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loin je traversai cette rivière, et alors il était déjà nuit. Mes effets furent déchargés; on les transporta dans une longue pirogue, et mes mulets passèrent la rivière à la nage, tenus par la bride.

A l'endroit où j'étais arrivé pour traverser la rivière, elle n'a qu'une médiocre largeur; mais elle est profonde, et sa surface parfaitement unie. On voit de l'autre côté la maisonnette où l'on reçoit le péage. Cette maison est élevée d'une cinquantaine de pieds au-dessus de la rivière, et l'on y arrive par une pente douce. Autour d'elles sont des carrascos, qui alors étaient sans feuilles, et un peu plus loin s'élèvent des collines, où l'on n'apercevait également aucune verdure. En face de la maison du péage, sur le bord même de la rivière, est un arbre touffu; dont le pied

guassu; mais, pour être conséquent, il faudrait alors que les Portugais - Brésiliens écrivissent Araçuahy, Vupabuçu, et cependant ils ont consacré Arassuahy et Vupabussu. 2o Pour écrire le mot eau en guarani ou dans la lingua geral, il s'agissait de peindre un son guttural qui, comme le dit très-bien l'auteur du Diccionario Portuguez-Brasiliano, se forme en repliant la langue, en inclinant sa pointe et poussant du gosier un son qui participe de l'i et un peu de l'u. Je pense qu'en allemand le mot serait aussi bien rendu que possible par les lettres hig; mais les jésuites travaillaient pour des Espagnols et des Portugais, et non pour des Allemands; le P. A. Ruiz, auteur du Tesoro, a écrit i, donnant toujours au signe une prononciation gutturale, et l'auteur anonyme du Diccionario à employé l'y, pensant que chez les anciens Grecs la prononciation de cette lettre était celle du portugais ug,

est baigné par les eaux, et qui s'incline vers leur surface. Il n'avait pas perdu une seule de ses feuilles, et les grands végétaux dépouillés de verdure que l'on apercevait de tous côtés, donnaient à la sienne plus de mérite encore. Devant cet arbre, une ligne de rochers 's'élève au-dessus de la rivière du milieu de son lit, et embarrassé son cours. La lune, si brillante dans ces climats, éclairait ce paysage; une douce fraîcheur se faisait sentir; l'air était embaumé par les fleurs des cestrum (en brésilien-portugais cuarana ou coirana), dont les feuilles froissées répandent une odeur si fétide; la nature entière était plongée dans cette immobilité qui rend si délicieuses les soirées des tropiques, et l'on n'entendait d'autre bruit que celui des eaux qui frappaient les rochers.

en français oug. D'après tout ceci et l'opinion que j'ai professée plus haut, il est évident qu'il serait mieux d'écrire Iguaçu avec Pizarro qu'Hyguassú, comme je l'ai fait. Cependant je dois faire observer que les Brésiliens ont sans doute cru peindre le son d'i par hy, car ils s'accordent à faire entrer cette orthographe à la fin des mots composés, comme jacuhy, arassuahy, capivarhy, sapucahy, piauhy, etc.; ainsi, si j'ai eu tort d'écrire Hyguassú, j'ai pourtant été conséquent en adoptant cette orthographe tant pour hy que pour guassú. Je ne puis m'empêcher de désirer que quelque Brésilien instruit tire enfin l'orthographe nationale de l'incertitude où elle a été jusqu'à présent. Cela exigerait sans doute une étude approfondie du guarani; mais les travaux de Pizarro ont prouvé que l'on peut espérer des Brésiliens toutes les recherches qui intéressent leur pays.

Il existe plusieurs ports (portos) ou lieux de passage depuis l'origine de l'Arassuahy jusqu'à son embouchure. Tous les trois ans, les péages des ports de toutes les rivières se mettent à l'enchère à Villa Rica, et c'est un des revenus de la province. Les péages de l'Arassuahy étaient, lors de mon voyage, affermés quatre mille cruzades. Au Porto do Defunto Rosario, où je passai cette rivière, on payait quatre vintēis d'or (près d'un franc) par cheval ou mulet, et deux vintēis par personne, ce qui est réellement un droit énorme. Ordinairement les cultivateurs font un abonnement avec le fermier; il est défendu à tout autre qu'aux abonnés de passer ailleurs qu'aux ports, et ceux qui enfreignent ce réglement sont condamnés à une forte amende. Quant à moi, mes passe-ports et la considération que l'on voulait bien m'accorder partout m'exemptèrent du péage.

Au-delà de Boa Vista da Barra do Calhao, j'avais côtoyé la rive gauche de l'Arassuahy; mais après le passage du Porto do Defunto Rosario, je me trouvai sur la rive droite. Jusqu'à Agua Suja le chemin est à peu près parallèle à la rivière. Les bords de celle-ci présentent un étroit cordon de verdure (26 juin 1817), des habitations éparses et des terrains cultivés; mais quand la route s'éloigne de la rivière, on ne voit plus ni maison, ni culture.

Agua Suja, chef-lieu d'une paroisse ', est situé au

Suivant l'auteur des Memorias historicas do Rio de Janeiro, vol. VIII, p. 2da, Agua Suja fut fondé en 1728, et

pied d'une colline, à l'endroit où un ruisseau appelé également Agua Suja (eau sale) se jette dans l'Arassuahy. Ce village est principalement formé d'une rue qui s'étend au-dessous du confluent, le long de l'Arassuahy, et qui, formant un coude, remonte un peu sur le bord de l'Agua Suja. La rue est étroite et pavée. Les maisons sont généralement petites, basses et carrées; toutes sont couvertes en tuiles; la plupart sont bâties en adobes; elles ont peu de fenêtres, et les toits, s'avançant beaucoup au-dessus des murs des maisons, rendent la rue un peu sombre. Outre cette dernière, deux églises et quelques maisons éparses s'élèvent sur le penchant du petit morne qui domine la plus grande partie du village. Dans le temps des pluies, le ruisseau d'Agua Suja est assez large; mais, lors de mon voyage, ce n'était qu'un filet d'eau qui coulait entre des quartiers de rochers. L'Arassuahy était beaucoup plus considérable; mais ses eaux avaient une couleur rouge, due aux terres délayées des lavages de Chapada.

érigé en paroisse en 1729; ce village est situé par le 16° 36′ lat. et le 335° 35′ long., à huit 1. nord-quart-nord-est de Villa do Fanado; et l'on y compte 95 feux et 760 habitans. Le même auteur ajoute que la paroisse d'Agua Suja s'étendait autrefois jusqu'au Jiquitinhonha; que c'est de son territoire qu'a été détachée la nouvelle paroisse de S. Miguel; mais qu'il reste encore à Agua Suja, pour succursale, le village de Sucuriú, ou, comme il écrit, Sucruyú, qui en est éloigné de deux lieues; et qu'enfin la population du ressort actuel de la paroisse d'Agua Suja s'élève à 7500 individus.

Comme tant d'autres, le village d'Agua Suja a été bâti par des chercheurs d'or. Ils construisaient des digues, pour resserrer les eaux de l'Arassuahy, et lavaient le sable aurifère dans la partie du ruisseau qu'ils avaient mise à sec. Aujourd'hui il n'y a plus dans le village et ses environs d'hommes assez riches pour se livrer à ce genre de travail, et l'on y a renoncé. La plupart des maisons d'Agua Suja appartiennent à des cultivateurs qui n'y viennent que le dimanche; aussi les trouvai - je presque toutes fermées. Le maïs réussit assez bien dans les environs d'Agua Suja, lorsque les sécheresses ne sont pas trop fortes. Quant aux cotonniers, ce canton leur est moins favorable que le pays des catingas, parce que le terrain est ici plus élevé,et que la température y est moins chaude. Ce qui fait vivre la plus grande partie des habitans d'Agua Suja et des alentours, c'est la fabrication des couvertures et des grosses toiles de coton. Par commande, on fait aussi dans ce village des serviettes ouvrées assez fines; mais elles sont d'un prix exorbitant. Chaque particulier fabrique sa toile chez lui, et, comme dans tout le pays, il n'y a à Agua Suja aucune manufacture.

Je fus logé dans une jolie maison qui appartenait au juiz de fóra de Villa do Fanado; et de la galerie de cette maison, je pouvais juger parfaitement la position charmante du village. Il est baigné, comme on l'a vu, par l'Arassuahy. Un peu avant de recevoir le ruisseau d'Agua Suja, la rivière décrit un coude, et elle semble bornée dans son cours par des collines escarpées couvertes de bois. Vers le confluent du ruisseau, les

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