons. On se rembarque; chagrin de la jeune Indienne; idées contradictoires de l'auteur au sujet de cette enfant. · On s'arrête pour passer la nuit. Travaux du chemin. Bords du Jiquitinhonha jusqu'au Salto Grande. Désespoir de la jeune Indienne; Retour à la Vigie. L'Indienne ren

la vue des bois lui rend sa gaîté.

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due à ses parens. - Un jeune Botocudo s'attache à l'auteur. - Liane, aliment favori des Botocudos. Blessures, punition de l'adultère. Huttes des Machaculís. Trait de probité des Botocudos.

Je témoignai au commandant Julião le désir de naviguer sur le Jiquitinhonha, et il satisfit ce désir avec l'extrême complaisance qu'il n'avait cessé d'avoir pour moi, depuis que j'étais arrivé chez lui. Nous saluâmes le hameau d'un coup de fusil, et nous partîmes munis de toutes les provisions qui étaient nécessaires pour

par

plusieurs jours de voyage. L'immense pirogue que nous montions s'appelait Villa Rica; elle avait été construite à S. Miguel, et était creusée dans un tronc d'arbre dont on avait enlevé l'écorce. Nous étions conduits six hommes dont quatre se tenaient à la proue et deux à la poupe, et qui tous restaient debout, se servant tantôt de rames et tantôt de perches, suivant les besoins de notre navigation. Je vais décrire d'abord le fleuve et le pays qu'il traverse, tels qu'ils s'offrirent à moi pendant les huit lieues portugaises que nous parcourûmes le premier jour de notre voyage.

Sur ses deux rives, le Jiquitinhonha est bordé par d'immenses bois vierges qui s'avancent jusqu'à son lit. La végétation n'a point partout une égale vigueur; mais partout les arbres présentent la verdure la plus fraîche. Dans les terres les moins bonnes, on distingue les troncs grisâtres des grands végétaux ; dans les terrains fertiles, d'immenses lianes s'étendent d'un arbre à l'autre, tombent en nappe sur leurs branchages, cachent leur tronc, et ne laissent voir, dans de vastes intervalles, qu'une masse de verdure que l'on croirait appartenir au même végétal, si des nuances dans la couleur du feuillage ne détruisaient cette illusion. Au milieu de tant de végétaux, on regrette de voir si peu de fleurs; cependant, de loin en loin, quelques convolvulacées couvrent de leurs corolles blanches, jaunes ou rouges, les arbrisseaux qui les avoisinent, et forment ainsi sur les bords du fleuve des berceaux élégans.

Jamais le fleuve n'est encaissé entre des terrains à pic; mais presque toujours le rivage s'élève en pentes plus

ou moins douces, pour former des collines et quelquefois des montagnes. Souvent ce premier plan a peu de hauteur; mais de petites montagnes se montrent sur un autre plan, et quelquefois leur sommet offre une croupe arrondie, couronnée de verdure et soutenue par des rochers noirâtres et à pic on croirait voir ces forteresses qui avaient été construites, dans des temps reculés, sur le bord de nos fleuves d'Europe, et dont les créneaux sont revêtus aujourd'hui de ronces et de fougères.

Le fleuve présente quelquefois une nappe d'eau parfaitement unie; plus souvent des rocs arrondis d'une couleur obscure s'élèvent du milieu de ses eaux, et, de temps en temps, ils rendent sa navigation difficile. On est obligé de faire glisser les pirogues sur des rochers, et, en certains endroits, il faut qu'elles passent par un canal qui serait trop étroit pour toute autre espèce d'embarcation. Néanmoins, dans l'étendue de rivière que nous parcourûmes le premier jour de notre voyage, une pirogue solide ne court jamais le risque de chavirer, et, dans aucun cas, la navigation ne saurait être dangereuse. En effet, là où le fleuve est profond, ses eaux coulent avec lenteur, et lorsqu'elles passent sur des rochers, elles ont à peine deux ou trois pieds. On sent au reste que dans la saison des pluies, la navigation doit être bien plus facile.

Jusqu'au lieu où nous fimes halte, nous comptâmes vingt-cinq colons nouvellement établis. Dans les endroits où ils s'étaient fixés, on voyait sur les bords du fleuve, une plantation entourée de bois vierges; la mai

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sonnette du propriétaire grossièrement construite, s'élevait au milieu de la plantation, et souvent des vaches paissaient aux alentours. Quelques colons n'avaient fait autre chose qu'abattre le bois là où ils devaient planter du coton, et ils attendaient la fin de la saison sèche, pour mettre le feu aux arbres. D'autres n'avaient point encore eu le temps de se construire une maison, et s'étaient formé des cahuttes avec des bâtons enfoncés obliquement dans la terre, réunis à leur sommet comme les chevrons d'un toit, et couverts de feuilles de palmier.

Nous descendîmes chez un de ces colons, et nous vîmes dans une terre vierge des cotonniers qui n'avaient pas plus de six mois, et dont les tiges, hautes de dix pieds, pliaient sous le poids des fruits. Le propriétaire estimait à cent arrobes, avec semences, le produit de sa plantation, et pourtant elle n'avait qu'une étendue de terre que l'on aurait ensemencée avec les trois quarts d'un alqueirè de maïs. (V. plus haut, p. 181).

Plusieurs îles s'élèvent au milieu du fleuve. A quatre lieues de S. Miguel, nous passâmes devant l'une d'elles, que l'on nomme Ilha do Pão, à cause d'une montagne qui la domine, et à laquelle on a trouvé de la ressemblance avec la forme d'un pain. C'est de l'autre côté de cette île, sur la rive droite du fleuve, qu'est le petit hameau habité par ces Machaculís, dont j'ai déjà dit quelque chose, et sur lesquels je donnerai plus bas des détails étendus.

Avant d'arriver à l'endroit où nous fimes halte, la rivière traverse une chaîne de montagnes peu élevées,

que l'on nomme Serra de S. Simão '. C'est près de cette chaîne qu'un itinéraire des anciens aventuriers paulistes, bien connu dans le pays, place, à ce que l'on croit, le fameux lac appelé Lagoa do Pao Dourado (lac du bois doré), où l'on espère encore trouver d'immenses richesses. Le commandant de S. Domingos avait tenté de découvrir ce lac; guidé par l'itinéraire, il s'était enfoncé dans les forêts, et tout ce qu'il avait vu, assurait-il en ma présence, s'était parfaitement accordé avec les renseignemens laissés par les paulistes. Quelque circonstance l'avait, ajoutait-il, empêché de continuer son voyage avant d'en atteindre le but; mais, malgré son âge avancé, il se proposait de recommencer ses recherches. Le commandant Julião et l'ouvidor de Porto Seguro étaient aussi convenus d'aller ensemble à la recherche du lac dont la découverte fait l'objet de désirs si ardens. Partant l'un de S. Miguel et l'autre des bords de la mer, ils devaient se réunir ensuite. Chacun de son côté suivit l'itinéraire, et crut le trouver parfaitement exact; mais ils s'étaient mal entendus pour l'époque du départ; ils ne se rencontrèrent point, et chacun d'eux retourna chez lui 2.

1 Sans doute un des contreforts de la Serra do Mar.

› C'est sur le territoire de la province de Porto Seguro qu'est situé, dit-on, le fameux Vupabussú, ou Grand Lac qui fut découvert par l'aventurier octogénaire Fernando Dias Paes, et que depuis on appela Lagoa Encantada (le lac enchanté), parce qu'on ne pouvait plus le retrouver. La Serra de S. Simão doit faire partie de la province de Porto Seguro ou se trouver sur ses limites; par conséquent, il me paraît très

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