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Après être sorti de la caverne, je retournai à la maison de celui à qui elle appartenait, et là je vis la manière dont se fabrique le salpêtre. On commence par déposer les terres salpêtrées dans de grands troncs

formais. Les géologues ne liront probablement pas sans intérêt la description que ces savans ont donnée de la caverne voisine de Formigas que l'on a appelée Lapa Grande, et où ils ont trouvé des ossemens de tapirs, de coatis, d'onces et de megalonyx. Il paraîtrait, au reste, que le Lapa Grande n'était plus exploitée quand elle fut visitée par MM. Spix et Martius. Avant ces voyageurs, Casal, dans sa Corografia Brazilica, imprimée en 1817, avait déjà parlé des ossemens fossiles trouvés en grand nombre dans plusieurs provinces du Brésil. Il dit qu'à la fin du siècle dernier on découvrit, dans le termo de la ville du Rio das Contas, une carcasse qui, quoique endommagée, occupait un espace de plus de trente pas; que les côtes avaient une palme et demie de large; que les jambes étaient de la grandeur d'un homme de moyenne stature; qu'une dent molaire, sans ses racines, pesait quatre livres, et qu'il fallut toutes les forces de quatre hommes pour détacher la machoire inférieure (voyez Cor., I, p. 78). On lit aussi dans le dernier ouvrage de M. d'Eschwege, que, visitant les grottes de Bem Vista, entre Formiga et Bambuhy, vers l'entrée du Sertão, dans la comarca de S. João d'El Rey, il y trouva un fragment d'os fossile qui vraisemblablement avait appartenu au bras d'un homme. Le même écrivain ajoute que, sans parler des fossiles, on voit, à la surface même des grottes, beaucoup d'ossemens épars d'hommes et d'animaux, et que lui en particulier trouva un crâne humain. (Bras. Neue Welt, I, p. 37.)

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d'arbres, et à travers ces terres on fait filtrer de l'eau. Les troncs sont appuyés aux deux extrémités sur des pièces de bois dont l'une est un peu plus basse que l'autre, ce qui facilite l'écoulement de l'eau. Celle-ci, chargée de salpêtre, passe par un trou pratiqué à la partie inférieure des troncs d'arbres, et s'écoule dans des trones beaucoup moins grands que les premiers. D'un autre côté, on dépose aussi des cendres dans des troncs creusés, et l'on fait également filtrer de l'eau au travers. Cette eau prend une teinte obscure, on en mêle une petite quantité avec l'eau salpêtrée, et il se forme un nuage qui se précipite. Tant que cette espèce de précipitation a lieu, on continue le mélange; mais on l'interrompt aussitôt que le nuage cesse de se précipiter. Alors on met l'eau salpêtrée sur des fourneaux, et on la fait évaporer jusqu'au point de cristallisation. Parvenue à ce point, on la tire des fourneaux; on la passe à travers une chausse, et on la dépose dans des cristallisoirs qui sont encore des troncs évidés. La cristallisation s'opère d'un jour à l'autre ; cependant comme les cristallisoirs présentent peu de surface, on est obligé de faire cristalliser en plusieurs fois l'eau qu'on y a versée. Les premiers cristaux enlevés, on en laisse d'autres se former à leur place, et l'on continue ainsi jusqu'à ce que toute la cristallisation soit opérée. Pour achever le travail, on lave les cristaux, et l'on obtient un salpêtre blanc comme la neige et d'une bonne qualité.

Quand on veut expédier le salpêtre, on le met dans des sacs de cuir brut, qui forment un carré long et qui

sont aplatis. Cette marchandise se transporte à Rio de Janeiro et à Villa Rica, villes qui possèdent chacune 'une fabrique de poudre établie par le gouvernement. C'est, dans la capitale, l'administration elle-même qui fixe le prix du salpêtre, et très-vraisemblablement il en est de même à Villa Rica. A l'époque de mon voyage, les habitans de Coração de Jesus se plaignaient beaucoup de la modicité du prix de cet article, modicité qui sans doute avait pour cause la paix générale nouvellement conclue2.

Ce qui rend très - précieux les terrains salpêtrés du Sertão, c'est qu'ils remplacent, pour le bétail, le sel qu'on est forcé de lui donner dans les autres parties de

· Dans l'intérieur de la province des Mines, il est une foule de gens qui fabriquent de la poudre en contrebande; et, par des mesures mal combinées, le gouvernement semble encourager encore cette contrebande dangereuse. Voici du moins comment s'exprime à cet égard M. le baron d'Eschwege, qui, si je ne me trompe, était inspecteur de la fabrique de poudre de Villa Rica : « Le roi s'est réservé le monopole de la poudre; il la paie 300 reis la livre à ceux qui la fabriquent à Villa Rica, et il la revend 320 reis (2 fr.). La poudre de contrebande, qui est aussi bonne que celle du roi, se vend pour un prix moitié moindre et est fort recherchée, tandis que la poudre royale, amoncelée dans les magasins, perd de sa qualité, et représente un capital qui ne rapporte rien.» (Bras. Neue Welt, I, p. 4o.)

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* Suivant d'Eschwege, en 1816, le salpêtre des grottes de Bem Vista se vendait, à Rio de Janeiro, 4600 reis l'arrobe. (Bras. Neue Welt, I, p. 37)

la province des Mines et dans celle de S. Paul'. A cet avantage, ce pays joint encore, comme on l'a déjà vu, celui de posséder des pâturages immenses; aussi les bêtes à cornes et les chevaux peuvent-ils être considérées comme sa principale richesse.

Les vaches du Sertão ont des mamelles extrêmement petites; d'ailleurs elles appartiennent à une très - belle race, et sont remarquables surtout par la grandeur de leurs cornes. On en élève une variété qui est absolument dépourvue de cet ornement : ces vaches sans cornes portent le nom de mochas.

Dans ce pays, comme dans le reste de la province, les bestiaux passent toute l'année dans les champs; on ne les fait point garder, et tel colon n'a que deux esclaves, qui possède plusieurs milliers de vaches. Pour reconnaître les bestiaux qui lui appartiennent, chaque propriétaire les marque avec un fer rouge. On attend pour faire cette opération que l'animal ait atteint l'âge de trois ans, et l'on prétend qu'avant cet âge elle serait nuisible. Ce qui, au reste, rend facile le soin des vachers (vaqueiros), c'est que les bêtes à cornes adoptent un endroit fixe pour s'y reposer, et elles choisissent toujours le bord des marais et les lieux humides. Dans la saison de la sécheresse, le bétail se réfugie au fond des bois; mais vers le mois de septembre on met le feu aux pâturages, un gazon fin se montre bientôt, et alors les vaches, sortant de leur retraite, vont brouter l'herbe nouvelle 2.

• V. l'Introd. à l'Hist. des Plantes les plus remarq., etc. Il s'en faut que ce soit uniquement dans le Sertão que

AS. Eloi, qui n'est au plus qu'à dix lieues de la limite du Sertão, et probablement dans tout le canton où est située cette belle fazenda, les vaches commencent à donner des veaux dès l'âge de deux ou trois ans ; elles entrent en chaleur dans les mois de janvier ou de février, elles mettent bas depuis septembre jusqu'en janvier, et elles ne donnent guère qu'une chopine de lait par jour; la plupart d'entre elles.ne portent que tous les deux ans, et l'on estime qu'il n'y a à peu près que le tiers des vaches d'un troupeau qui produisent chaque année. Ailleurs, ces animaux commencent à mettre bas vers la fin d'août. Dans les environs de Formigas, où il existe des catingas, et probablement partout où se rencontrent des bois de cette nature, les vaches sont moins souvent stériles qu'à S. Eloi, et elles donnent environ deux bouteilles de lait par jour.

Pendant une partie de l'année, les vachers se bornent à aller de temps en temps dans les pâturages, et à examiner s'il ne manque pas quelque bête, et s'il y en a de malades ou de blessées. A l'époque où les vaches donnent leurs veaux, les soins des vachers deviennent plus nécessaires, et c'est tous les jours qu'ils visitent le troupeau. Aussitôt que les veaux sont nés, on les amène à la fazenda, on les attache à des pieux dans de grands parcs appelés currál (plur. curraes), et l'on met de l'herbe devant eux. Chaque soir, les

l'on mette le feu aux pâturages. Ceux qui ont été ainsi récemment incendiés, portent le nom de queimadas. (Voyez ce qui en a déjà été dit au chap. XI de ce volume.)

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