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vère, et qui s'appuyait sur un bâton. Cet homme, vêtu peu près comme un mendiant, donnait, à l'aide d'un papier écrit à la main, des leçons de lecture à deux épais négrillons, les fils du propriétaire de la métairie. Les élèves se tenaient debout avec l'air de la crainte; le maître était assis; il se servait de son bâton pour inculquer sa science aux deux jeunes garçons, et le père de ceux-ci invitait l'instituteur à ne pas être trop indulgent.

Immédiatement après avoir quitté Barbados, je montai sur un morne élevé, très-pierreux. De l'autre côté de ce morne, on entre déjà sans doute dans le bassin du Jiquitinhonha, et le pays présente un autre aspect que celui où j'avais voyagé jusqu'alors. Le sol est beaucoup moins inégal, et l'on découvre une immense étendue de vastes plateaux peu élevés, couverts d'herbes et de petits arbres, et coupés de vallées peu profondes.

Après avoir traversé deux de ces plateaux, je découvris, sur le penchant du morne que termine le dernier d'entre eux, une vue extrêmement agréable. J'aperçus une très-grande vallée ou plutôt une plaine où des bouquets d'arbres s'élevaient çà et là du milieu des pâturages. La couleur grisâtre des graminées presque desséchées, faisait ressortir le vert gai de quelques plantations de cannes à sucre, et un groupe d'habitations répandait de la variété dans le paysage.

Ce petit hameau où je ne tardai pas à arriver, et qui se compose de trois propriétés assez importantes, s'appelle Pé do Morro (pied de la montagne), nom qui sem

ble indiquer l'entrée du bassin du Jiquitinhonha. Celle des trois habitations où je fis halte sert d'auberge aux voyageurs, et, placée sur la route du Sertão à Bahia, elle est très - fréquentée. A Pé do Morro, la terre est d'un rouge obscur, et la poussière salit le linge et les habits. Ce hameau est à peu près sur la limite du termo de Villa do Principe et de celui de Minas Novas.

Il y avait plusieurs jours que j'étais fort tourmenté par les carrapatos (ricinus). Depuis que j'avais été si incommodé de ces animaux à Villa do Principe, ils avaient sensiblement grossi, et, dans le même paquet, on en trouvait de différentes tailles; ce qui prouverait, si l'on en pouvait douter, que les grandes et les miudos ne forment qu'une seule espèce. Il faut qu'il y ait, dans ce pays, une immense quantité de ces insectes ; car il est impossible d'aller, sans en être couvert, dans un endroit où paissent les mulets.

Le canton que l'on traverse en quittant le hameau de Pé do Morro est inégal, sans être montueux; il est très - varié, et, quoique désert et inculte, il rappelle l'aspect de certains pays cultivés. Tantôt le sol simplement couvert de graminées, présente un pâturage herbeux; tantôt, parmi les herbes, il s'élève çà et là des arbres assez droits et de grandeur médiocre, qui produisent à la vue un effet semblable à celui de ces vergers que l'on plante chez nous au milieu des prairies; ailleurs, ce sont des bouquets de bois qui rappellent ces petites garennes connues sous le nom de remises; quelquefois, enfin, une veine de terre plus humide donne naissance à des arbrisseaux et à

de petits arbres qui, disposés sur une même ligne, ressemblent à nos haies vives, quand elles ont été long-temps abandonnées. De loin en loin, des flaques d'eau desséchées donnent l'idée de nos étangs. Partout règne une étonnante diversité d'herbes, d'arbres et d'arbustes. Ce canton doit être délicieux, lorsque toutes ces plantes sont en fleurs, que les gazons n'ont point encore perdu leur verdure, et que de petits lacs disséminées çà et là répandent de la variété dans le paysage.

Après avoir parcouru, dans un espace d'environ deux lieues, le le pays charmant que je viens de décrire, je montai sur la crête d'un morne pierreux, d'où je découvris le Jiquitinhonha, qui fait mille détours dans une vallée profonde. Bientôt je descendis le même morne, dont la végétation est celle des campos d'arbres rabougris, et j'arrivai sur les bords de la rivière diamantine. Comme elle était fort basse, probablement à cause de la sécheresse, je la passai à gué dans un endroit où elle avait une largeur médiocre; et alors je me trouvai dans le Sertão dont le Jiquitinhonha fait ici la limite, comme il est aussi, dans cet endroit, celle des termos de Villa do Principe et de Minas Novas.

Il était déjà tard, et le chemin ne m'avait pas été bien indiqué; à la vérité, je voyais une maison dans le lointain, mais j'ignorais de quel côté de la ri ́vière elle pouvait être située. J'arrivai sur le sommet d'un morne aride et pierreux, où croissent seulement des lychnophora et quelques graminées éparses; de là je découvrais une immense étendue de pays;

mais aucune habitation, aucun champ cultivé ne s'offrait à mes regards. Je suivis un sentier, espérant qu'il me conduirait à quelque maison, mais je n'en trouvai point; la nuit me surprit, et je m'arrêtai sur le bord d'un ruisseau. La lune était si brillante, que sa lumière me suffit pour écrire mon journal. A une grande distance, j'apercevais, sur le sommet d'un morne, les feux qu'on avait allumés dans quelques carrascos, et qui produisaient un effet admirable; et plus loin encore je découvrais une faible lueur qui indiquait assez quelque habitation. La crainte du froid m'empêcha de faire dresser mon hamac mes couvertures et ma capote étendues sur mes malles me servirent de lit.

CHAPITRE XII.

TABLEAU GÉNÉRAL DU SERTÃO.

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Etendue et limites du Sertão. Végétation; aspect du pays; chaleur, sécheresse. Par qui le Sertão fut peuplé. Paresse de ses habitans; leur indigence ; ils croient aux sorciers; moyens d'améliorer leurs mœurs ; leur politesse; pureté de leur langage; leur facilité pour apprendre. Culture; ce que l'on pense dans le Sertão sur l'usage de la farine de maïs. Or.-Salpêtre. Grottes salpêtrées. Description de l'une d'entre elles. Dent de mastodonte. Manière de faire le salpêtre. Exportation de cette substance. Utilité des terres salpêtrées pour le bétail. — Éducation des bestiaux. Curral. Vachers. Leur vêtement. Retiros. Nourriture des vachers. Fruits sauvages, La sécheresse, les tatous et les chauve-souris, ennemis du bétail. Exportation des bestiaux ; prix des

bœufs. Cuirs. Éducation des chevaux. Détails singuliers sur les étalons et les jumens. Instinct de ces dernières. Maladie pédiculaire des cheLes habitans du Sertão vont toujours à cheval. Leur goût

vaux.

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Le nom de Sertão ou Désert ne désigne point une division politique de territoire; il n'indique qu'une

C'est à tort que l'on a écrit en allemagne Certão, et que j'ai moi-même admis cette orthographe dans mes ouvrages de botanique. On s'est trompé bien davantage lorsque, dans un savant ouvrage sur les végétaux, on a fait du Sertão unẹ

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