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répondit qu'ils attribuaient la divinité au soleil'. Ils ont, ajouta-t-il, d'anciennes prières qu'ils adressent à cet astre pour lui demander la victoire sur leurs ennemis, et le bonheur après leur mort. Depuis qu'ils vivent, pour ainsi dire, au milieu des Portugais, c'est au soleil qu'ils ont appliqué tout ce qu'on leur a dit du Dieu des chrétiens, et leur foi dans cet astre n'a fait qu'augmenter. Tous, quand ils sont malades, demandent le baptême, et ils pensent que, par ce sacrement, ils seront réunis au soleil, et que là ils vivront parfaitement heureux, vêtus, ne connaissant plus la faim, et n'ayant plus rien à craindre de leurs ennemis.

Ces idées, l'ignorance où sont les Botocudos du mot tupá, tupan ou tupana (Dieu), leur langage différent de celui de tant d'autres peuplades, leurs ornemens bizarres, tendent à prouver, je le répète, qu'ils n'ont pas tout-à-fait la même origine que les autres In

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Voyez ce qui a été dit plus haut, au chap. VII, sur les croyances des Botocudos.

* Je ne saurais, je l'avoue, m'empêcher d'avoir des doutes sur cette particularité.

3 Non-seulement ce mot se trouve dans la langue des divers Indiens dont j'ai fait mention, mais encore dans la lingua geral, parlée avec des différences au nord de Rio de Janeiro et au Paraguay. « Eá vulgò utuntur circiter decem "nationes barbarorum qui juxta littora atque etiam in medi<< terraneis degunt. » Laet. Nov. Orb., cap. 3, p. 645, dans le Dicc. Port. e Bras. Hervas, au rapport de Southey, compte seize nations qui parlaient des dialectes d'un même langage, qui n'est autre que la lingua geral dont il s'agit ici.

diens. Les Botocudos semblent par leurs traits se rapprocher plus particulièrement de la race mongole, et le chant des Chinois n'est réellement que celui des Botocudos extrêmement radouci '. Ne serait-il pas possible qu'ils vinssent du plateau de l'Asie, tandis que d'autres peuplades devraient leur origine à quelqu'un des rameaux les moins nobles de la race caucasique, tel que le phénicien, rameau qui se serait altéré en Amérique par l'influence du climat et par des mélanges avec les Indiens de race plus décidément mongole ? Ce qui me paraît presque certain, c'est que la race africaine tend à se perfectionner dans les parties de l'Amérique que j'ai parcourues, et la race caucasique à s'y détériorer. Si l'on veut lire les récits d'Azara, qui fut si exact, et qui à cet égard n'était prévenu par aucun système, je présume qu'on aura moins de peine à adopter cette idée, sur laquelle j'aurai peut-être occasion de revenir3.

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Voyez l'Introduction à l'Histoire des Plantes les plus remarquables du Brésil et du Paraguay.

Ces mélanges sont indiqués par les traditions des Indiens de Passanha que j'ai déjà rapportées.

3 Vasconcellos, au rapport de Southey, divise les Indiens en deux classes, les sauvages et ceux qui étaient d'un caractère doux ( tame and wild Indians ). Parmi les derniers, il comprend tous ceux qui parlaient la langue tupi ou lingua geral; quant aux autres, il les appelle Tapuyas, et il considère comme une branche de ceux-ci les Aymorés, souche des Botocudos. Daus mon hypothèse, les Tapuyas seraient mongols ou plus décidément mongols, et les Indiens de la langue tupí auraient quelque chose d'un des

Je passai l'Arassuahy à Boa Vista da Barra do Calhao, et je mis deux jours pour me rendre au village de S. Domingos, situé à huit lieues et demie portugaises de cette habitation.

Ce pays fut autrefois couvert de catingas; mais principalement jusqu'à la fazenda de S. Rita, je trouvai ces bois remplacés presque partout par des plantations de cotonniers ou par des capoeiras. Depuis que je voyageais dans la province des Mines, je n'avais pas encore vu une si grande étendue de terres en cul

rameaux les moins nobles de la race caucasique. George de Horn pense que, dans les temps reculés, l'Amérique fut peuplée par des Huns et des Tartares - Catayens, et qu'ensuite des Carthaginois et des Phéniciens furent jetés sur la côte occidentale du nouveau continent. Non seulement mon hypothèse est conforme à l'opinion de ce savant, mais encore elle s'accorde avec les faits et la tradition historique. En effet, les descendans des Mongols, arrivés en Amérique à une époque extrêmement ancienne, devaient être moins civilisés que ceux des Phéniciens, et, lorsque ces derniers débarquèrent, ils durent, pour s'établir, être forcés de repousser les premiers vers l'intérieur. Or, d'un côté, la tradition historique nous apprend que les Tapuyas, les plus anciens habitans du Brésil, furent chassés du littoral par les Tupís; et d'un autre côté, ceux-ci, dans l'état sauvage, étaient plus civilisés que les Botocudos représentans actuels des Tapuyas, puisque nous savons que, vers le temps de la découverte, les Indiens de la côte de Rio de Janeiro, de race tupí, cultivaient la terre, faisaient des fortifications, et connaissaient l'art de naviguer dans des pirogues.

ture. Le chemin suit toujours le cours de l'Arassuahy; et, dans certains endroits, la vue doit être charmante, lorsque les arbres sont couverts de fleurs et de verdure. Il n'en était pas ainsi à l'époque où je voyageais; les feuilles à demi flétries des cotonniers pendaient sur leur tige; les plantes étaient desséchées presque jusqu'aux bords de la rivière, et là seulement s'élevait une ligne étroite de verdure formée par quelques arbrisseaux et par cette graminée à feuilles en éventail que j'ai déjà décrite. Il régnait dans toute la nature une profonde immobilité, et un Européen devait en être frappé d'autant plus que nous sommes accoutumés à voir le défaut de verdure accompagné du bruit des pluies et de celui des ouragans 1.

Ce ne sont pas seulement les cotonniers que l'on cultive dans ce canton. Il produit aussi du maïs et des haricots, et l'on peut même planter du riz sur le bord de la rivière. Le maïs rend jusqu'à deux cents pour un; mais les grandes sécheresses sont fréquentes, et alors les récoltes manquent : l'année où je voyageais en fut un exemple 2.

La culture suppose toujours des habitations, aussi en trouvai - je un assez grand nombre dans l'espace

A une demi-lieue de S. Domingos, le chemin s'éloigne de l'Arassuahy, et alors, ce qui est assez singulier, je trouvai les arbres moins dépouillés de feuilles.

2 On me dit dans le pays que ce n'était pas seulement en septembre qu'on semait le maïs, mais qu'on pouvait aussi

le semer à la Saint-Jean.

de terrain que je parcourus le jour que je quittai Boa Vista; mais elles n'annonçaient point l'opulence. Je fis halte à celle de Santa Rita, dont le propriétaire, qui était un vieillard, père de quinze enfans, m'accueillit avec beaucoup d'hospitalité. Quoique paraissant jouir de quelque aisance, M. MARTINHO VIEIRA dos SANTOS n'était qu'un simple charpentier, et cependant il ne voulut rien recevoir pour ma nourriture, ni même pour celle de mes bêtes de somme.

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Mon hôte me fit voir sur les bords de l'Arassuahy une mécanique que lui-même avait construite, et qui faisait mouvoir en même temps des cylindres propres à séparer le coton de ses graines, et des pilons destinés à tenir lieu de manjola et de moulin à moudre. L'eau faisait tourner une roue placée à l'extrémité d'un axe assez long. Dans son milieu, cet axe était traversé par les pièces de bois qui soulevaient les pilons; et, l'extrémité de l'axe opposée à celle où était la grande roue que l'eau faisait mouvoir, en était une autre plus petite également verticale. Cette dernière s'engrenait avec une autre roue verticale comme elle, et sur l'axe de cette roue était bâti un tambour qui mettoit en mouvement les petits cylindres destinés à séparer le coton de ses graines.

Lorsque j'étais chez M. Martinho Vieira dos Santos, un nègre à qui l'on avait mis un collier de fer vint se jeter à mes pieds, me conjurant d'intercéder aupres de son maître en sa faveur. Quelques mots me suffirent pour mettre un terme à la punition de ce malheureux, et cependant il était visible que le maître ne cédait qu'avec

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