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maisons et plus de huit cents âmes, est certainement un des plus jolis que j'eusse vus dans la province des Mines; mais il n'a quelque importance que depuis que l'on a commencé à fabriquer du salpêtre dans le pays, ce qui, lors de mon voyage, ne datait guère que d'une huitaine d'années. La plupart des maisons sont bâties autour d'une place régulière qui forme un carré long, et qui, par son étendue, serait digne des plus grandes villes. Cette place, ouverte du côté par lequel on arrive quand on vient de Tijuco et de Villa do Principe, n'a par conséquent que trois faces, et c'est une des plus petites qui manque. L'église est située au fond de la place, très-près de celui des deux petits côtés qui a été bâti; mais elle ne correspond malheureusement pas au milieu de ce côté, et elle est un peu oblique, ce qui nuit à la régularité de l'ensemble. Outre la place

dit en passant, ne me paraît pas signifier, comme on l'a cru, gorge de toucan; mais qui vient évidemment de túcá berá, toucan qui brille. Or, on ne retrouve plus d'endroit qui s'ap pelle Tucambira, et il me semble, d'après l'itinéraire de Fernando Dias, que son Tucambira ne peut être que l'Itacambira actuel, ou peut-être la Serra d'Itacambiruçu. L'habitude de mettre i devant les mots indiens qui commencent par t, aura probablement fait dire Itucambira, puis Itacambira, comme si le mot était un des composés d'itá, pierre. Dans mon troisième Voyage, je consultai, sur l'étymologie d'Itacambira, un Espagnol du Paraguay, très-instruit dans la langue guarani, et son opinion fut que ce mot venait d'itaacábì, qui signifie une montagne divisée en deux branches; mais cet Espagnol était très-probablement étranger à l'histoire du Brésil.

dont je viens de parler, il y a encore à Formigas quelques rues parallèles à deux des côtés de la place ellemême. Les maisons sont presque toutes petites, à peu près carrées, basses et couvertes en tuiles. Trois ou quatre ont un premier étage; quelques-unes sont construites avec des adobes, les autres avec de la terre et des perches croisées. Les fenêtres sont petites, carrées, peu nombreuses, fermées par un simple volet. On voit dans le village une auberge, plusieurs vendas, et enfin quelques boutiques où l'on vend des étoffes et de la quincaillerie'.

Formigas est, comme je l'ai dit dans le chapitre précédent, un des points principaux de la partie orientale du Sertão, et il s'y fait un commerce important de bestiaux, de salpêtre, de cuirs et de pelleteries. Les bêtes à cornes et les chevaux s'achètent pour Bahia; le salpêtre va à Rio de Janeiro et à Villa Rica; enfin une partie des cuirs se consomme à Formigas même pour l'emballage du salpêtre, et l'autre partie s'envoie à Minas Novas, où l'on en fait des sacs propres

Il ne faut pas s'étonner si, dans des contrées aussi désertes et aussi éloignées de nos manufactures, l'usage des carreaux de vitre est encore inconnu, puisque cet usage n'est pas même général en Europe. Dans la Valachie, ce sont le plus souvent des vessies de cochon qui tiennent lieu de carreaux. (V. la Relation de l'Ambassade russe à Constantinople en 1793, p. 278.)

2 11 est clair, d'après tout ceci, que l'on n'a pas donné une idée juste de Formigas, en peignant ce lieu comme un trèspetit village composé de quelques rangées de huttes.

à mettre le coton. Quant aux pelleteries, les alentours mêmes de Formigas en fournissent peu actuellement : les marchands du pays qui en font le commerce, les tirent des environs du Rio de S. Francisco. Le centre de ce négoce est aujourd'hui à Santa Luzia près Sabará, d'où l'on fait des expéditions pour Rio de Janeiro. Les articles de fabrique européenne, les vins, etc., quise vendent à Formigas pour la consommation du canton même, et celle d'une partie du Sertão, se tirent principalement de Bahia, parce que c'est à cette place, que le pays fournit le plus de marchandises. On tire aussi divers objets européens de Rio de Janeiro, en échange du salpêtre, et de Santa Luzia, lieu d'entrepôt, en échange des pelleteries.

Il existe aux environs de Formigas, des fazendas importantes par le nombre de bestiaux qu'on y élève. Plusieurs colons possèdent des sucreries, et le maïs, les haricots, le manioc se cultivent avec succès dans ce canton. La sécheresse ne permet pas aux agriculteurs de s'occuper beaucoup du riz. On assure que les alentours de Formigas sont très-favorables à la culture du coton, et je n'en doute nullement, car la chaleur y est très-forte, et le terrain a du rapport avec le sol de Minas Novas; cependant on ne se livre point à ce genre de culture; ce qui tient peut-être à ce que la paresse est extrême, et à ce qu'il faudrait, à cause des bestiaux, former des clôtures autour des plantations de cotonniers.

Les habitans de Formigas ont la plus mauvaise réputation sous le rapport de la probité. Avant que

j'arrivasse, on m'avait engagé partout à ne pas laisser mes mulets dans le voisinage des maisons, de peur qu'ils ne fussent volés. Presqu'en entrant dans le village, mon muletier, Silva, dit très-haut que je voyageais avec un passe-port du roi, et que si mes bêtes de somme étaient enlevées, il n'y aurait point de pardon pour les voleurs. Personne ne toucha aux mulets; mais différens petits effets nous furent dérobés, ce qui jusqu'alors ne nous était arrivé nulle part.

Je me trouvai à Formigas le premier dimanche du mois (3 août 1817), et j'y assistai à une procession qui, là, comme dans toutes les églises de la province des Mines, se fait à pareil jour en l'honneur de la vierge. Cette procession était précédée par la croix, qu'accompagnaient deux enfans portant chacun au bout d'un bâton une lanterne de papier ouverte par le haut, et dans laquelle était une bougie. La croix était suivie par les hommes rangés sur deux files. Après ces derniers, venait l'image de la Vierge placée sur un brancard, dont les porteurs avaient dans une de leurs mains un bâton fait en manière de béquille. L'officiant marchait derrière le brancard, tenant un crucifix, et il était accompagné de deux hommes qui étaient revêtus d'un de ces manteaux de camelot (opa), où les manches sont remplacées par de simples trous, et que certains laïcs ont coutume d'avoir dans les cérémonies de l'église. Pendant la procession on chanta, suivant la coutume du pays, le pater et dix ave en portugais ; après chaque ave, on sonnait une petite cloche; les fidèles s'arrêtaient, se mettaient à genoux, et l'on entonnait un glo

ria patri également en portugais. La procession fit le tour de la place et d'une partie de l'église, et elle rentra ensuite; suivant l'usage, on célébra une messe basse, et ensuite tout le peuple chanta le salve. Si je n'avais entendu que ce chant dans la province des Mines, je n'aurais certainement pas été tenté de donner tant d'éloges aux dispositions des Mineiros pour la musique, car jamais rien de plus discordant n'avait frappé mes oreilles.

L'église de Formigas, trop petite pour la population actuelle du village, est peu ornée à l'intérieur, et a trois de ses côtés entourés extérieurement par une galerie. Dans le sanctuaire sont trois autels, deux latéraux et celui du milieu. Les statues des saints ont sur la tête une auréole d'argent qui se met et s'ôte à volonté. Cette auréole est un croissant surmonté de rayons droits et massifs qui produisent un assez vilain effet. Formigas n'est pas, au reste, le seul endroit où ce genre d'ornement soit en usage; je l'avais déjà remarqué dans toutes les autres églises de la province.

C'est surtout le dimanche, lorsqu'un grand nombre d'individus se trouvent réunis dans les villages, qu'il est facile d'observer les costumes. Je ne trouvai rien de particulier dans celui des habitans de Formigas. J'ajouterai seulement à ce que j'ai dit ailleurs sur ce sujet, qu'en général les Mineiros portent les cheveux presque ras, et n'en gardent qu'une touffe au-dessus du front. Parmi les gens du peuple il est assez d'usage de laisser croître au milieu de cette touffe une très

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