Imágenes de páginas
PDF
EPUB

qu'il ne voulait pas gêner la liberté de sa troupe, que les Machaculís pouvaient se retirer s'ils le jugeaient convenable, mais qu'il n'était pas juste que leurs voisins cultivassent toujours pour eux, et que s'ils s'en allaient dans la saison du travail et des défrichemens, on ne les laisserait point revenir pour l'époque de la récolte. Après avoir nié qu'il eût envie de se retirer, après avoir dit qu'il ne voulait que faire une chasse dans le voisinage, le capitaine des Machaculís finit par avouer qu'il avait véritablement formé le dessein d'abandonner le pays pour n'y plus revenir. « Ma troupe, dit-il à Julião, n'est point accoutumée à vivre uniquement de maïs et de patates; elle a besoin de manger de la viande ; dans ce canton le gibier a été détruit par les Botocudos; si le commandant nous le permet, nous irons nous établir plus bas, mais toujours sur les bords du fleuve. » Alors il indiqua le lieu où il voulait se fixer, et le commandant, trouvant sa demande raisonnable, lui permit de faire ce qu'il désirait. Établis sur les rives du Jiquitinhonha, et à peu de distance du chemin, dans un lieu où il n'y avait point encore de colons, les Machaculís n'auront pas été sans doute entièrement inutiles aux voyageurs.

Le capitaine de ces Indiens avait été élevé parmi les Portugais, et ne savait presque plus sa propre langue. Il répondait, en ricanant, aux questions que le commandant lui adressait, et il n'avait point cet air naïf et ouvert, ces grâces des forêts qui distinguaient les Botocudos, et que peut-être ils auront perdues à leur tour.

Les douze ou quinze maisonnettes qui composaient le hameau des Machaculís étaient bâties sans ordre et ressemblaient à celles des Macunís. Elles étaient petites, carrées, couvertes avec des morceaux d'écorce d'arbres ou des feuilles de palmier. Quelques-unes avaient été construites en terre; les autres n'offraient que des feuilles de palmier passées entre les perches qui leur servaient de charpente. Celles où j'entrai me parurent assez propres. Leur ameublement était semblable à celui des maisons des Macunís.

Les femmes des Machaculís n'ont d'autre vêtement qu'une simple jupe. Le capitaine ne portait qu'un caleçon. Quant aux autres hommes de la troupe, je ne les vis point; ils étaient à la chasse.

Quoique les Machaculís aiment beaucoup la viande, et qu'ils vivent depuis long-temps parmi les Portugais, ils n'ont point pris l'habitude d'élever, comme les Macunís, des cochons et des poules; ils s'étaient contentés de faire, sur les bords du Jiquitinhonha, un grand nombre de ces espèces de trappes à prendre le poisson, semblables à celle que j'avais vue sur les bords du Rio Vermelho, et que j'ai déjà décrite.

Ces Indiens bornent leur culture à planter des patates, racine qu'ils font cuire aussitôt qu'elle est tirée de la terre, et qui ne demande pas les mêmes préparations que le manioc ou le maïs. La plantation des patates est en général celle que préfèrent les peuplades qui ont quelque teinture de civilisation, parce que ce genre de culture s'accommode avec leur paresse. Les Indiens n'arrachent jamais toutes leurs patates à la

fois; mais ils les tirent de la terre à mesure qu'ils en ont besoin, et ne dégarnissant point entièrement les racines, ils ont des tubercules pendant toute l'année.

Les femmes des Machaculís savent filer le coton; elles préparent un cordonnet très-fin, et avec ce cordonnet elles font des sacs et même des hamacs d'un filet semblable à celui des femmes macunís d'Alto dos Bois.

Au milieu des vices qui caractérisent les Machaculís, la paresse, le penchant au larcin, la duplicité, cette peuplade se distingue par une vertu touchante, l'amour des pères et des mères pour leurs enfans. « Autrefois, me répétait une femme machaculí en mauvais portugais, autrefois je filais nuit et jour, je filais pour Luciana Teixeira', et elle m'avait donné un beau couteau que les Botocudos m'ont dérobé; mais j'ai perdu mes deux fils, et à présent je ne puis plus filer. » En disant ces mots, cette femme laissait tomber ses bras sur ses hanches, et sa figure portait l'empreinte d'une amère douleur. Cependant les marques de tendresse que les Machaculís donnent à leurs enfans et à leurs proches ne sont pas toujours, il faut l'avouer, dictées par la rai

On a vu que les Portugais - Brésiliens sont aussi bien loin d'être exempts de paresse. Le penchant au larcin est la conséquence naturelle de la fainéantise. Quant à la duplicité, c'est la ressource du faible contre le fort, et il n'est pas étonnant que les Indiens y aient recours. Les vices des Machaculís me semblent donc être tout simplement le résultat d'une civilisation mal ébauchée.

2 La propriétaire de Boa Vista da Barra do Calhao.

son. Quelqu'un d'entre eux est-il malade, toute sa famille se réunit autour de lui, et les assistans poussent des cris aigus que l'on entend de très-loin.

Comme les Malalís, les Macunís, et les Monochós, les Machaculís parlent du gosier, presque sans ouvrir la bouche, et n'ont dans leur prononciation aucun de ces éclats de voix qui distinguent celle des Botocudos. Par le vocabulaire suivant, on verra que la langue des Machaculís a beaucoup de ressemblance avec celle des Indiens d'Alto dos Bois. Dieu; Tupá. Tête; imtonhom (im, dans ce mot, comme dans les mots malalís, monochós, et macunís que j'ai cités ailleurs, a la prononciation portugaise: c'est notre i simple prononcé du nez).-Yeux; ingué. -Nez; nitsicoe.-Bouche; nhicoi.-Dents; tsooi. - Cheveux; imde (ces lettres ne représentent que très - imparfaitement le mot des Machaculís; des sons extrêmement sourds partent de leur gosier, et ils les poussent entre leurs dents).-Bras; nhimnoi.-Mains; nhimcotoi. -Doigts; nhimcoton. -Cuisses; tchecnoi.-Jambes; kené.-Pieds; patá. -Soleil, apocai. -Lune; puá. Étoile; achi.Genoux; cupaché. Mamelle; tsictan. —

abaai,

[ocr errors]

Eau; conaham.

[ocr errors]

Arbre ; Sapucaia (fruit du lecythis); caiai. Feu; kó (dans la langue des Machaculís, la prononciation de ce mot est beaucoup moins fermée que dans celle des Macunís; c'est un o très-sourd). Dormir; monon. —— - Boire de l'eau; conatchum. Manger; tomon. - Faim; tomamin. — Flèche; pahan.-Grand; tacotchum.—Très-grand; miptsotoi (ce dernier mot désigne peut-être le com

paratif, car il y en a un autre qui exprime un degré de grandeur plus élevé 1. )

Après avoir fait notre visite aux Machaculís, nous nous rendîmes directement à S. Miguel, et nous trouvâmes chez le commandant la troupe de Jan - oé et celle de Tujicaráma qui étaient arrivées par terre. Avec les hommes de Joahima, tous ces Indiens remplissaient la maison de Julião; on leur donna à manger, et ils paraissaient fort contens.

Cependant le lendemain on vit arriver au hameau une autre troupe de Botocudos, celle du capitaine ARIARI, qui habitait la rive gauche du fleuve, à peu de distance du village de S. Miguel. Les hommes d'Ariarí avaient appris des Portugais à faire de petites pirogues, et ils s'en servaient pour passer la rivière.

Parmi eux étaient deux jeunes gens qui avaient été élevés au hameau par le commandant lui-même. Parvenus à l'âge de quinze ou seize ans, ils s'étaient, enfuis, et avaient repris les habitudes de la vie sauvage; mais de temps en temps ils revenaient à S. Miguel, et leur ancien maître les recevait avec bonté.

Après l'arrivée des gens d'Ariarí, ceux de Jan - oé devinrent tristes. Le jeune Botocudo qui, comme on

[ocr errors]

L'orthographe suit encore ici la prononciation portugaise. J'engage les voyageurs qui formeront des vocabulaires indiens, à s'occuper de l'accentuation plus soigneusement que je n'ai malheureusement songé à le faire. Ce sera un moyen de donner une idée moins inexacte des idiomes barbares des Américains.

« AnteriorContinuar »