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vable imprévoyance on les abat, et l'on pratique dans leur tige des trous par où la liqueur s'écoule.

A deux lieues de Taióba, des terres plus boisées et meilleures que celles que je venais de traverser, m'annoncèrent la fazenda deRibeirão (torrent), où je passai la nuit. C'est certainement une des plus considérables de celles que j'avais vues depuis Villa do Principe, et l'étendue des bâtimens qui en font partie, l'air d'aisance qui y règne, me frappèrent d'autant plus que les alentours n'offrent que des déserts.

L'habitation de Ribeirão dépend de la paroisse d'Itacambira, qui en est éloignée de huit lieues, et qui est comprise dans le termo de Minas Novas. Cette habitation appartenait à M. JozÉ VIEIRA DE MATOS, qui, après avoir eu un emploi assez important dans l'administration des diamans, avait renoncé à sa place pour passer tranquillement à la campagne le reste de ses jours. Quoique je n'eusse pour lui aucune lettre de recommandation, il me reçut très-bien, me combla de politesses, et voulut me faire accepter des provisions quand je me séparai de lui.

De l'habitation de M. Vieira dépendait une sucrerie dont les fourneaux s'allumaient en dehors. Ce propriétaire recueillait du coton; on le filait chez lui, et l'on en fabriquait dans sa maison des toiles plus ou moins fines, dont étaient vêtus sa famille et ses esclaves. On forgeait dans l'habitation même le fer dont on avait besoin. Enfin M. Vieira élevait des moutons pour faire des étoffes avec leur laine, et il assurait qu'excepté le sel, il n'avait besoin de rien acheter. M. Vieira

n'était pas, au reste, le seul colon qui fit faire chez lui autant de choses; beaucoup de fazendeiros veulent leurs esclaves apprennent des métiers, et par ce moyen ils peuvent se passer des ouvriers du de

hors.

que

On pouvait fondre environ une arrobe à la fois dans la petite forge de M. Vieira. C'était une chute d'eau qui, mettant l'air en mouvement, produisait l'effet d'un soufflet. Le fourneau était construit dans un fond; une dalle amenait l'eau au-dessus d'un tuyau vertical, le liquide se précipitait dans le tuyau, et l'air, sans cesse refoulé, s'échappait par un tuyau latéral plus petit pour aller activer le feu de la forge.

Le jardin de la fazenda de Ribeirão était incontestablement le plus vaste et le mieux tenu qui se fût offert à mes regards depuis que j'étais dans la province des Mines. On n'y voyait point, à la vérité, comme dans les jardins d'Europe, des bosquets et un parterre fleuri. Là, tout avait l'utilité pour but. C'étaient des allées de diverses sortes d'orangers, un long berceau de vignes, un quinconce de cafiers, un autre de pêchers, quelques plantes médicinales, des carrés de différentes espèces de légumes, une plantation de bananiers où l'on ne marchait point comme ailleurs sur des débris de feuilles et de tiges ; un petit champ de blé, un autre de seigle, enfin des figuiers et des jabuticabeiras (myrtée), disposés avec régularité. Un ruisseau d'une eau pure, qui se divisait entre les carrés de légumes, y entretenait la fraîcheur et accélérait la végétation. Ce jardin avait un mérite bien rare pour ce pays, celui

de l'ordre presque partout ailleurs, les orangers, les bananiers, les cafiers sont plantés sans la moindre symétrie, suivant le caprice des nègres auxquels on abandonne ce travail.

Lors de mon passage à Ribeirão, la vigne n'avait presque plus de feuilles. Elle les perd en juin et en juillet; de nouveaux bourgeons se développent au mois d'août, et en janvier les raisins commencent à mûrir. Souvent, dans ce pays, la vigne produit des fruits deux fois pendant l'année, une fois en janvier, comme je viens de le dire, et la seconde fois dans la saison de la sécheresse, avant de perdre ses feuilles.

M. Vieira me fit boire de l'eau-de-vie excellente, qui avait été faite avec des oranges. Pour obtenir cette sorte d'eau-de-vie, on pile les oranges; on en exprime ainsi le jus; on y mêle du sucre ou du miel; on laisse fermenter la liqueur, et ensuite on la distille à deux fois différentes'.

Quand les pluies ont leur durée ordinaire, le maïs la canne à sucre, les haricots et le manioc réussissent très-bien aux alentours de Ribeirão. Lè maïs rend deux cents pour un dans les bois vierges, et cent cinquante

On a aussi essayé, à Rio de Janeiro, de faire du vin d'orange; et en particulier feu M. le comte Hogendorp, aide. de camp de Napoléon, réfugié au Brésil, s'était beaucoup occupé de ce genre de fabrication. « Après avoir épluché les

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fruits, dit M. de Freycinet, et en avoir retiré avec soin << toutes les parties amères, on les soumet à une forte pres«sion afin d'en extraire le jus. Pour une barrique de suc, on

ajoute environ cent livres de sucre grossier; puis on laisse

dans les capoeiras. Le riz se plante sur le bord des ruisseaux dans les terrains inondés. C'est l'espèce sans barbe que cultivent les agriculteurs de ce canton.

Je demandai à M. Vieira pourquoi l'on voyait si peu de bestiaux dans la campagne, et il me répondit, comme le propriétaire de Gangoras, que cela venait de ce que les habitations étaient trop rapprochées. Elles sont trop rapprochées dans un pays où l'on peut faire dix lieues portugaises sans en découvrir au

cune!

Après avoir quitté la fazenda de Ribeirão, je me rendis à celle de S. Eloi, qui en est éloignée de quatre lieues. La route traverse trois plateaux couverts les uns de carrascos et les autres de graminées entremêlées d'arbres tortueux et rabougris. Ce jour-là je vis encore moins de plantes en fleurs que les jours précédens, et la sécheresse me parut plus grande. Les oiseaux étaient rares; cependant un grand nombre de merles noirs faisaient entendre dans les fonds un chant très-agréable '.

J'avais une lettre de recommandation pour le propriétaire de S. Éloi, M. le capitaine PEDRO VERCIANI; personne ne m'avait accueilli avec plus de cordialité

fermenter le tout pendant quinze jours passé ce temps, « on ferme le tonneau, et on ne tire la liqueur au clair que deux mois après. Ce vin est agréable, et ressemble un « peu, pour le goût, à celui de Malaga. » (Voyage de l'UHistorique, vol. I, p. 231.)

ranie.

On les appelle merlo; mais je ne puis assurer que ce soient de véritables merles.

qu'il ne m'en témoigna, et je passai un jour dans sa maison.

La fazenda de S. Éloi ne me parut point inférieure à celle de Ribeirão. Ces deux habitations n'étaient peut-être pas les plus belles que j'eusse vues dans la province des Mines, mais peut-être étaient - elles les mieux tenues. M. Verciani retirait tous les ans cinq à huit mille cruzades de sa propriété; mais ce revenu lui était uniquement fourni par ses bestiaux et par sa sucrerie; car sa fazenda était trop éloignée de Tijuco et de Villa do Fana do,pour qu'il ne fût pas obligé de se borner à cultiver le manioc, le maïs et les autres grains pour la consommation de sa famille et celle de ses esclaves.

A peu près tout ce qui annonce l'aisance dans ces contrées lointaines se retrouvait à S. Éloi. Comme chez tant d'autres fazendeiros, je ne vis, il est vrai, chez le capitaine Pedro, ni tentures, ni secrétaires, ni commodes, ni armoires; l'on prenait ses repas assis sur des bancs de bois, et enfin, hors de table, l'on n'avait pour siéges que des tabourets couverts de cuir. D'ailleurs on me fit manger dans de très-belle argenterie. On me donna à laver dans une grande cuvette d'argent, et les essuie-mains à jour étaient garnis d'une large dentelle; le lit dans lequel je couchai était sans rideaux comme tous ceux de ce pays, mais il avait un très-beau couvre-pieds de soie; les draps, d'une toile de coton trèsfine, étaient garnis de dentelles, et le traversin avait été également garni à ses deux extrémités de dentelles et de rubans. Le capitaine Verciani me fit prendre le

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