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l'oranger amer, son fruit y aurait sans doute conservé le nom de laranja agra qu'il a en Portugal et à Madère, et personne n'aurait probablement songé à nommer un arbre qu'on aurait fait venir d'Europe oranger indigène (laranjeira da terra). N'est-il donc pas vraisemble, contre l'opinion des botanistes modernes, que l'oranger amer n'est que le type primitif des orangers à fruits doux, et que des graines de ces derniers, nées d'elles-mêmes, auront reproduit ce même type dans plusieurs endroits du Brésil, d'où sera yenu naturellement le nom d'oranger indigène? Un fait milite peutêtre encore en faveur de cette opinion, c'est que le fruit de l'oranger amer est plus doux sous le climat chaud de Bahia et de Rio de Janeiro que sous la température beaucoup plus froide de Rio Grande do Sul, ce qui tend à prouver que cet arbre est susceptible d'être modifié, suivant les influences auxquelles il est soumis '1.

Quoi qu'il en soit, les Mineiros ont coutume de servir les oranges coupées par quartiers en même temps qu'ils servent les autres mets; on mange des haricots, du riz ou tout autre chose, et en même temps on prend des quartiers d'oranges dans un plat qui en est rempli. Ce mélange paraîtra bizarre à ceux qui ne l'ont point essayé,

Pizarro (Mem. hist., vol. VII, p. 100) dit qu'il existe à Rio de Janeiro trois qualités (sous-variétés) de laranjas da terra; l'une très-douce, une autre aigre-douce, et la troisième très-acide. L'existence de ces trois sous-variétés tend, ce me semble, à confirmer encore ce que j'avance; car on voit ici un retour gradué vers le type primitif.

mais il est réellement très-agréable. Les Brésiliens pèlent les oranges en enfonçant de la main gauche une fourchette dans le fruit, en assujétissant ainsi ce dernier, et enlevant l'écorce tout autour avec le couteau qu'ils tiennent de la main droite. Ils font cette opération avec beaucoup de vivacité; mais on sent qu'ils doivent laisser à l'écorce des portions de la pulpe'.

A environ une lieue et demie de Gangoras, je passai par l'habitation de Sobrado, l'une des plus grandes et des mieux tenues du termo de Minas Novas. A Sobrado, la végétation change de nature, et ce sont des bois que l'on apperçoit de tous les côtés sur les mornes. Il me fut impossible de découvrir la cause d'un tel changement, car le terrain ne me parut point avoir éprouvé de variation, et les mornes n'étaient pas moins élevés que ceux où j'avais passé auparavant. Au reste, les bois voisins de Sobrado different beaucoup des forêts vierges; ils n'ont ni le même aspect ni la même hauteur; ils n'offrent aucune continuité, mais ils sont disposés par bouquets, et entremêlés de carrascos plus ou moins hauts et d'espaces simplement herbeux. Sur plusieurs côtes pierreuses, je revis, entre Gangoras et le village d'Arassuahy, cette singulière composée à tige laineuse (lychnophora) que j'avais déjà trouvée près de Capellinha, et que l'on appelle ici canella d'ema (jambe d'autruche), nom que l'on donne ailleurs à des vellozia.

On m'a assuré que cette manière de peler les oranges n'était point générale.

Comme il n'est peut-être pas inutile de faire connaître les développemens successifs du caractère et de l'intelligence du Botocudo Firmiano, je dirai de temps en temps quelques mots sur ce jeune homme. Il n'y avait pas un mois qu'il avait quitté son pays, et déjà il était parfaitement accoutumé à notre manière de vivre. Il se montrait docile, assez gai et d'un caractère doux; mais il était très-paresseux et fort gourmand. Habitué à se nourrir de viande, il ne voulait point manger de haricots; sans cesse il lui fallait du sucre, et un jour il se mit à pleurer, parce qu'il trouvait que Prégent ne lui en donnait pas une portion suffisante. Il aimait toujours beaucoup son cheval, et il en prenait un très-grand soin. Étant à Villa do Fanado, il nous dit qu'il voyait bien que le soldat Raimundo l'avait trompé, puisqu'il ne venait pas le rejoindre comme il l'avait promis; mais cette réflexion ne lui inspira pas. la plus légère tristesse.

Le jour que je quittai la fazenda de Gangoras, je fis halte au village d'Arassuahy1. Je m'arrêtai à une auberge, ce qui ne m'était pas arrivé depuis longtemps, et je fus installé avec mes gens dans des chambres étroites et sans croisées. Des appartemens de ce genre ne sont pas au reste particuliers à cette hôtellerie. Dans toute la contrée, les maisons qui n'ont point été bâties par des hommes riches, sont généralement

Il ne faut pas confondre ce village avec Nossa Senhora de Bom Successo e Almas de Arassuahy, paroisse de la justice de Barra, au conflucnt du Rio das Velhas.

divisées en petites cellules où l'on a de la peine à pou

voir se retourner '.

Le village d'Arassuahy est une succursale de Villa do Fanado qui en est éloigné de vingt- six lieues. Il est situé dans un fond et dominé par des mornes dont la végétation maigre communique à tout le paysage un air de tristesse. Au-dessous du village, coule la rivière dont il a emprunté le nom et qui, dans cet endroit, sépare le termo de Minas Novas de celui de Villa do Principe. Les maisons d'Arassuahy forment les deux côtés d'un carré long; elles sont construites avec une terre d'un gris cendré, petites, couvertes en tuiles, et elles ont des fenêtres très-étroites. L'église, dont l'extérieur est joli, se trouve placée à une distance à peu près égale des deux rangs de maisons, et, devant elle, est une petite terrasse entourée d'une balustrade en bois. Presque toutes les maisons d'Arassuahy appartiennent à des cultivateurs qui n'y viennent que les dimanches et les jours de fête; et, pendant les jours ouvrables, le village reste désert.

Le canton où Arassuahy se trouve situé, est certainement un des plus élevés de la province; car il avoisine les sources de la rivière qui donne son nom au village. A l'époque où je parcourais ce pays, l'air devenait très-frais au coucher du soleil; mais aussitôt que cet astre se montrait sur l'horizon, il s'opérait un chan

J'ai parlé ailleurs (vol. I, p. 128) de chambres que l'on donne aux voyageurs sur la route de Rio de Janeiro à Villa Rica et qu'on appelle casas d'escoteiro. On a deux fois imprimé à tort casa d'escuteiro. Escoteiro vient d'escote (écot).

gement dans la température. Pendant deux jours le temps resta couvert, et alors il ressemblait à celui de nos journées d'octobre. Les environs d'Arassuahy me parurent avoir beaucoup d'analogie avec. ceux de Penha pour leur élévation et la nature de leur sol. Ces deux villages au reste ne peuvent guère être éloignés de plus de quatre à cinq lieues; et, le jour où je vins faire halte à Arassuahy, je découvris les hautes montagnes voisines de Penha.

Je profitai de mon séjour à Arassuahy, pour aller à Itangua rendre au capitão mór Meirelles des malles que je lui avais empruntées. Dans la province des Mines, toutes les classes de la société montrent une politesse pleine de bienveillance; mais jusqu'alors je n'avais trouvé le ton de la bonne compagnie que dans la famille du capitão mór. Les dames qui en faisaient partie ne se cachaient point, elles avaient l'usage du monde, et leur conversation était agréable. Cependant, comme presque toutes les Brésiliennes que j'avais vues auparavant, les dames d'Itangua avaient cette voix rauque, que fait probablement contracter aux femmes de ce pays l'habitude de commander à des esclaves.

De retour à Arassuahy, je partis bientôt pour les forges de Bom Fim, qui en sont éloignées de deux lieues et qui appartiennent au capitaine MANOEL JOZÉ ALVES PEREIRA. Je passai bientôt dans des fonds couverts de bois. En plusieurs endroits, on avait brûlé les arbres, et ils avaient été remplacés par cette grande fougère que je n'avais pas vue depuis que j'avais quitté Villa do

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