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Outre l'itinéraire dont je viens de parler, il en existe encore d'autres que l'on attribue également aux paulistes, et qui annoncent de grandes richesses dans quelques-unes des parties du termo de Minas Novas, habitées par les Botocudos. Un soldat, qui m'accom

vraisemblable que le Lagoa Dourada dont il est ici question n'est autre chose que l'ancien Vupabussú. Comme on le verra dans ma deuxième Relation, il existe encore un Lagoa Dourada à quelques lieues de S. João d'El Rey ; il y en a un autre près du village de Boa Morte, sur la route de Villa Rica à Abaité (Eschwege, Bras. Neue Welt., I), et il est assez probable que ces lacs doivent leur nom à des récits merveilleux, semblables à ceux que l'on a faits sur le lac de la Serra de S. Simão. Selon M. le prince de Neuwied, on a aussi placé un Eldorado dans le voisinage d'un lac où se jette le Taïpé; La Condamine parle également d'un Lagoa Dourada; autrefois on croyait que le S. Francisco tirait sa source d'un lac dont le voisinage était habité par des hommes qui portaient des ornemens d'or; enfin Arrowsmith place sur sa carte un lac appelé Laguna del Dorado, qui, suivant M. de Humboldt (Tabl. de la Nature; trad. Eyriès, I), est absolument imaginaire. Ce n'est pas seulement en Amérique que la cupidité a fait courir les hommes après des chimères; mais il est assez singulier que, dans une si grande partie du Nouveau-Monde, on ait constamment mêlé l'idée d'un lac à celle des richesses imaginaires qui ont fait entreprendre tant d'aventures. Si, comme le dit M. de Humboldt, la fable de l'Eldorado doit son origine à un rocher de schiste micacé qui s'élève d'un petit lac fangeux; c'est bien là, il faut l'avouer, l'emblême des illusions qui trop souvent séduisent et agitent les hommes.

pagna pendant quelques jours et qui avait vécu parmi ces Indiens, racontait que, dans un des voyages qu'il avait faits avec eux, il avait suivi un des itinéraires des paulistes, et qu'il avait découvert des trésors; mais il ajoutait que, poursuivi par une tribu ennemie de la sienne, il n'avait pu profiter de ces richesses. Cet homme assurait que, si on lui donnait son congé, il retrouverait aisément le lieu où il avait vu de si grandes choses; mais je n'aurais conseillé à personne de lui avancer beaucoup d'argent sur la fortune dont il prétendait être si certain. Quoi qu'il en soit, on a en général la plus grande confiance dans les itinéraires des anciens paulistes, qui, je crois, ressemblent un peu aux oracles des sibylles; beaucoup de gens les savent par cœur, et c'est, dit-on, en suivant l'un d'eux que l'on a découvert le ruisseau de Tres Americanas, naguère si riche en pierres précieuses. Outre le commandant de S. Domingos, j'ai rencontré dans le termo de Minas Novas quelques hommes qui, avec de petites troupes, s'étaient enfoncés dans les bois pour y découvrir des trésors. Ainsi l'on voit que les habitans de ce pays n'ont point encore renoncé à l'esprit aventureux qui y conduisit leurs pères.

Quoi qu'il en soit, à l'endroit où le Jiquitinhonha traverse la Serra de S. Simão, il a plus de profondeur, et semble couler à peine. Les montagnes qui s'avancent presque sur ses bords, sont couvertes d'arbres serrés, dont le feuillage est d'un vert sombre, et tout le paysage prend une physionomie austère qu'il n'avait pas eue dans le reste de notre navigation.

Nous fimes halte sur le bord du fleuve, à un endroit où les hommes occupés à nettoyer le chemin, avaient fait quelques baraques, et nous dormîmes sous ces chétifs abris. Construites pour la plupart avec des bâtons enfoncés obliquement dans la terre et simplement couvertes avec des feuilles de palmier, ces baraques ne pouvaient guère nous garantir du serein ni de la piqûre des moustiques, et cependant nous passâmes une assez bonne nuit.

La journée suivante, nous ne fimes que six lieues; mais nous fûmes bien dédommagés de la brièveté de notre navigation par les événemens dont nous fûmes les témoins et auxquels nous prîmes part.

Nous étant rembarqués, nous aperçûmes, près du lieu où nous avions couché, une fumée assez épaisse qui s'élevait entre les arbres, à peu de distance du fleuve. « Ce sont sans doute les Botocudos de la troupe de Tujicarama, » dirent les conducteurs de notre pirogue, et dans le même instant, nous vîmes paraître sur le bord du fleuve, plusieurs sauvages, hommes et femmes, qui, en reconnaissant le commandant, donnèrent de grandes marques de joie. Ces Indiens s'avancèrent sur des rochers jusque vers le milieu de la rivière, et nous-mêmes nous descendîmes bientôt sur ces rochers. Le capitaine Tujicaráma, car c'était effectivement lui avec une partie de sa troupe, serra le commandant entre ses bras, en le pressant fortement et à plusieurs reprises contre sa poitrine. Quelquesuns des autres Indiens en firent autant, et je fus également embrassé avec beaucoup de démonstrations de

joie. Le commandant distribua des couteaux et des colliers, et nous nous rembarquâmes.

La troupe de Tujicaráma était, comme celle de Joahima, entièrement familiarisée avec les Portugais. Pour une légère rétribution d'alimens, elle aidait de temps en temps les colons du voisinage, et plusieurs des individus qui la composaient savaient déjà un peu de portugais. Dans le moment où nous la rencontrâmes, cette troupe venait de travailler chez un cultivateur, et elle avait reçu des épis de maïs pour son salaire. Ce grain avait été placé par les Botocudos dans deux pe tites pirogues faites par eux-mêmes. Lorsque nous nous séparâmes des Indiens, quatre d'entre eux s'embarquèrent avec le maïs dans leurs pirogues, et les autres se mirent en marche pour se rendre par terre au poste appelé Vigia (Vigie), situé à deux lieues de l'endroit où nous nous étions arrêtés la veille. ›

F,

Avant que Julião se fût établi à S. Miguel, les Botocudos ne connaissaient point l'usage des pirogues, mais à présent ils savent conduire celles des Portugais. Les hommes de Tujicaráma avaient voulu, comme je l'ai dit, en faire pour eux-mêmes; mais leur coup d'essai réussit mal. Pour se donner moins de peine, ils avaient creusé leurs canots dans des troncs d'arbres très-petits dont ils n'avaient pas même ôté l'écorce. Les nouveaux navigateurs nous suivaient de loin, et dans un endroit où le courant, resserré entre deux rochers, coule avec rapidité, nous vîmes les pirogues chavirer avec le maïs et les paquets de flèches dont elles étaient chargées Quand nous fûmes sur le point d'arriver à la Vigie,

TOME II.

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le commandant me montra, sur la rive gauche du fleuve, un endroit d'où la troupe du capitaine Jan-oé avait tiré sur un sergent de la division. Dans ce lieu même, nous vîmes une fumée obscure sortir du milieu des arbres, et un instant après, deux Indiens parurent sur le rivage. L'un des deux avait le corps barbouillé de noir, et de loin nous l'aurions pris pour un nègre, si une partie de son visage n'eût paru conserver sa couleur naturelle. Ces deux hommes nous crièrent qu'ils ne feraient point de mal aux Portugais, et nous engagèrent à aborder auprès d'eux. Le commandant, ne voulant pas se fier imprudemment à leur parole, nous fit longer la rive droite du fleuve, et bientôt nous arrivâmes à la Vigie.

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Là sont ordinairement postés quelques soldats chargés de protéger la navigation du fleuve. La maison qu'ils occupent a été bâtie sur une colline; elle est fort petite, mais elle suffit pour le nombre de militaires qui y sont cantonnés.

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Peu d'instans après être sortis de notre pirogue, nous vîmes arriver par terre la troupe de Tujicaráma. Les naufragés nous racontèrent leur mésaventure avec beaucoup de gaîté, et paraissaient fort peu sensibles à la perte de leur maïs et de leurs flèches.

Cependant les deux Indiens que nous avions vus sur l'autre rive, et qui appartenaient à la troupe de Jan-oé, continuaient à demander avec instance que l'on vînt les chercher, et assuraient que leurs intentions étaient pacifiques. Cédant à des prières si persé vérantes, le commandant envoya notre pirogue vers le

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