Imágenes de páginas
PDF
EPUB

eaux de l'Arassuahy forment une cascade très - basse, et s'échappent avec bruit entre des rochers noirs. Enfin de l'autre côté de la rivière, en face du village, s'élè vent des collines boisées, sur le penchant desquelles on voit quelques maisons.

Quand je sortis d'Agua Suja, je fus environné par des musiciens qui avaient à leur tête la bannière du SaintEsprit. Ils chantaient les louanges du Senhor Cavalheiro, titre que l'on voulait bien me donner, et ils me demandèrent quelque chose pour une fête analogue à celle que j'avais vue à S. Domingos. Je fis ma petite offrande; et mon muletier, le bon Silva, observa trèsjudicieusement qu'aucune aumône ne pouvait être mieux employée.

Après avoir quitté Agua Suja, je traversai des bois dépouillés de feuilles, qui pouvaient encore se mettre au rang des catingas; et ensuite je montai sur un morne très- élevé, où la végétation change peu à peu, et devient enfin celle des campos. Ce fut avec un extrême plaisir que je revis des fleurs et des arbrisseaux qui n'étaient pas entièrement dépouillés de feuilles.

J'arrivai bientôt à Chapada, et je logeai encore chez le curé de ce village, qui me reçut aussi bien que la première fois. Je ne pouvais être mieux placé pour m'instruire des différences qui, sur certains points, existent entre le diocèse de Marianna et celui de Bahia, auquel sont soumises, comme je l'ai dit, les Minas Novas'.

1 Des constitutions destinées à régir le diocèse de Bahia

Il paraît que la simonie n'est pas aussi généralement répandue dans l'archevêché de Bahia, où j'étais alors, qu'elle l'est dans le diocèse de Marianna, et, la première fois que j'entendis la messe dans les Minas Novas, je fus frappé de la décence avec laquelle le prêtre la célébra; bien différent en cela d'un si grand nombre de ses confrères, qui s'acquittent du même devoir avec une rapidité que l'on serait tenté de prendre pour le résultat d'une gageure'. Dans le diocèse de Bahia, la portion congrue des curés n'est que de cinquante mille reis; mais comme ceux de Minas Novas reçoivent la leur de l'administration de la province des Mines, ils ont été assimilés pour leurs appointemens aux autres curés de la même province'. Les concours pour les cures continuent à avoir lieu dans l'archevê

furent données à ce diocèse en l'année 1707 par l'archevêque D. Sebastião Monteiro da Vide.

La décence dont je fais ici l'éloge n'était-elle point particulière à l'ecclésiastique qui l'observait?

Au commencement des découvertes, les dîmes, dans toutes les conquêtes des Portugais, furent abandonnées à la couronne, qui se chargea de soutenir le clergé. (South.) Les portions congrues des curés n'étaient originairement que de 35 mille reis; mais, par un ordre du roi (carta regia) du 23 novembre 1608, elles furent pour la plupart élevées à 50 mille reis, et un autre ordre, du 16 février 1718, porta à 200 mille reis les appointemens des curés de Minas Geraes et Saint-Paul. (Piz.) — Cette note et celle de la page précédente peuvent servir à jeter du jour sur ce qui a été dit sur le même sujet dans le chapitre X du premier volume.

che de Bahia; mais pour peu qu'une cure soit bonne, on la sollicite, et les sujets présentés au roi, par suite du concours, ne sont jamais nommés. Dans le diocèse de Bahia, les prêtres ne paient point de provisions pour dire la dire la messe, comme dans celui de Marianna; mais ils en paient pour confesser et pour prêcher. Comme Chapada, S. Domingos, Villa do Fanado ne sont pas éloignés de beaucoup moins de 150 lieues de la ville de Bahia; il serait difficile que les archevêques vinssent y donner la confirmation. Ne pouvant se transporter pour administrer ce sacrement dans toutes les parties de leur vaste diocèse, ils délèguent à cet effet de simples prêtres qui les remplacent. En général, à cause de l'embarras des localités, on a accordé aux évêques du Brésil des pouvoirs beaucoup plus étendus que n'en ont ceux du Portugal.

Je me rappelle qu'étant à Chapada, je me trouvai sur la place publique, au moment où l'on sonnait l'angelus, et je vis pratiquer un usage qui est général dans tout ce pays. Lorsque la cloche se fait entendre, chacun s'arrête, se découvre, applique ses mains l'une contre l'autre et fait sa prière. Cet acte terminé, on salue ceux que l'on connaît et l'on continue à vaquer à ses affaires. Le même usage s'observe dans l'intérieur des maisons, toutes les fois que l'on sonne l'angelus.

Je n'ai pas dit ce qu'était devenu le Botocudo Firmiano, depuis qu'on me l'avait amené au Quartel de Teixeira. Étant à S. Domingos, j'avais congédié Raimundo; mais l'Indien, tout occupé d'un cheval que j'avais acheté pour lui, avait peu songé à son com

TOME II.

17

pagnon. Ce pauvre Firmiano avait tout le caractère des hommes de sa race. Comme les enfans, il imitait ce qu'il voyait faire; comme eux il avait des caprices, et voulait être servi dès qu'il avait parlé; sans cesse il demandait du sucre, et il boudait lorsqu'on lui en avait refusé. Quand mon domestique Prégent restait par derrière, il trouvait un très - grand plaisir à le faire galoper. Le jour de mon arrivée à Chapada, il se mit à trotter devant nous, et, quand il fut hors de notre vue, il se cacha dans des broussailles pour nous faire peur ensuite lorsque nous passâmes.

Je fus obligé de rester deux jours à Chapada, parce qu'on n'avait pu trouver mes mulets, qui avaient été lâchés dans la campagne. En quelques endroits il existe des pâturages enclos; mais, dans beaucoup d'autres, il n'y en a point, et l'on est obligé de laisser les mulets paître en liberté. Ordinairement ils s'éloignent peu de l'endroit où on les a conduits, et quelquefois je les ai vus revenir d'eux-mêmes vers nous pour recevoir leur ration ordinaire de maïs ; mais lorsqu'il y a dans la troupe une bête qui n'est pas encore accoutumée à aller avec les autres, il est assez ordinaire qu'elle s'écarte, et elle est presque toujours suivie par quelques-uns de ses nouveaux compagnons.

J'arrivai enfin à Villa do Fanado, après avoir voyagé dans un espace de 13 lieues sur le territoire de quatre paroisses. Il faut que jadis ce canton reculé fût bien abondant en or, pour qu'on y ait fondé un aussi grand nombre de villages sur une étendue de terrain si peu

considérable. Cependant, depuis que l'agriculture a remplacé dans ce pays les recherches des mineurs, tout a dû nécessairement y prendre une face nouvelle. La culture des terres établit une égalité de fortune qui ne saurait être le résultat du travail aventureux des mineurs. Il n'y a pas dans le termo de Minas Novas autant de particuliers riches que dans beaucoup d'autres parties de la province; mais aussi il y existe moins de misère. On n'y voit point, comme autour de Villa Rica, des villages presque abandonnés et des fazendas qui tombent en ruines. Les colons y sont habillés d'étoffes assez grossières; mais ils ne portent pas de vêtemens en lambeaux, et comme les toiles de coton sont ici à bon marché, et qu'un grand nombre d'habitans en fabriquent dans leur propre maison, les nègres euxmêmes sont mieux vêtus qu'ailleurs'. Cependant, il faut le dire, un obstacle s'oppose à l'aisance des habitans de cette contrée; c'est l'usage où l'on est de tout vendre à crédit. Les chevaux, les esclaves s'achètent à plusieurs années de terme; le vendeur qui court des chances ne veut se défaire de sa denrée qu'à des prix qui en surpassent la valeur réelle; l'acheteur se laisse séduire par de trompeuses espérances; empressé de posséder, il songe peu à l'avenir, et il accorde sans peine le prix qu'on lui demande; mais souvent l'esclave ou les bestiaux meurent avant que le nouveau propriétaire en

Tout ceci est surtout applicable aux parties du termo de Minas Novas qui avoisinent le plus le chef-lieu. On verra que le Sertão a d'autres habitudes.

« AnteriorContinuar »