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tent ainsi toujours armés, mais pour tuer le gibier qu'ils peuvent rencontrer dans leurs vastes déserts *.

Les habitans du Sertão vont beaucoup à la chasse des bêtes sauvages, et principalement des cerfs, dont ils emploient, comme je l'ai dit, la peau pour se couvrir. Il y a, dans ce pays, des chasseurs qui vivent une partie de l'année à peu près de la même manière que les Indiens. Ils quittent leur maison, n'emportant avec eux que leur fusil, de la poudre, du plomb et du sel; ils s'enfoncent dans les bois, se nourrissent du gibier qu'ils tuent, et ne reviennent quelquefois qu'au bout de plusieurs mois, chargés de la peau des quadrupèdes qu'ils ont privés de la vie.

L'espèce de chasse à l'affût dont j'ai parlé ailleurs2, est fort en usage dans ce pays. J'ai connu un propriétaire aisé de Salgado qui aimait beaucoup cette chasse. Il savait dans quels endroits les bêtes fauves venaient boire pendant la nuit ou manger des fruits sauvages. Il faisait attacher un hamac dans quelque

Outre leur fusil, les Sertanejos, comme beaucoup d'autres Mineiros, portent encore à leur ceinture, ou dans une de leurs bottes, un grand couteau sans charnière (faca), qui leur est indispensable pour couper le cuir, les lianes, etc. C'est sans doute cet usage qui a fait dire que les Brésiliens étaient ordinairement armés d'un stylet. Peut-être aussi at-on pris pour un stylet la petite épée (espadim) que les hommes d'une certaine classe portent à Rio de Janeiro comme un ornement, et qui, je crois, n'a jamais été tirée contre personne.

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⚫ Voyez plus haut le chapitre V de ce volume.

arbre voisin, et là il attendait le gibier pour le tuer '. Il existe dans le Sertão un grand arbre de la famille des légumineuses qu'on appelle tamburi. Ses feuilles ailées ont des folioles arrondies, et son bois est très→ propre à faire des planches. Cet arbre porte des légumes réniformes, noirs, longs de plus de deux pouces, larges de plus d'un pouce et ondulés sur les bords. Les chasseurs construisent de petites cahuttes dans le voisinage des tamburis; ils s'y cachent, et, comme les cerfs sont très-friands du fruit de cet arbre, on tue un grand nombre de ces animaux, quand ils viennent chercher leur nourriture favorite.

On a adopté dans le Sertão une manière assez singulière de chasser les espèces de cerfs qui vivent dans les campos. On se met à quatre pattes, et souvent même les chasseurs quittent leurs habits pour effrayer moins ces

› Comme on l'a déjà vu par l'exemple du curé de Villa do Principe, et comme on le verra bientôt par celui du curé de Contendas, les blancs, dans la province des Mines, se livrent à la chasse aussi bien que les mulâtres; et il en est probablement de même dans toutes les parties du Brésil. On a dit à la vérité qu'à Rio de Janeiro les seuls hommes de couleur s'occupaient de cet exercice, et que les blancs en général croiraient en s'y livrant s'assimiler aux nègres; mais il n'en est réellement pas ainsi. Les blancs de Rio de Janeiro chassent sans aucune honte, et j'ai moi-même accompagné à la chasse un homme qui était le frère du propriétaire du co-propriétaire lui-même d'une des plus belles habitations de la pro

vince.

2 Peut-être est-il mieux d'écrire tamboril.

animaux et les approcher de plus près. Il m'avait été assuré que, pour mieux tromper les cerfs, ceux qui les chassent à quatre pattes tenaient à la main une branche de verdure; mais cette circonstance est entièrement fabuleuse.

Les Sertanejos ont toujours chez eux beaucoup de peaux de bêtes sauvages, par exemple, de singes, de chevreuils, de jaguars, et sur les bords du Rio de S. Francisco, ainsi que d'autres rivières, celles de deux espèces de loutres. Chaque fazendeiro tanne luimême les peaux des vaches et des boeufs dont il mange la chair et celles des animaux qu'il tue à la chasse. Auprès de la plupart des habitations, on voit des cuirs de bœuf attachés entre quatre grands pieux, de manière à former un peu la poche. Ces cuirs servent à l'opération du tannage et s'appellent bangués. Lorsqu'on veut tanner des peaux, en enlevant leurs poils, on les fait tremper pendant environ six jours dans un bangué où l'on a mis de l'eau et de la cendre, et chaque jour on a soin de les remuer et de les manipuler. Cette première opération fait tomber les poils. Quand elle est achevée, on lave les peaux dans une eau courante pour ôter toute la cendre, et on les laisse tremper pendant vingt-quatre heures. On les reporte ensuite dans les bangués, où on les arrange de la manière suivante. On y met d'abord une peau, puis un lit d'écorce qui est resté dans l'eau pendant un certain temps, puis une deuxième peau, puis un lit d'écorce, et

Le lontra, et l'ariranha des Sertanejos.

ainsi de suite, jusqu'à ce que le bangué soit rempli. On renouvelle plusieurs fois les lits d'écorce avant que les peaux soient tannées, ce qui, pour celles des bœufs, n'a souvent pas lieu avant deux ou trois mois. Cette opération terminée, on lave avec soin les cuirs que l'on a apprêtés, et on les tend. Lorsqu'ils commencent à sécher, on les détend, on les bat, on les tend une seconde fois et on les laisse sécher entièrement. Quand on veut conserver les poils d'un cuir, on le met dans le tan, sans l'avoir fait tremper auparavant dans la lessive alcaline. On n'emploie pas indifféremment pour le tannage la cendre de tous les arbres on préfère dans le Sertão celle de l'angico légumineuse, du pao pobre (euphorbiacée), de l'embirassu, du fruta de lobo (solanum lycocarpum, N.), etc. Dans d'autres parties de la province des Mines que le Désert, on se sert, pour tanner, de l'écorce de la canna fistula (cathartocarpus brasiliana, Jacq. ex Mart.), de celle du murici (malpighiée), de celle du barbatimão (acacia adstringens, Mart.). Au lieu de bangués, plusieurs fazendeiros emploient des troncs d'arbres creusés, et ce n'est même qu'à défaut de troncs d'arbres que l'on fait un usage aussi commun des bangués. Au reste, la méthode que je viens d'indiquer n'est pas exactement la même pour tous les colons; quelques-uns laissent tremper leurs cuirs plus longtemps dans la cendre, d'autres les laissent tremper plus long-temps dans l'eau, etc., etc.

Sol. lycocarpum; parcè aculeatum; caule arboreo; foliis sinuatis; fructu maximo tomentoso; tomento deciduo.

Les cuirs que l'on n'emploie pas dans le pays même, se vendent soit pour Minas Novas, où l'on s'en sert pour faire des sacs à mettre le coton (bruacas), soit pour les autres parties de la province, où ils sont employés à faire des chaussures. Ce sont des mulets qui transportent cette marchandise comme toutes les autres. On charge les cuirs sur les côtés de la bête de somme, et l'on a soin d'en mettre à droite et à gauche une quantité égale.

On voit, par tout ce que j'ai dit plus haut, que le Sertão possède plusieurs articles d'exportations. Cependant ce sont deux simples villages, Formigas et Santa Luzia, près Sabará, qui peuvent être considérés comme les points les plus importans de cette vaste contrée. Ce qui prouve combien peu l'argent circule dans ce pays, c'est l'extrême difficulté que l'on a pour s'y procurer de la monnaie ; souvent même j'ai été obligé de me passer des choses dont j'avais besoin, parce qu'on ne pouvait trouver de quoi me rendre. Comme on ne tire point d'or des terres du Sertão, les billets, dits de bilhetes de permuta, n'y ont aucun cours. On n'y compte pas non plus par vinteis d'or, comme dans les parties aurifères de la province, mais par vinteis de vingt reis, ainsi que cela se pratique à Rio de Janeiro et dans une foule d'autres endroits.

Un grand nombre de mammifères habitent les vastes solitudes du Sertão. Mes faibles moyens ne me permettaient pas de former des collections qui occupent autant de place que celles de quadrupèdes. Ainsi j'ai

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